La grande course inflationniste des salaires

Publié le 06/04/2022 à 10:00

La grande course inflationniste des salaires

Publié le 06/04/2022 à 10:00

La moitié des 285 organisations canadiennes interrogées par la firme-conseil en rémunération globale Normandin Beaudry ont ainsi révisé à la hausse leur budget d’augmentations salariales pour cette année. (Photo: 123RF)

RÉMUNÉRATION GLOBALE. Un jour de décembre 2021, le président d’une PME québécoise voit un employé débarquer dans son bureau: on lui offre 15 000 $ de plus à l’année dans une autre entreprise, pour un rôle similaire. Refusant de tomber dans la surenchère, le président lui propose une augmentation annuelle de 7 500 $, soit une hausse de 12,5 % de son salaire. Bien mal lui en a pris: non seulement l’employé en question a accepté l’autre proposition, mais il a fallu trois mois pour trouver son remplaçant… à un salaire plus élevé que ce que demandait à l’origine le démissionnaire! 

L’anecdote est révélatrice, car la situation de ce dirigeant – qui souhaite garder l’anonymat – est loin d’être un cas isolé, à en croire les experts du secteur. Surtout dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre et d’inflation. Selon Statistique Canada, l’indice des prix à la consommation avait en effet grimpé en février de 5,7 % sur les 12 derniers mois. Durant la même période, les salaires n’avaient augmenté « que » de 3,1 %.

Résultat: les entreprises n’ont pas le choix de délier les cordons de la bourse pour rester attrayantes. La moitié des 285 organisations canadiennes interrogées par la firme-conseil en rémunération globale Normandin Beaudry ont ainsi révisé à la hausse leur budget d’augmentations salariales pour cette année, entre l’été et la fin 2021. Ce dernier est ainsi passé, en moyenne, de 2,9 % à 3,4 %. La part des entreprises ayant initialement prévu un gel salarial, elle, a baissé de 3 % à 0,4 %. Ces résultats sont similaires aux prévisions salariales 2022 de l’Ordre des CRHA, publiées en février.

 

Une plus grande volatilité

Malgré l’accent sans cesse plus important mis sur les aspects indirects de la rémunération, il convient de rappeler que le salaire demeure l’argument numéro 1 aux yeux des candidats et employés. « Ça reste la locomotive de l’enveloppe de rémunération globale », confirme Guylaine Béliveau, CRHA et directrice des services-conseil rémunération au cabinet Solutions Mieux-être Lifeworks.

D’après une enquête menée au Canada par l’agence de recrutement Hays à l’la moitié des plus de 4000 répondants (51 %) qui envisagent de quitter leur emploi admettent en effet être motivés par le salaire.

« Certes, si le salaire n’est pas à un taux correct, c’est une barrière à l’entrée pour un candidat ou une raison de départ pour un employé, précise Anna Potvin, CRHA, conseillère principale et cheffe de la pratique rémunération chez Normandin Beaudry. Mais on ne crée pas un attachement à long terme qu’avec de l’argent. » Autrement dit, le salaire est une condition nécessaire, mais pas suffisante, d’une politique de rémunération globale attrayante.

Malgré tout, pour rester concurrentiels et s’adapter à un marché où les employés tiennent le gros bout du bâton, de nombreux employeurs font évoluer leurs pratiques en la matière. « Les bonis de rétention ou de signature à l’embauche sont des avantages que l’on ne voyait pas aussi souvent il y a quelques années », constate Marc Chartrand, CRHA, associé et conseiller principal chez PCI rémunération-conseil. « Ils étaient aussi réservés aux cadres, alors qu’aujourd’hui, cela se répand plus bas dans la hiérarchie », ajoute Guylaine Béliveau. 

« On voit également certaines entreprises revoir leur grille de rémunération deux fois par an au lieu d’une, tellement le marché évolue vite », indique France Dufresne, responsable de l’expérience-employé au cabinet Willis Towers Watson. Alors que les ajustements salariaux se font généralement en avril chez Ubisoft, le studio de jeux vidéo a bonifié d’au moins 5 % la paie de ses employés dès cet hiver. « L’inflation se faisait sentir et on a préféré anticiper », explique Louis-François Poiré, son directeur rémunération globale.

« Nous prenons beaucoup plus fréquemment le pouls du marché », renchérit Frédérick Poulin, directeur de la rémunération globale de l’entreprise de logiciels GSoft. « Il y a tellement de volatilité qu’on ne peut plus se contenter d’une étude de rémunération tous les trois ans », confirme Claudio Gardonio, CRHA, associé-directeur de CGC Talent.

Comment faire alors pour demeurer constamment compétitif ? Première piste : mener des enquêtes de marché auprès de cabinets spécialisés en analyse de rémunération ou d’organismes sectoriels. La deuxième : voir la réaction des candidats à une offre lors du processus de recrutement. Enfin, suivre avec minutie le taux de roulement de l’entreprise et les raisons de départ des employés. « Il n’y a pas de vérité absolue en la matière, mais, si tu regardes tous ces indicateurs et leur évolution dans le temps, tu te rapproches d’une certaine forme de réalité du marché », estime Louis-François Poiré.

 

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