Identifier les coûts liés à la santé de ses employés


Édition du 15 Mars 2014

Identifier les coûts liés à la santé de ses employés


Édition du 15 Mars 2014

Louis Bernatchez, actuaire et associé chez Morneau Shepell, travaille notamment à la mise en place de régimes d’assurance collective destinés aux employeurs. Un rôle déterminant pour épauler les entreprises dans la gestion de leurs risques de santé.

Selon vous, les risques liés à la santé des employés sont-ils de plus en plus importants ?

Les risques liés à la santé ont légèrement augmenté, mais pas de façon massive. Nous avons cependant une connaissance de plus en plus précise du risque. Quand on regarde les coûts, il y a 20 ans, un programme d’assurance collective coûtait de 200 à 400 dollars par employé. Aujourd’hui, ce chiffre est plutôt de 2000 à 4000 dollars ! Les entreprises sont donc de plus en plus intéressées à savoir quels sont les risques liés à la mauvaise santé de leurs employés, et quels sont les coûts actuels et futurs qui y sont associés.

Quel est le principal risque auquel sont exposés les employés ?

L’un des plus grands risques est la santé mentale, qui est comparable à un iceberg, car il comprend non seulement les gens malades qui prennent des médicaments et qui sont absents durant quelques semaines, mais aussi les personnes qui n’en prennent pas et qui s’absentent occasionnellement. Depuis une dizaine d’années, les entreprises ont franchi un cap en se demandant quelles sont les personnes sujettes à développer ce type de risque, et quels sont les indicateurs qui permettent de le déterminer.

Quel est le rôle des actuaires dans les entreprises ?

Au cours des dernières années, beaucoup de ressources du milieu de la santé (infirmières, médecins, etc.) ont tenté d’évaluer ces risques, mais ce n’était pas des gens de chiffres capables de dire combien valent ces risques et quels sont les indicateurs nous indiquant sur quelle bombe on est assis. Les actuaires peuvent aider les entreprises sur ce type de problématiques

Quels types d’indicateurs analysez-vous ?

On peut étudier par exemple les absences occasionnelles, car on sait que les personnes qui partent en dépression ont commencé par rater quelques journées de travail sous différents motifs : difficulté à se lever le matin, épuisement professionnel, etc.

Beaucoup d’employeurs font aussi des sondages d’engagement, qui leur servent à savoir comment les salariés perçoivent la direction, les RH, et s’ils se sentent stressés ou s’ils rencontrent des problèmes au quotidien.

D’autres ont même commencé à lancer des sondages en interne afin de déterminer quels sont les facteurs de risque, en posant des questions générales sur l’état de santé de leurs employés (consommation d’alcool, qualité de leur sommeil). Il est aussi possible de recueillir les données anonymes du programme d’aide aux employés (PAE) pour connaître les principaux motifs de consultation et identifier les risques.

Quel est l’objectif ?

Grâce à toutes ces données, il devient possible de dresser un portrait et d’identifier quels sont les principaux risques. Si la santé mentale arrive numéro un, on doit savoir combien cela coûte à l’entreprise chaque année, à travers les absences, les médicaments achetés, ou les baisses de productivité au travail. Car pour mettre en place un programme de santé afin de mitiger ces risques, il faut être capable de montrer ce qu’on va améliorer, et dans quelle proportion : c’est le rôle des actuaires.

Quels sont ensuite les leviers pour agir ?

Il existe toutes sortes de leviers, comme les programmes de promotion de la santé au travail, en fonction des facteurs que l’on souhaite cibler : une bonne nutrition, l’activité physique, de saines habitudes de vie, etc.

L’enseigne canadienne Shopper Drug Mart a par exemple sauvé des coûts et aidé ses employés à retourner au travail en mettant sur pied une nouvelle approche de l’invalidité se focalisant sur non plus sur la maladie, mais sur le retour au travail de ses employés. Ce peut aussi être la création d’un gym ou le remboursement de l’inscription à des activités sportives.

Chez Morneau Shepell, nous avons dispensé une formation sur la santé mentale à tous nos employés afin qu’ils connaissent les symptômes, les facteurs de risques ainsi que des formations sur le stress et la résilience, pour qu’ils soient mieux outillés.

Les économies générées peuvent s’avérer importantes ?

En fonction des éléments ciblés, on considère que pour chaque dollar investi, on doit être capable d’épargner de 3 à 5 dollars. Une détection plus active de la santé mentale peut par exemple contribuer à faire baisser les absences occasionnelles de 20 %, soit d’environ 3 jours par employé.

En développant des programmes de promotion de la santé adaptés, on peut par exemple arriver à économiser 2 % sur l’ensemble de leurs coûts sociaux ou bien 15 % sur les coûts liés exclusivement aux maladies de longue durée.

En plus d’améliorer les finances d’une organisation, il ne faut pas oublier que cela peut aussi constituer un avantage concurrentiel indirect pour attirer des salariés.

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