Biens immatériels pour bénéfices réels

Offert par Les Affaires


Édition du 05 Octobre 2019

Biens immatériels pour bénéfices réels

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Édition du 05 Octobre 2019

Par Claudine Hébert

Les PME les plus performantes sont celles qui investissent dans les actifs immatériels. (Photo: 123RF)

SPÉCIAL PME. Salaires, recherches en développement, achats de logiciels, formations du personnel, marketing, communications... Les investissements dits «immatériels» représentent aujourd'hui plus de 35 % des investissements des entreprises canadiennes, alors qu'ils comptaient pour moins de 20 % il y a 40 ans, indique Statistique Canada.

«Nous cherchons nous à comprendre ce qui s'est passé précisément, ce qui a provoqué ce changement de comportement au tournant des années 2000», admet Pierre-Olivier Bédard-Maltais, économiste à la Banque de développement du Canada (BDC).

Certains facteurs permettent néanmoins d'émettre quelques hypothèses. «La révolution numérique, le développement accru du marketing au sein des entreprises et tout ce qui relève de l'organisationnel, souligne M. Bédard-Maltais.

Difficile à financer

Le capital immatériel d'une entreprise désigne l'ensemble de ses actifs non monétaires et intangibles. Il s'agit principalement du capital humain - les compétences, le savoir et les qualifications -, du capital organisationnel - les brevets, la propriété intellectuelle, les processus et systèmes de gestion ainsi que les données - et du capital relationnel - l'image de marque, les clients, les partenaires et la réputation.

Par conséquent, la valeur des actifs incorporels d'une entreprise n'apparaît généralement qu'en partie sur son bilan, précise soulève Pierre Cléroux, économiste en chef à la BDC. Ce qui peut compliquer le financement de ces actifs auprès des institutions financières, concède-t-il.

Selon le professeur de comptabilité et de fiscalité à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ-Université du Québec, Anis Maaloul, qui a publié plusieurs articles sur la valeur des biens immatériels, les analystes financiers et les investisseurs prennent désormais en compte les divulgations des actifs immatériels dans les rapports annuels.

En 2016, les biens immatériels ont représenté près de 135 milliards de dollars de dépenses pour les entreprises canadiennes, alors qu'ils étaient de 7 G $ en 1976. Toutefois, les dépenses en biens matériels ont eux aussi explosé. De 30 G $ en 1976, ils dépassent aujourd'hui les 235 G $, indique une analyse de la BDC réalisée en collaboration avec la Banque du Canada et Statistique Canada.

Un investissement payant

Les PME les plus performantes sont justement celles qui investissent dans les actifs immatériels. Selon l'étude «Visez la performance» publiée par la BDC en mai 2018, les PME dont les ventes dépassent les 2 millions de dollars par année investissent plus que les autres dans le matériel informatiqu e, les logiciels, la recherche et le développement et les brevets. Ces entreprises offrent également des salaires supérieurs à la moyenne de leur secteur d'activité.

Plus l'investissement incorporel par employé est élevé, plus élevés sont les revenus de l'entreprise, montre l'étude. Les PME qui ont des revenus annuels de 10 M $ à 100M $ consacrent en moyenne 32 000 $ par employé aux biens immatériels, soit trois fois plus que les entreprises qui engrangent annuellement moins de 10 M $ de revenus.

Ces constats sont généralisés à l'ensemble des secteurs d'activité, constate l'auteure de cette étude, Sylvie Ratté, économiste principale à la BDC. En fait, l'avantage concurrentiel d'une entreprise dépend de plus en plus de ses actifs immatériels. «C'est ce qui la rend unique et permet à ses activités de croître», écrit Mme Ratté.

DashThis, une PME informatique de Québec de type SaaS (logiciel en tant que service), connaît par exemple une croissance fulgurante grâce à ses investissements immatériels. «Les salaires plus compétitifs de nos 36 employés et nos stratégies marketing pour nous démarquer des géants du Web représentent plus de 85 % des dépenses annuelles de l'entreprise, dit son chef des opérations, Antoine Paré. De plus, nous louons notre local ; nous n'en sommes pas propriétaires. En fait, les seuls biens matériels dont on dispose demeurent nos ordinateurs.»

DashThis figure parmi les 500 entreprises qui enregistrent les plus fortes croissances du pays, affichant une augmentation de revenus de 1 382 % en cinq ans. Ce qui la hisse au 64e rang du classement Growth 500 : Les leaders de la croissance, publié par Canadian Business, Maclean's et L'actualité.

L'obtention de diverses certifications est un autre type d'investissement immatériel qui rapporte. De plus en plus d'entreprises veulent par exemple obtenir la certification WELL, qui se préoccupe de la santé et du bien-être des employés, ou encore la certification B Corp, qui reconnaît les entreprises qui répondent à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public. Selon des études menées par l'International WELL Building Institute - derrière la certification du même nom -, les entreprises qui se préoccupent du bien-être de leurs employés parviennent à réduire de 25 % à 65 % leur taux de roulement. Des retombées non négligeables dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre.

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