Quatre clés pour réussir son recrutement


Édition du 25 Mai 2022

Quatre clés pour réussir son recrutement


Édition du 25 Mai 2022

Par Catherine Charron

Si la pandémie a été exigeante pour les gestionnaires, le mode de travail hybride le sera tout autant, sinon plus. (Photo: 123RF)

SPÉCIAL GRANDES ENTREPRISES. Malgré la pénurie de main-d’œuvre et la pandémie, certaines organisations ont connu un taux d’embauche record entre 2019 et 2021. Quels ont été leurs secrets pour réussir ce véritable tour de force?


1. Bien communiquer sa culture d’entreprise

La culture d’entreprise figure toujours au palmarès des clés pour fidéliser ses salariés. Le hic, c’est que son incidence est limitée si elle n’est pas véhiculée adéquatement. Ce n’est plus un problème que rencontre Desjardins pour ses 48 326 employés (+18%).

En effet, toutes les recrues du Mouvement, lequel occupe la deuxième place du podium, passent par un camp d’accueil et d’intégration, aujourd’hui virtuel, dans lequel elles découvrent ce qui compose l’ « ADN de Desjardins, ce à quoi on s’attend d’elles, nos valeurs », explique sa première vice-présidente aux ressources humaines et aux communications, Marie-Huguette Cormier.

Cette démarche, croit-elle, permet aux personnes nouvellement engagées par la coopérative de cerner dans quel genre d’organisation ils et elles mettent les pieds et le sens que cela donne à leur travail. D’une pierre deux coups, ça attire des candidats, tout en fidélisant celles et ceux qui se sentent mobilisés.

Pour en maximiser les avantages, Desjardins a même profité de la pandémie et de la virtualisation de cette formation afin de rappeler à l’ensemble de ses 48 000 salariés que leurs « membres clients » sont au cœur de chacune de leurs décisions. « Il faut entretenir la flamme », affirme la dirigeante.

Le PDG de Cogir Immobilier, Mathieu Duguay, émet des propos similaires. Alors que son effectif est passé de 2500 à 3500 (+20%) en seulement deux ans, le travail à distance et les confinements qui se sont succédé lui ont permis de constater que pour croître, son entreprise doit mieux partager ses valeurs avec ses employés, leur expliquer davantage qui elle est et la raison pour laquelle elle existe. C’est d’ailleurs pourquoi la Fondation Cogir a été lancée en février 2022, une manière concrète d’unir les membres de son équipe afin de redonner à la société.

Marie-Huguette Cormier ajoute que ce sont les organisations dont les actions seront cohérentes avec leur mission qui parviendront à traverser les 15 prochaines années, qui promettent d’être difficiles sur le plan du recrutement. « Peut-être qu’avant, quand il y avait trop de monde [sur le marché du travail, les conséquences d’une incohérence] étaient moins graves. Aujourd’hui, si le jupon dépasse, la jeune génération n’acceptera pas ça », estime-t-elle.

Savoir communiquer sa culture est tout aussi important lorsqu’une entreprise ouvre un bureau ou acquiert une société, greffant du même coup un nombre additionnel d’employés à son personnel.

Ainsi, lorsque Cogir Immobilier s’est implanté aux États-Unis et dans l’Ouest canadien au cours des deux dernières années, elle a misé sur les gestionnaires de proximité afin que ses salariés récemment intégrés soient imprégnés de la même culture d’entreprise.

« Les dirigeants de ces nouveaux établissements étaient déjà avec nous, dans d’autres propriétés. On a aussi un soutien de direction régionale sur plein de sujets. Elles viennent physiquement sur place pour former, partager les façons de faire », explique son PDG Mathieu Duguay.

Sara Pérez-Lauzon, professeure adjointe au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal, souligne également l’importance des gestionnaires de premier niveau lors de la mobilisation d’une équipe acquise : « Il faut se connecter à eux et à leur expérience, leur donner des outils et voir comment leur rôle évolue. »

C’est ce que fait iA Groupe financier lorsqu’elle doit incorporer à ses effectifs celui d’une organisation sur laquelle elle a mis son grappin. Afin d’harmoniser les deux cultures, si c’est nécessaire, elle prône la collaboration, en prenant le meilleur de chacune des deux entités.

