Les enjeux sociaux enfin sous les projecteurs

Publié le 22/04/2021 à 00:01

Les actionnaires du géant agroalimentaire américain Tyson avaient déjà eu à se prononcer sur une proposition ciblant les droits et la sécurité des travailleurs dans le passé. Mais en février 2021, après un an de pandémie, le contexte n’était plus pareil. À l’issue du vote, l’appui à la proposition a bondi de 60 % à 79 % auprès des actionnaires indépendants, parmi lesquels figuraient cette fois des investisseurs institutionnels d’importance mondiale.

Ils n’ont peut-être pas bénéficié d’une aussi grande visibilité que celle de la lutte contre les changements climatiques au cours des dernières années, mais la pandémie a fait tourner le vent: les enjeux sociaux, qui vont des droits de la personne aux programmes de diversité et d’inclusion en passant par les relations avec les populations locales, retiennent plus que jamais l’attention des investisseurs dans l’analyse des facteurs ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ce n’est qu’un début, diront certains.

« La crise de la COVID-19 a permis d’exposer l’importance d’enjeux qui étaient déjà présents », dit Delaney Greig, directrice en investissement durable chez Addenda Capital, une société de placement qui tient compte des facteurs ESG dans toutes ses stratégies de placement. Longtemps relégués à l’ombre des questions environnementales et de gouvernance, ils se retrouvent désormais sous les projecteurs. Et pour cause : la pandémie, ajoute-t-elle, « a mis en relief leur portée financière ».

Des enjeux autrefois considérés plus pointus sont désormais d’intérêt général et prioritaire. La main-d’œuvre dans la chaîne agroalimentaire en est peut-être un des exemples les plus marquants. « Il y a longtemps eu des efforts portant sur les conditions de travail et les conditions de vie des travailleurs migrants », raconte Delaney Greig. Or la pandémie, parmi ses multiples ravages, a entraîné son lot d’éclosions dans de nombreux abattoirs. Lorsque le sujet est revenu dans les assemblées annuelles, comme celle de Tyson, l’appui s’est montré nettement plus fort que par le passé.

L’investissement responsable représente aujourd’hui près de 62 % des actifs gérés au Canada, et les enjeux tels que les conditions de travail, les droits de la personne et la santé et sécurité figurent bel et bien au sommet des enjeux sociaux surveillés de près par les investisseurs, a révélé un sondage réalisé en 2020 pour l’Association de l’investissement responsable du Canada (AIR). On y retrouvait aussi la diversité et l’inclusion, et la qualité et la sécurité des produits.

Cet intérêt s’exprime de plus en plus fort dans le milieu institutionnel. Plus de 330 signataires représentant 9500 milliards $US sous gestion, dont Addenda, ont appuyé en juin dernier une déclaration sur l’importance pour les entreprises d’offrir des congés payés, de protéger le plus d’emplois possible, de prioriser la santé et la sécurité, de soutenir les fournisseurs et les clients et de faire preuve de prudence sur le plan financier. Devant l’incertitude engendrée par la COVID, les signataires ont voulu souligner une idée devenue claire pour de nombreux investisseurs, celle voulant que « la viabilité à long terme des compagnies dans lesquelles nous investissons est intimement liée au bien-être de leurs parties prenantes, incluant les employés, fournisseurs, clients et communautés où elles évoluent ».

Le chemin parcouru a été salutaire. Il n’y a pas si longtemps, au moment de lancer officiellement les Principes pour l’investissement responsable, en 2006, le secrétaire général de l’Organisation des nations unies Kofi Annan avait affirmé que « si la finance alimente l’économie mondiale, la prise de décision en investissement ne reflète pas suffisamment les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance – ou, autrement dit, les principes du développement durable ».

Comment la sensibilité accrue aux questions sociales se traduira-t-elle en information standardisée pour l’analyse des investisseurs? Bien que personne ne remette en question les enjeux sociaux, le lien de causalité entre facteurs sociaux et performance n’est pas toujours si évident, dit Delaney Greig, contrairement aux indicateurs environnementaux qui s’intègrent parfois plus facilement à un cadre comptable. Verra-t-on un jour une divulgation obligatoire des enjeux sociaux d’une entreprise? « Oui, mais ça prendra plus de temps que la question climatique », croit-elle. « Quand la divulgation environnementale sera mise en œuvre, les gens verront que c’est possible. Et lentement, nous verrons la mise en place des aspects sociaux. »

 

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