Recruter à l'international pour poursuivre sa croissance


Édition du 07 Septembre 2022

Recruter à l'international pour poursuivre sa croissance


Édition du 07 Septembre 2022

Par Catherine Charron

Philippe-Antoine Defoy, propriétaire de Popeye’s Supplements Québec et Maritimes (Photo: courtoisie)

RECRUTEMENT. Peinant depuis de nombreuses années à embaucher de nouveaux salariés pour composer les équipes de ses 27 succursales de Popeye’s Supplements, l’entrepreneur québécois Philippe-Antoine Defoy a dû se rendre à l’évidence: pour poursuivre sa croissance, c’est en dehors des frontières canadiennes qu’il doit se tourner. Et il n’est pas le seul à faire ce constat. 

Tous les acteurs du milieu du recrutement sondés par Les Affaires témoignent effectivement d’une forte demande pour leurs services destinés à dénicher des talents à l’international depuis la reprise économique de ce printemps. Même que dans certains marchés, la lutte se fait féroce.

« On perd des contrats parce que les candidats signent finalement avec un autre employeur québécois, surtout dans les métiers spécialisés. Dans certains bassins de travailleurs, les candidats ont l’embarras du choix. On ne voyait pas ça avant », constate Laurence Béliveau-Hamel, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et présidente fondatrice de WE Conseil et recrutement.

Le besoin de main-d’œuvre est si pressant que cette firme, qui offre un service clé en main, a quadruplé le nombre de contrats signés en un an. Même son de cloche du côté de l’agence de développement économique Montréal International. L’an passé, 155 entreprises ont participé à l’une de leurs activités de recrutement. En date du 18 août dernier, ce nombre atteignait 167 pour l’année en cours.

Pourvoir les postes vacants ne constitue pas le seul avantage des embauches étrangères, soulignent les experts consultés. Ayant attendu plusieurs mois avant de pouvoir poser leurs valises au Québec, ces salariés mettent les pieds au bureau avec une telle motivation qu’elle donne bien souvent un regain d’énergie aux autres employés de l’organisation qui les accueille, remarque Laurence Béliveau-Hamel.

Sans compter que les nouveaux venus ont une culture du travail et des affaires différentes de celles déjà en place. « On parle beaucoup de diversité ces temps-ci, dont celle de diversité des points de vue, note Christian Bernard, vice-président aux talents internationaux, à l’intelligence d’affaires et aux communications de Montréal International. C’est du chaos des idées que l’innovation émerge. »

 

Un processus exigeant

N’en demeure pas moins que le recrutement international peut être tout un casse-tête. En plus de la « portion légale et bureaucratique demandante », comme le résume Laurence Béliveau-Hamel, une bonne partie de ce chemin de croix concerne la préparation de l’arrivée de l’employé. Celui-ci doit à la fois s’intégrer dans un nouveau milieu de travail, mais aussi dans une société qui lui est inconnue, rappelle la CRHA.

La paperasse à remplir et les délais d’attente varient grandement — oscillant entre quelques semaines et près d’un an dans certains cas —, selon le type de permis demandé et le lieu d’origine du candidat.

C’est pourquoi Yves Letendre, consultant en immigration et président de la firme orferoise Letendre Immigration, encourage les entreprises à s’intéresser aux programmes de mobilité internationale. À son avis méconnus, ces programmes accélèrent le processus d’embauche, en évitant notamment d’avoir à mener une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT). La démarche, qui comporte l’affichage balisé pendant quatre semaines d’une offre d’emploi, sert à démontrer que l’employeur ne parvient pas à trouver de candidat au pays.

« On peut aussi passer par le programme Expérience internationale Canada, qui permet aux jeunes professionnels d’immigrer très rapidement au pays, souligne-t-il. En deux mois, ils peuvent venir ici pendant deux ans avec un permis de travail fermé. »

Ayant affiché son premier poste au printemps par l’entremise d’une agence de recrutement, Popeye’s Supplements a signé un contrat avec un candidat de l’île Maurice en août. Celui-ci mettra les pieds en sol canadien, permis de travail fermé de deux ou trois ans en main, au printemps ou à l’été 2023.

« La firme a été sélectionnée à la fin de l’automne 2021. On a ensuite monté les dossiers, déterminé les pays cibles et les magasins où on aurait besoin de main-d’œuvre, relate Philippe-Antoine Defoy. Comme le processus de recrutement peut prendre de 9 à 12 mois, il fallait être certains. » Il s’est d’ailleurs déjà lancé dans les démarches pour pourvoir ces postes au cours des prochaines années.

 

Une facture salée

Selon l’accompagnement choisi pour recruter au-delà des frontières, la facture peut être salée, frôlant parfois les 30 000 $. Or, bien des entreprises ne peuvent plus faire autrement que de passer par là, la pyramide démographique québécoise n’étant pas près de s’inverser.

C’est d’ailleurs pourquoi l’encadrement du recrutement à l’étranger prend une place toujours plus importante au sein de Montréal International. « Le cœur de notre mission, c’est l’attraction d’investissements étrangers, rappelle Christian Bernard. Pour cela, on doit avoir de la main-d’œuvre qualifiée disponible.  

Bien que le recrutement international soit « pas mal plus cher » que sa version locale, Philippe-Antoine Defoy amortira le coût pendant la durée du permis de travail de son nouvel employé. « La pénurie est là depuis de nombreuses années et il n’y a pas de redressement de la situation en vue, fait-il remarquer. On doit donc se tourner vers l’international. »

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