Quelle crise? Ces entreprises qui surfent sur une nouvelle demande


Édition du 13 Mai 2020

Quelle crise? Ces entreprises qui surfent sur une nouvelle demande


Édition du 13 Mai 2020

Par François Normand

Le câblodistributeur Cogeco a béné cié du con nement et de l’explosion du télétravail. L’utilisation de son service Internet a augmenté de près de 60 % durant la journée, puis de 25 % pendant la soirée. (Photo: Getty Images)

S'ADAPTER À LA CRISEJean Laflamme n'aurait jamais pu imaginer que le virage numérique qu'il a imposé à Meubles South Shore, en 2004, allait l'immuniser contre une pandémie 16 ans plus tard, permettant même à sa PME d'augmenter ses ventes en Amérique du Nord malgré un confinement et la fermeture de milliers d'entreprises.

«Nos ventes ont bondi de 50 % depuis le début de la pandémie de la COVID-19», raconte au téléphone le président du fabricant de meubles de Sainte-Croix, dans Chaudière-Appalaches, qui vend 95 % de ses 1 200 produits en ligne en Amérique du Nord (le reste est vendu à des détaillants), en plus de les livrer à la porte des consommateurs en 5 à 10 jours.

La PME familiale fondée dans les années 1940 a amorcé sa transformation numérique au milieu des années 2000, quand la production nord-américaine de meubles a commencé à se délocaliser en Chine. Pour se démarquer, elle a donc décidé de miser sur la qualité, la diversité de son offre alignée sur la demande et la rapidité de livraison.

«Nous avons eu un peu de chance, mais notre virage numérique nous avantage», insiste le patron de l'entreprise qui exploite une usine à Sainte-Croix et une autre à Coaticook, en Estrie.

Son site transactionnel permet aux consommateurs d'acheter des meubles et des accessoires pour toutes les pièces de la maison. Il permet aussi d'interagir avec des employés afin d'avoir des conseils, sans parler de l'assistance technique pour monter les meubles. Dès les premiers jours de confinement, son modèle d'entreprise était donc taillé sur mesure pour répondre à la nouvelle demande, alors que les consommateurs nord-américains ne pouvaient plus se déplacer en magasin et cherchaient d'autres options.

Certes, comme plusieurs entreprises manufacturières du Québec, Meubles South Shore a dû ralentir sa cadence à compter du 23 mars, quand le premier ministre François Legault a demandé aux entreprises non essentielles de se mettre sur pause.

Malgré tout, la PME a pu continuer de répondre à la demande, en s'appuyant notamment sur ses stocks. Aujourd'hui, elle réalise 75 % de ses ventes aux États-Unis, tandis que le Canada et le Mexique comptent respectivement pour 23 % et 2 %.

Nul n'est prophète en son pays

Sanuvox Technologies, une PME montréalaise fondée en 1995 qui vend ses équipements de purification de l'air par ultraviolet dans le monde, bénéficie aussi de la crise. «Nos ventes ont bondi, et c'est lié à la pandémie», affirme le président et chef de la direction, Jocelyn Dame.

La PME affiche des revenus de plus de 10 millions de dollars, et le montant devrait plus que doubler dans les 12 prochains mois, estime Jocelyn Dame, principalement en raison de la demande pour ses tours jumelles de désinfection pour les hôpitaux qui utilisent des rayons germicides UV (UVGI).

Des articles publiés dans Nature et par le National Center for Biotechnology Information concluent que cette technologie permet de désinfecter des environnements en quelques minutes si elle utilisée adéquatement et de manière sécuritaire (les gens doivent quitter la pièce durant la désinfection). Sa paire de tours, vendue au coût de 50 000 $ peut, selon elle, désinfecter en quelques minutes seulement et à 99,99 % un bloc opératoire, une salle d'attente, un bureau de médecin ou une chambre de patient, et ce, de 20 à 30 fois par jour si on le souhaite.

«Nous avons vendu 78 paires de tours dans plusieurs pays, comme la Corée du Sud, où la culture de la santé publique est très axée sur la prévention, mais aussi dans des pays tels qu'Israël ou l'Espagne. Nous avons aussi déjà des commandes pour 20 autres paires», souligne le docteur Normand Brais, fondateur de Sanuvox Technologies.

En Espagne, un pays durement touché par la COVID-19, la Clinique universitaire de Navarre utilise sa technologie pour désinfecter les salles ayant été utilisées pour traiter les personnes atteintes de la COVID-19, rapporte l'Euro Weekly News, un média espagnol anglophone.

L'entreprise a aussi vendu des tours en Ontario et au Manitoba, mais pas encore au Québec.

Bénéficier du «cocooning»

Le câblodistributeur Cogeco a aussi bénéficié de la crise, du confinement et de l'explosion du télétravail. Entre la mi-mars et le début du mois d'avril, l'utilisation de son service Internet a augmenté de près de 60 % durant la journée, puis de 25 % pendant la soirée. «La hausse de nos revenus pour Internet est d'ailleurs supérieure à la hausse des nos prévisions que nous avions faites pour le troisième trimestre», dit Michel Blais, vice-président au réseau, à l'ingénierie et la livraison technologique à Cogeco Connexion.

La société, qui ne divulgue pas ses prévisions, a une année financière qui débute le 1er septembre. Son troisième trimestre correspond donc aux mois de mars, avril et mai.

La crise a également permis à l'entreprise de réduire certains de ses coûts, car elle a dû développer une procédure d'auto-installation pour ses équipements chez les particuliers, et ce, pour répondre aux craintes des clients et pour protéger la santé de ses employés.

«Ç'a été un branle-bas de combat !» raconte Michel Blais. Ainsi, en deux semaines, Cogeco est passé d'un taux d'auto-installation de 30 % à 75 %. Comme des sous-traitants installent ses équipements chez les particuliers, la réduction de cette activité a permis à l'entreprise de réduire ses coûts. Et le câblodistributeur a l'intention d'accroître encore ce taux d'auto-installation.

Tengiva, l'eBay québécois du textile

Dans un contexte d'engouement pour le commerce électronique, la «start-up» Tengiva, une nouvelle plateforme québécoise de commerce électronique dans l'industrie du textile, a aussi un modèle d'entreprise qui cadre parfaitement avec la nouvelle réalité d'affaires.

«Nous faisons le pont entre l'offre et la demande de petits lots de textile dans le monde, mais qui sont sous-utilisés», explique l'entrepreneure Annie Cyr, qui a fondé l'entreprise en 2018, mais dont les activités ont réellement débuté au tournant de 2020.

Depuis le début de la pandémie, plusieurs producteurs de textiles ont réorganisé leur production afin de répondre aux besoins des hôpitaux en produisant, par exemple, des masques ou des blouses.

Or, il est souvent difficile de trouver la matière première, surtout s'il s'agit de petits volumes, affirme Annie Cyr. Tengiva permet donc d'accélérer les échanges.

«Depuis le 23 mars, nous avons augmenté nos visites (sessions) de 451 % par rapport au mois précédent. Nous avons désormais 300 visites par jour en moyenne», précise-t-elle.

Selon elle, il y aurait pour 100 milliards de dollars de textiles inutilisés dans le monde, qui peuvent être stockés de trois à cinq ans. La plupart du temps, ces stocks sont détruits ou vendus à perte.

Ce sont une partie de ces stocks que Tengiva remet rapidement en circulation. La PME se trouve donc en fait à «gérer les inventaires» des entreprises présentes sur sa plateforme, explique la fondatrice.

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