De gros investissements malgré une chaîne de financement encore naissante


Édition du 29 Septembre 2018

De gros investissements malgré une chaîne de financement encore naissante


Édition du 29 Septembre 2018

Comme beaucoup d’autres entreprises du secteur, le fabricant de cellulose nanocrystalline ­CelluForce a connu des premières années compliquées : pas de vente importante et un financement qui s’assèche progressivement.

De longs cycles de développement, d'importants besoins en capitaux, des risques commerciaux élevés : l'industrie des matériaux avancés cumule les inconvénients aux yeux des investisseurs. Pourtant, le financement est une donnée clé pour la réussite des projets en démarrage.

Pour un tiers des industriels des matériaux avancés, le principal obstacle au développement est l'accès au financement, bien loin devant les problèmes de recrutement, d'après un sondage de PRIMA Québec. À y regarder de plus près, c'est même un frein majeur pour près de la moitié (46 %) des très petites et des petites entreprises.

«La chaîne de financement demeure fragile, ce qui peut freiner l'innovation dans le secteur», avance Marie-Pierre Ippersiel, la PDG de PRIMA Québec. Certes, les aides des gouvernements et des milieux collégiaux et universitaires permettent plus facilement aujourd'hui de mener des projets de recherche et de développement.

«Mais la difficulté intervient plus loin dans la chaîne, quand il faut éliminer le risque technologique ou de marché», poursuit Mme Ippersiel. Autrement dit, au moment où l'entreprise doit éprouver sa technologie, convaincre qu'elle peut la produire en volume conséquent, déterminer une application qui répond à un besoin et un marché avec un grand potentiel. Bref, quand il faut sortir de l'incubateur et voler de ses propres ailes !

Le passage de la «vallée de la mort»

«On remarque en effet que beaucoup d'entreprises sont actuellement concentrées dans cette phase de développement intermédiaire, entre le prototype et le produit commercialisable, constate Jean Matuszewski, économiste et président d'E&B DATA. Il y a un vrai enjeu ici, car le projet pilote peut coûter cher, les crédits d'impôt sont moins importants et les premiers clients, encore hésitants.»

«Nous sommes passés par cette vallée de la mort, comme on l'appelle souvent», dit Sébastien Corbeil, le président de CelluForce, le producteur d'un dérivé de la fibre du bois appelé cellulose nanocrystalline.

Malgré la construction d'une usine de démonstration, pour près de 36 millions de dollars, son entreprise connaît des premières années compliquées : pas de vente importante et un financement qui s'assèche progressivement. Jusqu'à la rencontre d'un partenaire, avec qui il met au point un produit qui lui insuffle du vent dans les voiles et lui permet d'afficher maintenant une forte croissance.

Une industrie très intensive en capitaux

Un défi qui n'est pourtant pas propre aux matériaux avancés. «Sauf que nous ne bénéficions pas du même engouement que le mobile, le bitcoin et l'intelligence artificielle, par exemple, déplore Charles Boudreault, cofondateur de Nanophyll, un producteur d'enduits intelligents. Quand on se retrouve dans des événements de démarrage, on est les cousins pauvres et hors-norme, car nous sommes dans le domaine manufacturier. C'est un vieux modèle... même s'il s'agit de nouveaux matériaux.»

«C'est en effet une industrie où les investissements en capitaux sont très importants pour la mise à l'échelle d'une production, contrairement aux technologies liées à l'informatique, par exemple, analyse Pascal Drouin, associé junior pour Cycle Capital Management, un fonds de capital de risque spécialisé dans le secteur des technologies propres, et qui a investi dans deux entreprises spécialisées les matériaux avancés.

«C'est un cercle vicieux, car, souvent, les premiers clients ne veulent s'engager qu'à la condition d'avoir un fournisseur capable de produire en grande quantité, d'où l'importance d'avoir une usine de démonstration dans notre cas», rapporte M. Corbeil.

D'après PRIMA Québec, depuis 2015, la valeur combinée des investissements d'un peu moins d'une centaine d'entreprises sondées dépasserait les 100 M$. Sachant que 63 % d'entre elles prévoient investir plus de 1 M$ d'ici 2020, le montant des investissements prévisionnels représente au total plus de 200 M$.

Des cycles de développement longs

«Le profil de risque d'une entreprise du secteur est très différent pour un investisseur, ajoute M. Drouin, d'autant qu'obtenir une grande commande est bien plus long que d'acquérir des utilisateurs en ligne, donc la courbe des revenus est décalée.» C'est sans parler des étapes de réglementations potentielles, presque inexistantes quand il s'agit d'un algorithme d'intelligence artificielle, par exemple.

«Cela prend des années avant de pouvoir commercialiser des matériaux avancés», indique Jens Kroeger, le directeur de la technologie du producteur de nanotubes de carbone Raymor. «Les personnes qui travaillent dans cette industrie ont deux points communs : ils doivent utiliser des équipements de pointe et... être patients, car c'est très long !», résume l'entrepreneur d'Aeponyx Philippe Babin, un fabricant de puces semi-conductrices optiques.

«La filière n'a pas encore eu de grands succès commerciaux, ce qui est normal pour une industrie émergente relativise M. Drouin. Le financement est encore naissant, mais l'important sera le rapprochement entre les grands joueurs industriels et les développeurs de technologie.» «Notre volonté, c'est clairement d'améliorer la notoriété du secteur pour montrer aux clients potentiels les avantages qu'ils peuvent en retirer», complète Mme Ippersiel.

Au final et malgré ces particularités désavantageuses, Pascal Drouin se montre très optimiste : «Selon moi, c'est présentement un des secteurs qui a le plus grand potentiel, car les matériaux avancés vont prendre de plus en plus de place dans nos consommations futures.»

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