Leur intégration ressemble en plusieurs points à celle qu’elle ferait avec des candidats directement recrutés par iA Groupe financier, illustre sa directrice principale de l’expérience employé, Maude Dumont-Montplaisir. « On s’assure d’avoir un suivi régulier, des rencontres individuelles et des réunions avec les personnes clés », énumère celle qui cumule plus de 13 ans d’expérience au sein du groupement de sociétés d’assurance qui a intégré 1000 travailleurs supplémentaires (+24%) ces deux dernières années.

Ce qui permet le plus d’éviter les vagues de départs lors de telles opérations, croit l’associée de la firme de consultants en ressources humaines, le Groupe GCRH, Johanne Bisson, c’est justement de tenir compte des besoins des membres de chaque groupe qui sera fusionné. 

Elle recommande de créer des synergies, plutôt que de tenter d’ « abattre» les individus et leurs pratiques à annexer. « Oui, c’est un peu plus de temps et de sous, mais vous allez gagner en fidélisation », affirme-t-elle.

 

2. Ne plus traiter l’humain comme une ressource

Cette écoute des besoins des employés vaut aussi son pesant d’or dans le fonctionnement quotidien d’une entreprise, et pas seulement parce que la relation de pouvoir est passée des mains du patron à celles de ses salariés. « On doit arrêter de se dire que ce sont eux qui ont le gros bout du bâton. […] Il faut plutôt se demander “Comment peut-on travailler ensemble? Comment respecter mes besoins et les tiens en sachant qu’il y a un contexte et des contraintes?” » énumère Johanne Bisson, qui martèle l’importance de traiter les membres d’une équipe comme des humains.

D’ailleurs, cette dernière, qui pratique son métier depuis plus de 35 ans, souhaite carrément que sa fonction tire un trait une bonne fois pour toutes sur le concept de « ressources ». « Ça m’a toujours dérangé. Quand on brasse les boîtes en entrepôt, ça ne va rien changer. Brassez des humains, et ça fera une différence dans leur contribution à l’entreprise. »

Si la pandémie a été exigeante pour les gestionnaires, le mode de travail hybride le sera tout autant, sinon plus, estime Marie-Huguette Cormier, de Desjardins. Malgré la distance, ils doivent s’assurer de maintenir une proximité avec les membres de leur équipe.

«Il faut que les gens sentent qu’ils sont reconnus dans une organisation, qu’on s’intéresse à comment ils se sentent, s’ils ont besoin de nouveaux défis. Ça passe par la communication, et la pandémie a confirmé que c’était la chose la plus importante.»

D’autres l’ont aussi compris à la dure. À Cogir Immobilier, par exemple, le télétravail a complexifié les intégrations, avoue son PDG. Ainsi, bien que le nombre de salariés a crû dans l’absolu entre 2019 et 2021, le taux de roulement s’est accéléré. L’entreprise s’est toutefois relevé les manches afin de revoir sa marche à suivre.

Maude Dumont-Monplaisir, directrice principale de l’expérience employé, iA Groupe financier (Photo: courtoisie)

Maude Dumont-Monplaisir indique que les liens de communication doivent être instaurés dès les premiers pas d’un employé au sein de son organisation. Grâce à un plan d’intégration clair et acheminé à l’avance à la recrue, la personne entrera rapidement en contact avec les acteurs clés de son nouveau quotidien. L’entreprise doit provoquer ces rencontres, surtout à distance. 

«Ce qui est important, c’est que le gestionnaire ou le responsable mette en place plusieurs réunions individuelles à une fréquence rapprochée dans les premiers temps» afin de reproduire le partage informel de connaissances qu’on vivrait au bureau, conseille la directrice principale de l’expérience employé d’iA Groupe financier.

