Le CELIAPP et les jeunes

Publié le 20/05/2022 à 10:32

Le CELIAPP et les jeunes

Publié le 20/05/2022 à 10:32

Par Les étudiants en sciences comptables de l'UQO

(Photo: 123RF)

La rubrique Questions pour mon comptable est signée par des étudiants en sciences comptables de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

 

Êtes-vous un jeune qui essaie de devenir propriétaire et qui n’y arrive pas? Le prix du logement a atteint de nouveaux sommets et son accessibilité est plus difficile que jamais. Une intervention étatique devient nécessaire. Dans son dernier budget 2022, le fédéral a annoncé diverses mesures afin d’aider les premiers acheteurs, dont la création du fameux compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Mais, est-ce que le petit frère du CELI aura les effets escomptés par le gouvernement, soit de «faire de l'accès à la propriété une réalité pour les locataires»? 

Tout d’abord, qu’est-ce que le CELIAPP? Principalement, le CELIAPP est un nouveau compte d’épargne dédié exclusivement à l’achat d’une première propriété. Il devrait être disponible dès 2023. Tout comme le REER, les cotisations au CELIAPP seront déductibles du revenu. Vous pourrez cotiser un maximum de 8000$ par an jusqu’à concurrence de 40 000$ à vie. Les revenus de placement et les retraits sont non imposables, si les fonds servent effectivement à acheter une première habitation. Autrement, ils seront imposables au retrait, à moins d’être transférés dans un REER ou un FERR.

Mais comment le CELIAPP se distingue-t-il du RAP déjà en place? En plus de vous permettre d’effectuer des retraits d’une valeur supérieure au RAP, qui lui vous limite à un retrait maximum de 35 000$ provenant de vos REER, les retraits du CELIAPP pour l’achat d’une propriété n’ont pas à être remboursés. Ottawa a aussi mentionné qu’il ne vous sera pas possible de «RAPer» et de «CELIAPPer» simultanément. Enfin, il ne vous est pas possible d’avoir recours au CELIAPP pour plus d’une propriété à vie, contrairement au RAP.

Après vérifications auprès d’un représentant du ministère des Finances du Québec, il vous faudra attendre la diffusion d’un bulletin d’information du ministère pour savoir si Québec s’harmonisera avec le fédéral, tel qu’il l’a fait avec le RAP.

 

Le cas de Philippe

Afin de mieux comprendre les avantages que peuvent en tirer les jeunes, effectuons une simulation simplifiée. Pour les fins de cette simulation, présumons que le Québec va s’harmoniser avec le fédéral sur le CELIAPP.

Le jeune Philippe, nouveau diplômé universitaire, est issu d’une famille de la classe moyenne. Célibataire et sans enfants, il gagne un revenu brut annuel présumé de 40 000$, ce qui semble raisonnable considérant que le revenu moyen au Québec en 2020 était de 43 500 $ pour les individus de 25 à 34 ans (Statistique Canada).

Il ne possède aucune dette, ni d’épargne pour le moment. Il souhaite s’acheter une première propriété d’une valeur de 400 000$ d’ici 5 ans grâce au CELIAPP, un prix raisonnable dans cinq ans considérant que le prix médian actuel des maisons est déjà 415 444$ au Québec (selon Centris). Est-ce que le projet de Philippe est réalisable?

Premièrement, est-ce que Philippe a les moyens d’investir 8 000$ dans le CELIAPP? Selon les statistiques les plus récentes de l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, le coût de la vie au Québec à Montréal est estimé à environ 28 000$ en 2021, un chiffre qui ne tient pas compte de l’inflation des derniers mois. Si Philippe investit un minimum de 10% dans un REER pour sa retraite, soit 4000$, et qu’il paie ses impôts estimés à 6000$ dans ce cas, il lui reste un maigre 2000$ pour le CELIAPP. Pour profiter du CELIAPP, il devra sacrifier sa contribution au REER, en se disant que de toute façon, la maison représente partiellement le fonds de pension des Québécois.

Deuxièmement, est-ce que le CELIAPP peut permettre à Philippe d’accumuler une mise de fonds suffisante pour l’achat de sa propriété? Dans bien des cas, la mise de fonds visée est 5%, soit 20 000$ dans le cas de Philippe et le CELIAPP permettrait de recueillir les fonds nécessaires. Mais attention, cela s’accompagne d’une prime d’assurance prêt hypothécaire imposée par la SCHL, qui à elle seule vous coûte 4% du montant total du prêt. Pensez-y, pour aider les jeunes qui ont réussi à accumuler une mise de fonds limitée à 5%, on leur impose une prime d’assurance presque équivalente!

Si Philippe veut économiser la prime SCHL, il devra accumuler un dépôt minimum de 20%, soit 80 000$. Dans ce cas, le CELIAPP ne permet pas d’accumuler les fonds suffisants pour l’achat de sa propriété et ça risque d’être très difficile pour Philippe de réunir une telle somme dans un délai raisonnable.

Troisièmement, est-ce que Philippe pourra emprunter pour acheter cette maison? Selon les différents calculateurs de capacité d’emprunt des différentes banques, même avec un salaire de 60 000$ (salaire estimé au moment de l’achat de la maison) et une mise de fonds de 20%, il ne pourra pas se qualifier seul pour le prêt d’une maison valant 400 000$.

En conclusion, le CELIAPP est un régime avantageux qui se démarque principalement par un plafond de cotisations annuelles supérieur au CELI, par la possibilité d’utiliser une mise de fonds supérieure au RAP et la liberté de ne pas rembourser la valeur du retrait. Par conséquent, si le jeune Philippe doit faire un choix, il doit favoriser l’investissement de ses épargnes dans le CELIAPP d’abord.

 

Pas efficace

Cependant, le nouveau véhicule de placement proposé par Ottawa ne représente malheureusement pas à lui seul un moyen efficace pour la majorité des jeunes adultes de la classe moyenne d’accéder à la propriété si ce n’est sur le long terme.

Pour les jeunes adultes mieux nantis, la situation est différente. En 2023, ils pourront désormais profiter du REER, du CELI et du CELIAPP et y plaçant plus de 45 000$ à l’abri de l’impôt.

Parmi les solutions, vous pouvez essayer de trouver un consignataire ou un endosseur, acheter la maison en couple, espérer une aide substantielle de votre entourage, vivre chez vos parents et économiser sur les frais relatifs au logement avant d’acheter la maison ou avoir recours à l’Incitatif à l’achat d’une première propriété de la SCHL.

En revanche, l’ensemble des autres mesures proposées pour faciliter l’accessibilité au logement laisse penser que le gouvernement fédéral peut atténuer les effets de la crise du logement à long terme en augmentant l’offre de logements abordables et écoresponsables.

La crise du logement risque de perdurer encore quelque temps et il faut continuer à chercher des solutions pour aider les jeunes. La famille, le logement, l’espoir, notre espoir.

 

Alexis Paquin, étudiant en sciences comptables à l’Université du Québec en Outaouais

(Photo: courtoisie)

 

 


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