Véronique Proulx, l'ambitieuse influente


Édition du 15 Février 2023

Véronique Proulx, l'ambitieuse influente


Édition du 15 Février 2023

Par Camille Robillard

(Photo: Martin Flamant)

TÊTE-À-TÊTE. «Axée sur les résultats», «énergique», «ambitieuse» et «disponible»; rien d’étonnant que Véronique Proulx ait réussi à se tailler une place parmi les 100 Canadiennes les plus influentes du monde des affaires en 2021. Depuis 2017, la PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, qui agit également à titre de VP principale aux politiques et aux affaires publiques de la branche canadienne de l’organisme, a su redorer l’image de l’association en plus de porter la voix des 1100 entreprises membres. Entrevue avec une femme qui n’a pas perdu son sang-froid malgré les intempéries.

 

Vous êtes la première femme à occuper le poste de PDG au sein de l’organisme. Quels défis avez-vous rencontrés depuis votre nomination?

J’ai été très bien accueillie de la part des membres. Je pense qu’ils étaient contents de me voir arriver, de voir arriver une femme à la tête de cette organisation. C’est vrai que je suis quand même souvent la seule femme autour de la table, que ce soit dans des rencontres avec des gens d’affaires, avec le gouvernement et auprès des différentes parties prenantes. Les hommes qui sont en place, ils ont un réseau. Le défi, c’est d’être capable d’entrer finalement dans le réseau et de faire sa place pour être capable d’avoir accès à la même information, à la même intelligence d’affaires et à du référencement. Mais c’est clair que mon poste m’a beaucoup aidée à prendre ma place. Mais j’ai quand même eu à la prendre. Le plus grand défi, comme femme, reste d’être capable de concilier travail et famille. C’est-à-dire d’avoir des ambitions professionnelles très importantes, très élevées, tout en étant capable d’être une mère — j’ai trois jeunes enfants, trois garçons qui ont 3, 8 et 11 ans. Donc, c’est quand même très prenant. Il faut être capable de prioriser, de faire des choix et d’accepter notre déséquilibre. 

Avant d’être PDG, j’ai toujours eu l’impression que les femmes qui occupaient des postes de direction et des postes d’influence avaient une vie qui roulait comme sur des roulettes. J’ai rapidement réalisé qu’il n’y avait rien de parfait et c’est le message que j’ai envie de lancer. On aspire à progresser, à aller chercher des postes avec encore plus de responsabilités. Il n’y aura jamais de bons moments et de contextes parfaits, mais il faut quand même se lancer et accepter d’être en déséquilibre tout le temps. On trouve des solutions et on s’adapte en cours de route. On représente plus de la moitié de la population, donc il faut lever la main plus souvent et oser avancer. Je pense que plus il y aura de femmes dans les postes d’influence, mieux la société va se porter parce qu’on arrive avec un regard différent, une façon de faire qui est très différente.

 

Depuis votre nomination comme PDG et VP, que considérez-vous comme vos bons coups?

Quand j’ai pris la présidence, il y a cinq ans et demi, c’est clair que j’avais une organisation qui avait un déficit de notoriété auprès de nos différentes parties prenantes. Il y avait des ponts à rebâtir auprès de nos membres, de nos partenaires, du gouvernement et des médias. Des enjeux financiers étaient également sur la table, nous n’étions pas au rendez-vous. Rapidement, je suis allée à la rencontre des membres de mon conseil d’administration, de mes membres, de mes grands partenaires pour comprendre ce qu’étaient leurs défis, leur réalité, leurs besoins et pour établir une relation de confiance avec eux. Peu de temps après [ma nomination], il y a eu la renégociation de l’ALENA, sous l’administration Trump. Il y a beaucoup de choses qui se sont passées et qui me propulsaient dans les médias, qui nous propulsaient dans l’actualité. En parallèle, j’ai eu à restructurer l’organisation et à travailler sur la culture organisationnelle pour qu’elle soit plus axée sur nos membres et sur nos clients. Trois ans plus tard, tout juste avant la pandémie, nous avions une croissance de 12% de nos revenus d’adhésion, nous commencions à prendre pas mal notre place dans les médias. Auprès du gouvernement, nous étions un incontournable dans le secteur manufacturier. Sans le savoir, nous étions vraiment bien préparés pour la pandémie, parce que nous avions rebâti ces ponts-là, la croissance était de retour et les revenus étaient au rendez-vous.

Et là, la crise a frappé. C’est clair que les deux premiers mois, c’était très préoccupant. Le gouvernement avait fermé une partie du secteur manufacturier, nous nous demandions si les entreprises allaient quitter [l’organisation]. Au contraire, la pandémie — encore une fois — nous a permis de démontrer notre utilité et notre pertinence. J’étais sollicitée tous les jours, c’était très intense. Je suis vraiment descendue sur le plancher des vaches, j’ai travaillé de très près avec les équipes. Je parlais sur une base quotidienne avec les membres pour m’assurer que nous étions à la bonne place pour les aider, mais aussi pour avoir une voix forte dans les médias et influer sur ce que le gouvernement allait mettre en place comme mesures qui avaient des répercussions sur notre secteur. Aujourd’hui, nous avons augmenté à près de 20% le revenu d’adhésion année après année. Nous avons une organisation qui est très forte et qui est reconnue comme telle auprès de ses différentes parties prenantes.

 

Vous misez sur la compétitivité des entreprises manufacturières. Pourquoi est-ce important pour vous?

Si nous n’y arrivons pas collectivement — parce que ce n’est pas juste au gouvernement à trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre —, si nous manquons notre tour en développement durable ou si nous ne le faisons pas au bon moment, nécessairement, nous prendrons du retard par rapport à des entreprises des États-Unis, du Royaume-Uni ou de la France, par exemple. C’est là où la compétitivité devient clé. Si nous ne sommes pas capables de maintenir notre compétitivité, si nous n’investissons pas, l’écart va se creuser. Plus l’écart se creuse, plus il y a de chances que nous perdions des parts de marché, que nous déménagions des opérations ailleurs parce que justement, ici, nous ne trouvons pas de main-d’œuvre. Nous irons dans des pays où nous pouvons en trouver, dans des pays où ils mettent en place des mesures et des incitatifs importants pour le développement durable. Je pense par exemple aux États-Unis. Ils ont mis en place la Loi sur la réduction de l’inflation qui, essentiellement, est un panier de mesures fiscales et de programmes pour stimuler l’investissement vert. Alors, les entreprises québécoises qui ont un pied de chaque côté de la frontière, où vont-ils les faire, leurs investissements? Il faut s’assurer d’avoir un environnement d’affaires avec des programmes, des mesures et un soutien qui favorisent l’investissement ici, pour que nous puissions continuer à faire toujours plus avec moins de ressources et que nous soyons capables de gagner des parts de marché. C’est le nerf de la guerre dans le manufacturier. Si nous ne sommes pas compétitifs, nous allons diminuer notre empreinte manufacturière au Québec.

 

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Qui: Véronique Proulx

Organisation: PDG, Manufacturiers et Exportateurs du Québec et VP principale aux politiques et aux affaires publiques, Manufacturiers et exportateurs du Canada

Industrie: Secteur manufacturier

Siège social: Montréal

Nombre de membres: 1100

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