L’investissement durable à la recherche d’un langage commun

Publié le 22/04/2021 à 00:01

Durable ou pas durable? C’est la question à laquelle l’Europe veut répondre. Compte tenu des efforts requis pour financer la transition économique et lutter contre les changements climatiques, le continent a mis la table à un vocabulaire qui sera le même pour tout le monde, des investisseurs aux compagnies en passant par les promoteurs de projets et les législateurs. À quand des règles canadiennes? Tôt ou tard, disent certains, il faudra bien rattraper le retard.

« Si l’on investit dans un produit financier et qu’il est présenté comme vert ou d’impact, comment savoir s’il l’est? », dit Brian Minns, Vice-président, Investissement durable chez Addenda Capital. Devant la perspective souhaitée d’une société carboneutre d’ici 2050, les législateurs européens ont voulu s’assurer, explique-t-il, « que les capitaux ne l’oublient pas lorsque des décisions d’investissement sont prises ».

Selon certaines estimations, il faudra des investissements d’environ 180 milliards d’euros pour permettre à l’Europe d’atteindre ses objectifs 2030 découlant de l’Accord de Paris, ce qui inclut au premier chef une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le plan d’action, dévoilé une première fois en 2018 par la Commission européenne (CE), consiste entre autres à établir un langage commun pour la finance durable ou, dans les mots de la CE, « définir ce qui est durable et d'identifier les domaines dans lesquels les investissements durables peuvent avoir la plus forte incidence ». La stratégie repose aussi sur un label réservé aux obligations vertes.

Des travaux sont en cours au Canada. Le Groupe CSA, un organisme spécialisé dans l’élaboration de normes pour des produits et services, travaille actuellement sur une « taxonomie du financement de la transition ». Les efforts touchent tant les compagnies qui cherchent des capitaux que les investisseurs et les sociétés financières qui permettent à ces entreprises de se tourner vers les marchés. Pour le Groupe CSA, une chose est claire : l’économie canadienne a ses particularités, notamment la forte présence de ressources naturelles et d’industrie lourde. Il souhaite par conséquent que le Canada ait un rôle actif dans l’élaboration d’une taxonomie mondiale sur le financement de la transition, « qui est pertinente au Canada ».

Les travaux de Groupe CSA sont la suite logique d’une recommandation exprimée par le Groupe d’experts sur la finance durable dans son rapport final en 2019. Si les obligations dites « vertes » ont le vent dans les voiles, a constaté le Groupe d’experts, et que la demande et l’offre augmente, « le marché de ces produits manque encore de profondeur et de liquidité ». Les raisons sont multiples. En raison d’une offre encore insuffisante, d’une part, mais aussi de « définitions (taxonomies) ainsi que des normes d’accréditation qui demeurent floues ».

Tout en reconnaissant les initiatives internationales en matière de taxonomie des investissements verts et connexes, le Groupe a apporté un bémol. Il a souligné que « les premiers critères proposés ne semblent pas inclure les possibilités de réduction des émissions de GES grâce à l’innovation dans les secteurs industriels et les secteurs des ressources à forte intensité d’émissions ». Et que cela pourrait donc « exclure des secteurs de base de l’économie canadienne en ce qui touche certains mandats de placement, […] fonds et normes d’accréditation, et ce, même si les sociétés de ces secteurs mènent des projets et appliquent des stratégies qui contribuent encore plus à l’amélioration de l’environnement que des projets verts approuvés ».

Comment les efforts de taxonomie toucheront-ils les investisseurs? Dans un avenir rapproché, les gestionnaires d’actifs canadiens qui mènent des affaires en Europe auront développé les façons de faire pour rendre des comptes aux autorités européennes. « Ils vont importer une partie de cela aux clients nord-américains », dit Brian Minns. Même avant que le Canada ait adopté des règles, l’investisseur pourrait voir, par exemple, que l’obligation qu’il vient d’acheter est investie dans des compagnies qui satisfont à tel ou tel critère européen. « Et d’une certaine manière, dit Brian Minns, ça sera bénéfique aux investisseurs car ils seront en mesure de comprendre qu’il y a des normes. »

 

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