C’est d’ailleurs une des leçons qu’a tirées le PDG de Cogir immobilier au cours des derniers mois. «Chaque responsable d’une unité commerciale ou d’une équipe doit veiller à être très près du bien-être de ses collègues, chose qu’on tenait un peu plus pour acquise auparavant. […] Il faut éviter de présumer que tout le monde sait ce qu’il doit faire», ajoute Mathieu Duguay.

Depuis le début de la pandémie, cela s’est traduit chez iA Groupe financier par des coups de sonde passés régulièrement afin de prendre le pouls de l’état général de ses troupes. «On a été à l’écoute, et quand leur bien-être s’effritait, on a mis un plan d’action pour régler ça en lançant des initiatives qui répondaient à leurs désirs.»

«En plus de la fidélisation ou de l’attraction, on se demande aujourd’hui comment on peut segmenter nos pratiques de gestion des ressources humaines en fonction des besoins des employés et de leurs contribution à la stratégie de l’entreprise. Les enjeux sont différents selon la culture et les normes de l’organisation, les responsabilités et les attentes des employés ou encore des modalités du travail – qu’il soit à distance ou hybride par exemple. Cela met en lumière l’importance de la notion de flexibilité», rappelle Sara Pérez-Lauzon.

 

Sara Pérez-Lauzon, professeure adjointe au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal (Photo: courtoisie)

 

3. Épauler ses employés dans le développement de leur carrière

La professeure associée à HEC Montréal encourage les entreprises à être actives dans l’accompagnement des employés dans le développement de leur plan de carrière, notamment lorsqu’ils sont recrutés pour un mandat précis. Ça va bien au-delà du perfectionnement des qualités de gestion.

« On doit réfléchir à l’ensemble des talents qu’on a dans l’organisation comme un écosystème, […] regarder quel genre de personne on embauche de façon temporaire, mesurer leur profil de compétences et l’intégrer de manière plus large dans sa planification, explique Sara Pérez-Lauzon. On s’assure que dans les années subséquentes, on aura une architecture qui comprend ce type de travailleurs, pour qui la mobilité interne sera plus structurée. Ils verront ainsi qu’ils peuvent progresser dans l’entreprise.»

C’est un principe qu’a d’ailleurs adopté l’équipe de Desjardins, qui tente de trouver un poste en interne aux salariés non permanents qui se démarquent au cours de leur mandat d’une durée déterminée. «Les employés restent quand ils sont motivés. […] «Est-ce qu’on exploite mon talent? Est-il mis à contribution? Ai-je du plaisir à les réaliser?»» énumère Marie-Huguette Cormier.

Les patrons doivent donc se connecter de façon plus authentique à l’expérience de son personnel.

 

4. Consolider ses acquis

Le sentiment d’urgence et l’effervescence des derniers mois doivent maintenant tranquillement céder leur place à un travail de réflexion sur ce que ces changements apportés en temps de pandémie auront comme conséquences à long terme, en commençant par l’intégration des personnes embauchées en mode hybride. iA Groupe financier lancera d’ailleurs un chantier sur la question prochainement, confie Maude Dumont-Montplaisir.

«Ceux qui seront intégrés uniquement en virtuel vont manquer de visibilité chez les employés qui seront en présentiel, prévient l’associée du Groupe GCRH, Johanne Bisson. Si on ne fait pas un effort pour inviter occasionnellement [au bureau] une recrue à distance, la cohésion d’équipe sera plus difficile. Quand tout le monde télétravaillait, on ne vivait pas un tel écart.»

Sara Pérez-Lauzon recommande de créer un réseau de partage de connaissances. Ces membres peuvent «développer des partenariats informels, des groupes de partage de pratiques entre entreprises non concurrentes, qui n’ont pas les mêmes besoins sur le plan de la main-d’œuvre par exemple, ou encore développer des collaborations avec des établissements d’éducation.»

En d’autres termes, la boîte à outils dont elles disposent pour pallier la pénurie de travailleurs est un écosystème bien plus large que leur simple organisation.

 

 


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