Main-d'oeuvre: le «gisement gris» ne sera pas une panacée pour le secteur manufacturier

Offert par Les Affaires

Publié le 01/12/2021 à 09:13

Main-d'oeuvre: le «gisement gris» ne sera pas une panacée pour le secteur manufacturier

Offert par Les Affaires

Publié le 01/12/2021 à 09:13

Par François Normand

En 2019, les personnes de 60 à 74 ans affichaient un taux d’activité de 31,4 % au Québec, selon Statistique Canada. (Photo: 123RF)

SECTEUR MANUFACTURIER. Immigration, automatisation, partage d’employés… Les entreprises misent sur plusieurs solutions pour atténuer l’impact de la pénurie de main-d’œuvre. Le recours aux personnes de 60 à 74 ans est une option pour le secteur des services. Toutefois, elle s’applique difficilement à grande échelle au secteur manufacturier, affirment des sources de l’industrie.


Le «gisement gris», comme est surnommé ce bassin de travailleurs, est méconnu au Québec. Pourtant, il regroupe des dizaines de milliers d’employés potentiels, selon une analyse effectuée plus tôt cette année pour Les Affaires par Pierre Fortin, professeur émérite de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Or, ce bassin est sous-utilisé, affirme l’économiste, qui a comparé le taux d’activité de cette tranche d’âge au Québec à celui du Japon, également une société vieillissante.

L’enjeu est de taille, car le bassin des travailleurs québécois âgés de 15 à 64 ans diminuera de 40 000 à 56 000 personnes d’ici 2031, selon une analyse publiée en avril dernier par l’Institut de recherches en politiques publiques.

 

Un bassin de 287 000 travailleurs

En 2019, les personnes de 60 à 74 ans affichaient un taux d’activité de 31,4 % au Québec, selon Statistique Canada. Selon les calculs de Pierre Fortin, l’économie québécoise pourrait compter sur un bassin théorique supplémentaire de 287 000 travailleurs si elle affichait le même taux d’activité des personnes de 60 à 74 ans que l’économie japonaise – soit 50,5 %, d’après l’OCDE.

L’économiste estime plus réaliste de penser combler la moitié de l’écart de 19 points de pourcentage du Québec avec le Japon, pour un taux d’activité de 41 %. Cela dégagerait malgré tout un bassin théorique supplémentaire de 143 500 personnes.

Les entreprises manufacturières qui, à la lumière de ces chiffres, rêvent déjà de combler en partie leur besoin de main-d’œuvre devront toutefois réduire leur attente.

Car si des travailleurs de 60 à 74 ans peuvent occuper facilement des postes dans le secteur des services, où la force et l’endurance physique ne sont pas des prérequis, c’est une tout autre histoire dans le secteur manufacturier, à commencer par l’industrie lourde comme la métallurgie.

«Les alumineries ont des environnements de travail ou la température est très élevée. Des coups de chaleur sont possibles», souligne Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), qui représente Alcoa, Alouette et Rio Tinto Aluminium.

Il faut donc avoir de bonnes capacités physiques pour travailler dans une aluminerie – des capacités qui déclinent avec l’âge, rappelle Jean Simard. C’est la raison pour laquelle il estime que le gisement gris des 60 à 74 ans a un potentiel limité dans le secteur manufacturier.

Louis Bégin, président de la Fédération de l’industrie manufacturière de la CSN, est du même avis. «On s’est posé la question, mais nous avons également réalisé qu’il y a des contraintes physiques à recourir à des employés 60 à 74 ans dans l’industrie manufacturière», constate celui qui représente des travailleurs dans des secteurs comme la métallurgie, les mines, la foresterie ainsi que les pâtes et papiers.

 

Contourner les contraintes physiques

Depuis des années, le gouvernement du Québec essaie de garder plus longtemps les Québécois sur le marché du travail, en créant par exemple le crédit d’impôt sur la prolongation de carrière.

Entre 2012 et 2019, cette politique a permis de créer environ 27 000 en emplois en moyenne par année dans l’ensemble de l’économie chez les 60 ans et plus, selon une analyse de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Si la bonification de ce crédit d’impôt peut convaincre des gens de rester plus longtemps sur le marché du travail dans les services, elle aurait cependant peu d’impact dans le secteur manufacturier en raison de l’enjeu des contraintes physiques.

Louis Bégin affirme qu’il y a tout de même des solutions pour s’attaquer à cet enjeu. Réduire la charge physique de travail et le nombre d’heures des personnes de ce groupe d’âge dans les usines, entre autres.

Ainsi, si une entreprise veut employer davantage les 60-74 ans, elle peut par exemple leur offrir des postes au service des expéditions. Elle peut aussi revoir les horaires pour ces travailleurs afin de leur offrir du temps partiel.

«On a débuté cette réflexion, mais c’est très embryonnaire», confie Louis Bégin. Selon lui, cette approche devrait aussi être équitable afin de ne pas créer deux classes de travailleurs dans les usines, car, en matière d’horaire, les employés plus jeunes ont leurs propres enjeux de conciliation travail-famille.

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