La gouvernance, un outil pour limiter les risques

Publié le 01/03/2014 à 00:01

La gouvernance, un outil pour limiter les risques

Publié le 01/03/2014 à 00:01

La gestion de risque nécessite l’implication de la haute direction, qui doit prendre ses responsabilités en identifiant sa tolérance et son appétit pour le risque.

La gestion de risque, une question de gouvernance ? C’est ce que n’hésitent pas à affirmer les experts, qui estiment que cette fonction stratégique relève avant tout de la haute direction.

Dans les entreprises présentes sur les marchés financiers, c’est le conseil d’administration qui a la responsabilité d’approuver l’appétit de la compagnie pour le risque.

« Identifier les risques est une chose, mais avoir une bonne gouvernance, c’est aussi mettre en place un plan pour ensuite mitiger ces risques », souligne Louis Drolet, directeur principal des services d’audit et d’évaluation des risques de Bombardier.

Le fabricant s’est doté d’une équipe d’une trentaine de personnes spécialisées dans la gestion des risques, chargées de tenir des réunions hebdomadaires ou mensuelles pour faire le point sur l’avancée des risques financiers et des risques de crédit.

« L’une des missions de l’équipe de GRE est de faire un bilan des risques émergents au CA afin que celui-ci puisse s’ajuster et réagir plus rapidement face à l’effondrement d’un marché par exemple », ajoute M. Drolet.

Convaincre la haute direction

« La GRE permet d’avoir une vue globale de nos concentrations de risques et de savoir si les transactions que nous faisons sont rentables en fonction du niveau de risque que nous avons pris. Cela nous permet de prendre des décisions stratégiques en étant plus préparés », affirme Geneviève Lasalle, directrice principale de la gouvernance et divulgation à Desjardins.

Si les grands groupes possèdent bien souvent une section Gestion des risques au sein de leur rapport annuel, tous n’en reconnaissent pas encore l’utilité.

« Il ne s’agit pas seulement d’une question de réglementation ! Pour être prêt lorsque le prochain risque surviendra, il faut que la haute direction soit convaincue de l’importance de la gestion de risque et l’intègre dans ses pratiques », remarque Jean-Yves Rioux,
 Fellow de l’Institut canadien des actuaires, directeur principal de la certification et des services-conseils chez Deloitte.

C’est pourquoi l’une des premières étapes consiste souvent à sensibiliser les membres du CA à l’aide d’une formation démystifiant le rôle et les mécanismes de la gestion de risque.

« Pour être efficace, il ne faut surtout pas que la GRE devienne la boite noire de l’entreprise que personne ne comprend ! » met en garde Hélène Baril, chef d’équipe senior en gestion des risques financiers chez Ernst & Young.

Des enjeux stratégiques pour les CA

Pour s’implanter durablement, « la gestion de risque doit donc devenir une fonction centrale relevant du Conseil d’Administration, au même titre que la vérification ou les RH », ajoute Pierre Saint-Laurent, maître d’enseignement en finance à HEC Montréal.

Le jeu en vaut la chandelle, lorsque l’on voit ce qui est arrivé à des entreprises comme Lehman Brothers, qui a disparu après avoir rehaussé à cinq reprises sa limite de risque.

« Lorsqu’on se retrouve proche des limites qu’on s’était fixées, il faut travailler à réduire les risques et non pas à en augmenter la limite. Sinon, le manque d’engagement et de compréhension du CA peut tout simplement rendre la GRE obsolète », assure Hélène Baril, Fellow de l’Institut canadien des actuaires.

Même au sein des PME, la gestion des risques peut rapidement devenir une question stratégique, notamment pour les entreprises qui font de l’export et qui sont affectées par les taux de change.

« Leurs dirigeants ont tout intérêt à implanter un cadre, même peu complexe, en faisant l’exercice d’identifier leurs risques et de décider quel est le niveau qu’ils sont prêts à accepter. Ils peuvent, par exemple, refuser d’opérer lorsque le taux de change se situe en dessous d’un certain seuil », analyse Hakim Nouria.

Si cela n’a pas été encore été fait, la question doit être mise à l’agenda du CA, en vue de déterminer quelles sont les pratiques actuelles en GRE et quels sont les seuils que l’on juge raisonnables pour chaque ligne d’affaires.

« La direction doit se rappeler que tous les choix qu’elle fait peuvent avoir un impact sur la survie et la réputation de la compagnie. Or, plus de 50% des entreprises n’ont pas mis en place de mécanisme de gestion pour protéger leur propre valeur», souligne Nathalie de Marcellis-Warin, vice-présidente des risques et développement durable au CIRANO.

Des ressources qui comptent

Pour réussir l’implantation de ce type de programme, la personne responsable de la GRE devra se situer au même niveau que les autres v.-p. de l’entreprise, de façon à pouvoir les influencer et récupérer les informations nécessaires à l’évaluation des risques dans chacune des lignes d’affaires.

« Il peut aussi être intéressant de faire appel à des actuaires qui réalisent des examens du capital projetant dans le futur pour déterminer, en fonction de différents scénarios, quelle pourrait être la composition du capital en tenant compte des risques et permettant aux membres du CA de comprendre ces derniers », souligne Jean-Yves Rioux.

Une fois les niveaux de risques identifiés, la haute direction devra encore s’assurer de transmettre les éléments de cette culture à ses employés.

« Les gestionnaires devront donner aux salariés des objectifs en matière de gestion des risques afin d’en partager avec eux la responsabilité », affirme M. Saint-Laurent.

En finance, la direction pourra par exemple établir un seuil que les gestionnaires de portefeuille ne pourront pas dépasser lors de leurs transactions.

Dans une entreprise manufacturière, il s’agira par exemple de fixer le nombre de défauts maximum pouvant se retrouver sur une chaîne de montage avant de devoir revoir les processus.

« Les dirigeants devront ainsi prendre conscience que toute action, comme la décision d‘augmenter le rendement d’une production par exemple, peut générer de nouveaux risques », souligne M. Saint-Laurent.

Exemple : le cas de la compagnie BP, qui a pris des risques considérables pour augmenter sa production dans le Golfe du Mexique. «Au final, une bonne gestion des risques revient souvent à adopter de bonnes pratiques de gestion, avec un bon équilibre entre le bénéfice attendu et le risque lors de la prise de décision », conclut-il.

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