QScale: pour des centres de traitement de données verts au Québec

Publié le 03/05/2023 à 00:01

QScale: pour des centres de traitement de données verts au Québec

Publié le 03/05/2023 à 00:01

En mars dernier, l’entreprise dévoilait un partenariat avec Énergir, qui assurera la mise en œuvre de la récupération et de l’acheminement de cette chaleur carboneutre vers d’autres utilisateurs. Au centre, se trouve Martin Bouchard, président de QScale. (Photo: courtoisie)

NUMÉRIQUE DURABLE. Fournir des centres de traitement de données verts pour répondre aux besoins des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, c’est le grand rêve des fondateurs de QScale. Une vision qui se transforme très rapidement en réalité. 

Dans la dernière année, la demande mondiale pour les capacités de calcul intensif (HPC) réalisées par des supercalculateurs a explosé, en raison notamment de l’émergence des outils basés sur l’intelligence artificielle (IA). Selon la firme Vantage Market Research, ce marché pourrait valoir plus de 50 milliards de dollars américains en 2028, contre 34,9 milliards en 2021. « Le marché n’arrive pas à répondre à cette demande en ce moment, donc la conjoncture est bonne pour notre projet », souligne Martin Bouchard, président de QScale. 

L’entreprise a d’ailleurs annoncé en septembre 2022 qu’elle devançait d’un an la construction de la phase 2 de son premier campus à Lévis. La première phase, déjà terminée, est à l’étape des tests finaux et devrait être en activité d’ici quelques semaines. Au total, huit phases de développement sont prévues à cet endroit. Le plan initial anticipait d’en faire en moyenne une par année, mais cet échéancier pourrait être raccourci à trois ou quatre ans. QScale étudie en outre la possibilité de développer des campus supplémentaires, au moins aussi gros que celui de Lévis, dans d’autres régions.

 

Verdir le numérique

Cette augmentation des besoins de puissance de calcul s’accompagne d’une pression, en apparence contradictoire, de réduction des émissions de gaz à effet de serre du numérique. Or, celles-ci aussi risquent d’exploser à cause du développement de l’IA, qui est très énergivore.

Le manque de transparence des entreprises qui produisent des outils d’IA complique pour l’instant l’analyse de leur consommation d’énergie. En 2021, un article publié par des chercheurs américains estimait qu’entraîner ChatGPT-3 avait exigé 1 287 gigawattheures d’électricité, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 120 maisons américaines. Cet entraînement avait émis 502 tonnes de GES, autant que les rejets annuels de 110 voitures. Et certaines recherches soulignent que l’entraînement ne représente qu’environ 40 % de l’énergie requise par l’utilisation d’un tel outil, une fois qu’il a été rendu public.

Depuis sa fondation en 2018, QScale ambitionne de développer des centres de HPC écoresponsables au Québec. Pour y arriver, il mise en partie sur le fait que le Québec bénéficie de l’hydroélectricité, une énergie renouvelable. En ce moment, une bonne proportion du travail de calcul se fait dans des endroits comme la Virginie, où une grande partie de l’énergie provient de centrales au charbon. « Les entreprises qui veulent verdir leurs activités numériques regardent de plus en plus où se situent les centres de traitement de données, précise Martin Bouchard. Or, le Québec est très bien positionné à cet égard. »

L’entreprise attend toutefois la décision du gouvernement du Québec quant aux tarifs que devront payer les entreprises qui consomment plus de 5000 kilowatts. Jusqu’à maintenant, ce fameux tarif L est à trois cents le kilowattheure. Or, la demande dépassera bientôt la capacité de fournir d’Hydro-Québec, qui devra trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. Celles-ci pourraient être plus coûteuses. « Le gouvernement semble se diriger vers l’adoption de critères qui concerneront, par exemple, la contribution d’un projet à la décarbonation et à l’économie locale et nous croyons que QScale correspond bien à cela, estime Martin Bouchard. Mais pour l’instant, nous demeurons dans l’attente. »

 

Valoriser la chaleur

Les dirigeants de QScale ne comptent pas seulement sur l’hydroélectricité pour réduire leurs émissions de GES. Ils misent aussi sur la « valorisation de rejets thermiques » (VRT), c’est-à-dire la récupération de la chaleur produite par les superordinateurs hébergés dans ses centres. Cette idée tiraillait Martin Bouchard et ses collègues depuis l’époque de 4 Degrés, des centres de données qu’il a fondés, puis revendus à Vidéotron en 2015.

« Ces centres employaient de l’énergie renouvelable, mais nous nous disions que ce n’était pas assez et nous voulions trouver d’autres manières d’être plus écologiques, notamment en récupérant la chaleur que la plupart des centres de données gaspillent », raconte Martin Bouchard.

La conception de QScale lui permettra de récupérer 100 % de cette chaleur. En mars dernier, l’entreprise dévoilait un partenariat avec Énergir, qui assurera la mise en œuvre de la récupération et de l’acheminement de cette chaleur carboneutre vers d’autres utilisateurs.

