Intelligence artificielle: créer des environnements d'innovation dans le Québec inc.


Édition du 14 Décembre 2022

Intelligence artificielle: créer des environnements d'innovation dans le Québec inc.


Édition du 14 Décembre 2022

Par Philippe Jean Poirier

Selon des données de Statistique Canada couvrant la période de 2017 à 2019, 7 % des entreprises québécoises utilisaient des « technologies propres » et 6 %, l’intelligence artificielle. (Illustration: Camille Charbonneau)

INNOVATION. L’intelligence artificielle commence à sortir des laboratoires de recherche pour venir alimenter un écosystème d’innovation comptant plus de 400 entreprises qui offrent des produits ou des services liés à l’IA, selon une étude de mars dernier publiée par PwC.

Cela inclut des consultants comme Moov AI et Vooban — qui aident des entreprises sectorielles à intégrer l’IA à leurs opérations — et des développeurs de solutions IA, incluant les jeunes pousses du green tech qui choisissent de s’attaquer à des questions sociales ou environnementales. 

Autre bonne nouvelle: l’écosystème québécois en IA est en train d’étendre son influence sur la scène internationale tant sur les questions éthiques que dans le dossier critique du développement durable. Dans la dernière année, l’institut de recherche Mila a multiplié les collaborations. Avec l’UNESCO, il a participé à l’élaboration d’un appel à projets pour « identifier les faiblesses de développement de l’IA ». Avec l’Observatoire OCDE des politiques de l’IA, il a alimenté la réflexion éthique entourant cette technologie. Avec ONU-Habitat, il a rédigé le livre blanc de l’IA pour une gestion durable des villes. Enfin, avec le Partenariat mondial sur l’IA, il a produit des recommandations visant l’utilisation de l’IA en environnement. « Nous vivons un moment pivot dans notre histoire, confirme Benjamin Prud’homme, directeur général d’IA pour l’humanité à Mila. Nous commençons à avoir une voix portante dans différentes instances internationales, ce qui permet à Montréal d’exercer une influence positive et socialement bénéfique pour le développement de l’IA. »

 

Les défis sont de taille 

Des villes congestionnées, mal adaptées à la mobilité durable ; des hôpitaux qui débordent de patients vieillissants, ce qui exige toujours plus de soins ; le dérèglement climatique et ses répercussions sur l’agriculture ; des États qui se dotent de cibles de décarbonation ambitieuses, sans savoir exactement comment les atteindre : l’intelligence artificielle peut jouer un rôle non négligeable sur tous ces aspects. Dans un rapport de 2021, le Boston Consulting Group évalue que ses clients parviennent à réduire leurs émissions de 5 % à 10 % en utilisant des solutions d’IA. Appliquée à l’échelle mondiale, une telle réduction signifierait de 2,6 à 5,3 gigatonnes de CO2 de moins dans l’atmosphère.

L’IA n’est pas la panacée qui réglera la crise climatique, prévient cependant David Rolnick, chercheur de Mila et membre de l’initiative Climate Change AI. « Les gens cherchent des solutions à fort impact, alors que, de manière générale, l’intelligence artificielle peut amener une série de solutions à impact moyen. »

 

Combiner différentes expertises 

David Rolnick fait une seconde mise en garde, cette fois à la communauté scientifique. « En tant qu’expert en intelligence artificielle, il est tentant de croire que nous faisons une différence, alors que, en fait, nous résolvons le mauvais problème. » Le chercheur prône un rapprochement entre les experts en IA et les secteurs de l’énergie, du transport, de la foresterie et ainsi de suite. « C’est en combinant différentes expertises que nous ferons des progrès. » 

Dans la foulée, le chercheur de Mila invite les entreprises à se méfier des solutions d’IA offertes par les géants du Web. « Google et Microsoft seront très heureuses de vous vendre quelque chose, mais elles ne comprendront pas votre problème ou vos besoins. Les entreprises de données qui proviennent de votre secteur d’activité sont généralement mieux outillées pour vous aider à relever vos défis spécifiques », explique-t-il. 

C’est une belle invitation à s’intéresser aux jeunes pousses québécoises qui développent des solutions sectorielles. Pensons à l’entreprise montréalaise BrainBox AI, qui a créé une plateforme « autonome » permettant d’optimiser le chauffage et la climatisation des immeubles commerciaux, à l’entreprise de routage maritime True North Marine, qui utilise l’IA pour réduire la consommation d’essence des cargos, et à Logiag, une entreprise de technologie agricole de Châteauguay qui offre un service de bilan carbone aux agriculteurs. 

Le Québec de l’IA compte plusieurs perles du genre. Le problème survient au moment de convaincre une masse critique de PME d’adopter des solutions innovantes. Selon des données de Statistique Canada couvrant la période de 2017 à 2019, 7 % des entreprises québécoises utilisaient des « technologies propres » et 6 %, l’intelligence artificielle. Dans sa Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027, le gouvernement québécois se fixe l’objectif d’élever ces taux respectifs à 11 % et 10 % d’ici 2027.

« L’environnement est très favorable, fait valoir Nancy Laramée, directrice des partenariats de l’institut Ivado. Il existe énormément de programmes d’accompagnement et de financement », insiste-t-elle, citant Scale AI, pour les entreprises qui veulent intégrer une solution, Invest-AI, pour les projets d’envergure, ou encore le Mitacs, pour développer une stratégie d’entreprise liée à l’IA. Sachant cela, le Québec inc. n’a plus d’excuse pour adopter l’IA dans une perspective de développement durable.

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