La montée de l'activisme des actionnaires en six questions

Publié le 17/03/2014 à 00:03

La montée de l'activisme des actionnaires en six questions

Publié le 17/03/2014 à 00:03

M. Jean Bédard, titulaire de la Chaire de recherche en gouvernance de sociétés, Université Laval

Une entrevue avec M. Jean Bédard, titulaire de la Chaire de recherche en gouvernance de sociétés, Université Laval

Connaissez-vous l’investisseur Carl Icahn ? Cet Américain est certainement la figure la plus connue d’un mouvement qui prend de l’ampleur partout dans le monde, depuis quelques années, celui de l’activisme des actionnaires.

La stratégie de M. Icahn est simple : il achète des actions d’une société dont il juge la stratégie inadéquate, puis se sert de ses parts pour mettre de la pression sur ses dirigeants. Son objectif : faire augmenter rapidement la valeur de son investissement.

Les cibles de M. Icahn sont parmi les plus grandes sociétés, dont Apple, qu’il incitait récemment à racheter de ses actions, afin d’en faire grimper le prix.

L’activisme de Carl Icahn est spectaculaire et visible, mais il n’est que la pointe de l’iceberg. De plus en plus, des actionnaires tentent d’influencer les stratégies et les actions des entreprises.

Pour comprendre ce phénomène, nous avons discuté avec Jean Bédard, titulaire de la Chaire de recherche en gouvernance de sociétés, à l’Université Laval. Nous vous présentons ici ses explications sous forme de six questions, dont les réponses sont un résumé de ses réflexions.

Qu’est-ce que l’activisme ?

C’est un phénomène de plus en plus fréquent, qui est présent aussi au Québec et au Canada. Auparavant, les actionnaires réunis en assemblée ne faisaient que cautionner les décisions du conseil d’administration. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : certains actionnaires n’hésitent pas à faire pression sur le conseil et l’entreprise afin d’influencer la stratégie de l’entreprise.

Différents facteurs ont favorisé la montée de l’activisme des actionnaires, notamment les lois qui encadrent toutes les questions de rémunération. Il y a aussi des mouvements de protection des actionnaires, comme le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC).

Ce qui est nouveau, c’est l’importance qu’ont prise les fonds d’investissement spéculatifs (hedge funds).

Qui est derrière ces demandes ?

Il y a ces fonds d’investissement spéculatifs, qui ont pour objectifs de faire de l’argent à court terme, mais il y a aussi d’autres catégories d’investisseurs qui jouent un rôle plus actif comme actionnaires et dont l’objectif est différent. Il y a, par exemple, les fonds d’investissement institutionnels, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, les banques et les caisses de retraite.

Bien sûr, il y a les associations comme le MEDAC, qui visent notamment à protéger les intérêts des petits actionnaires.

Quels types de demandes ?

La première catégorie de demandes concerne la gouvernance. Par exemple, on exige qu’un conseil fasse plus de place aux femmes, qu’il limite la rémunération des hauts dirigeants ou que l’on sépare les postes de président du conseil et de PDG.

La deuxième catégorie de demandes vise la stratégie de l’entreprise. Ainsi, certains actionnaires vont demander que l’entreprise verse des dividendes, rachète des actions, modifie sa structure, etc. Ce type de demandes se rend jusqu’à la gestion de l’entreprise.

C’est bon ou non ?

Si certains activistes peuvent avoir l’air de pirates qui veulent prendre le contrôle d’une entreprise, le bilan réel de l’activisme des actionnaires est loin d’être aussi tranché. De toute évidence, celui-ci peut être très positif quand il vise à améliorer la gouvernance d’une société cotée. Il peut cependant être perçu comme négatif si les intérêts à court terme de certains investisseurs briment ceux de la majorité des actionnaires ou sont néfastes pour la pérennité de l’entreprise.

En fin de compte, est-ce positif ou négatif ? La question demeure controversée. Il est évident que les investisseurs activistes vont souvent cibler des entreprises dont la gestion laisse à désirer, ce qui peut mener à une amélioration de l’efficacité.

Mais les objectifs à court terme des fonds spéculatifs sont-ils de nature à favoriser la création de valeur à long terme ? Certaines études suggèrent que c’est le cas alors que d’autres non. Un débat à suivre.

Que faire ?

Une société qui est la cible d’actionnaires activistes réagira souvent en discutant ou en négociant avec ceux-ci. Parfois, leurs demandes pourront être acceptées.

D’autres sociétés vont choisir de lutter contre les « attaques » des activistes. Pour s’en défendre, ils peuvent discuter avec d’autres actionnaires institutionnels importants, afin d’obtenir des appuis.

Dans toutes les situations, le conseil d’administration doit prendre le temps d’analyser la situation et de réaligner sa stratégie au besoin, sans oublier toutes les parties prenantes et les intérêts à long terme de l’entreprise et de ses actionnaires.

Que nous réserve l’avenir ?

L’activisme a le vent dans les voiles. Il faut s’attendre à ce que la législation et la réglementation donnent des armes aux conseils d’administration. Mais il est clair que l’activisme se fera sentir au cours des prochaines années, ici aussi.

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