Les premiers rejets thermiques devraient être disponibles dès le début de l’année 2024. QScale estime qu’ils représenteront jusqu’à 96 mégawatts, soit autant que la consommation de plus de 15 000 foyers québécois. L’entreprise a par ailleurs acheté l’équivalent de cent terrains de football de terres agricoles à Lévis, afin d’y développer des projets de valorisation de cette chaleur récupérée.

Fondée en 2001, l’agence Activis s’est tournée ces trois dernières années vers le marché des organismes publics, pour lesquels elle développe diverses solutions numériques. Depuis environ un an, elle a placé la durabilité au cœur de ses critères de conception. 
Le virage d’Activis vers l’écoconception s’est effectué de manière assez naturelle et presque par accident. L’objectif de l’agence était de développer des solutions simples, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de citoyens possible, et peu coûteuses, puisque le prix constitue toujours un enjeu majeur quand on travaille avec des organismes publics et des organismes à but non lucratif. Cela demande généralement de penser autrement. 
Par exemple, on peut créer une solution numérique très lourde et la placer sur un gros serveur très énergivore. « Les usagers ne verront pas la différence, puisque la solution se chargera très rapidement, mais ce n’est pas l’approche la plus économique, ni la plus écologique, précise Thierry Tanguay, vice-président aux services-conseils. Nous avons réalisé que nos efforts pour élaborer des solutions plus simples qui pouvaient être hébergées sur des serveurs plus petits et moins coûteux nous amenaient également à concevoir des produits moins énergivores. » 
Heureux hasard donc, qu’Activis a décidé d’explorer davantage en se tournant franchement vers l’écoconception. Elle y trouve plusieurs avantages. Cette approche permet de réduire la facture énergétique de systèmes comme des sites web ou des applications, mais aussi de lutter contre l’obsolescence programmée. 
« Si on développe une solution lourde et complexe, les appareils qui ne sont vieux que de trois ou quatre ans peineront déjà à la prendre en charge entièrement, note Thierry Tanguay. C’est souvent ça qui pousse les gens à changer rapidement d’ordinateurs ou de téléphones intelligents. »
Mesurer son empreinte
L’hébergement reste cependant le nerf de la guerre des émissions de gaz à effet de serre (GES) produits par l’usage du numérique. Certes, les serveurs qui se trouvent au Québec sont généralement alimentés avec de l’hydroélectricité, mais ils comportent aussi des systèmes secondaires alimentés au gaz, comme des génératrices au diesel qui prennent le relais en cas de panne. L’infonuagique ou encore les outils d’intelligence artificielle (IA) peuvent, eux, dépendre de serveurs ou de centres de traitement de données situés dans des juridictions où l’énergie non renouvelable reste plus présente.
Activis analyse désormais les émissions de GES générées par les solutions qu’elle développe pour ses clients, au moyen de l’outil Website carbon calculator, créé par l’entreprise britannique Wholegrain Digital. Facile à employer, il révèle la quantité de grammes de CO2 produite par l’utilisation d’un site web et offre des pistes de solutions pour réduire cette empreinte carbone. Il se base sur l’indice carbone de l’électricité, le trafic du site web, la source d’énergie utilisée par le centre de données, l’intensité énergétique des données demandées et le transfert de données pour établir cette empreinte carbone.
« Ce calculateur nous indique même combien d’arbres nous devrions planter pour compenser ces émissions de GES et nous payons pour faire planter ce nombre d’arbres au Québec », explique Thierry Tanguay.
Repenser les sites web
Au-delà de l’hébergement, la conception des sites web permet des économies d’énergie significatives. Ça peut être aussi banal que le choix des extensions (plug-ins) qui sont employées par le système de gestion du contenu (CMS). Les développeurs de ces extensions les élaborent pour qu’elles répondent aux besoins d’un très large éventail d’usagers. Elles comprennent donc un grand nombre de fonctionnalités. 
« Très souvent, l’usage d’un site web ne requiert qu’un petit nombre de ces fonctionnalités, mais le serveur télécharge chaque fois les dizaines de fonctionnalités qui sont comprises dans l’extension », explique Thierry Tanguay.
Il donne l’exemple du moteur de recherche du site d’une municipalité. On y emploie fréquemment une extension qui a été développée pour des boutiques en ligne ou d’autres sites transactionnels. Elles contiennent un tas de fonctionnalités inutiles pour le site de la ville, mais qui se téléchargent néanmoins chaque fois qu’on utilise le moteur. On pourrait penser à d’autres exemples, comme ces fameuses vidéos qui démarrent automatiquement chaque fois qu’on accède à la page d’accueil d’un site web. 
L’écoconception peut parfois s’avérer un peu plus complexe, mais ses résultats sont moins énergivores en plus d’être souvent plus simples et plus accessibles. Le vice-président d’Activis déplore que les appels d’offres du gouvernement du Québec et ses contrats de gré à gré ne contiennent aucune exigence sur la consommation énergétique des solutions numériques. « Ça aiderait à soutenir les développeurs qui se tournent vers l’écoconception face à des concurrents qui accordent peu d’importance à la durabilité », estime-t-il. 
 

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