L'idée de créer un monde meilleur inspire les jeunes ingénieurs


Édition du 26 Octobre 2022

L'idée de créer un monde meilleur inspire les jeunes ingénieurs


Édition du 26 Octobre 2022

Par Catherine Charron

Xavier Thorens, conseiller en ressources humaines agréées et PDG de l'agence de chasseurs de tête Thorens Solutions. (Photo: courtoisie)

GÉNIE-CONSEIL. Ce ne sont pas les salaires mirobolants ou les conditions de travail extravagantes qui attirent les jeunes vers la profession d’ingénieur. Ce sont plutôt les projets stimulants et la perspective de pouvoir contribuer à un monde meilleur, et c’est sur cet argument que devrait miser leur futur employeur pour les séduire.

En effet, dans son étude « Profil de l’ingénieur d’aujourd’hui et de demain », parue en 2021, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) constate que plus d’un étudiant sur quatre s’est spécialisé dans une industrie par conviction, alors qu’un tiers est motivé par la mission et les défis à le relever.

« Le sondage est clair : il faut leur donner des défis, qu’il y ait un sens à ce qu’ils font, qu’ils soient dans un environnement de travail agréable », énumère sa nouvelle présidente Sophie Larivière-Mantha.

Benjamin Ponchon, conseiller senior en acquisition de talents pour la société de services professionnels Stantec, tire des conclusions similaires. Depuis deux ans, la branche québécoise de la firme peaufine sa stratégie pour attirer et fidéliser les jeunes ingénieurs et les stagiaires.

En 2022 seulement, l’entreprise a épaulé une quarantaine d’étudiants, et 52 % de ses recrues avaient moins de cinq ans derrière la cravate. La tendance devrait s’accélérer, d’où l’importance de s’adapter.

« Ils ont bien plus d’attentes qu’auparavant. Ils savent ce qu’ils recherchent. Du fait que c’est devenu un marché de candidat, tout niveau d’expérience confondu, les gens veulent faire quelque chose qui leur parle, qui peut les amener loin aussi », estime celui qui cumule près de 15 ans en recrutement.

 

Moins de patience, plus d’attentes salariales

Le conseiller en ressources humaines agréé (CRHA) et PDG d’une agence de chasseurs de têtes spécialisée dans le domaine, Xavier Thorens, abonde dans le même sens. « Or, aujourd’hui, la patience des plus jeunes candidats est moins grande que celle des générations qui les ont précédés, alors que les taux de chômage étaient plus élevés », ajoute le PDG de Thorens Solutions.

Un sentiment d’accomplissement défaillant est d’ailleurs la première raison qui explique pourquoi un travailleur souhaiterait quitter son emploi, peu importe son expérience.

« Arrive souvent juste derrière le superviseur, observe le CRHA. Pas parce qu’il est nécessairement autocratique, mais plutôt parce que l’employé sent qu’il manque de confiance en ses compétences, qu’il ne lui demande pas son avis. »

De plus, même si le sondage de l’OIQ semble indiquer le contraire, Xavier Thorens constate que chez ceux qui ont peu d’expérience, l’appât du gain monétaire vaut son pesant d’or dans l’attraction de néophytes. Il y a cinq ans, le salaire médian d’un ingénieur qui pratiquait depuis deux ans oscillait autour de 60 000 $. Aujourd’hui, ça dépasse 75 000 $ selon le secteur d’activité.

« C’est dur pour un jeune ingénieur de dire non, car c’est une nette amélioration de ses conditions. Le piège serait qu’il ne prenne pas le temps de s’assurer que le poste correspond bien à ce qu’il veut faire », prévient le CRHA.

Ainsi, le recruteur a gagné un rôle de conseiller.

« C’est comme si vous avez très faim et que vous aviez le choix entre une personne qui vous offre du “fast-food”, qui procurera une satisfaction rapide de l’appétit sans plus, et quelqu’un qui vous propose quelque chose de bon, mais qui vous gardera en forme, illustre-t-il. Le choix peut sembler évident, mais les gens préfèrent parfois le “fast-food”. »

 

Les bienfaits de l’écoute

En plus d’avoir créé des bourses pour attirer les stagiaires, Stantec a révisé son programme de rémunération au cours des deux dernières années afin de s’adapter à la nouvelle réalité, glisse Benjamin Ponchon.

Il est toutefois d’avis que ce qui convainc ses jeunes employés et stagiaires à demeurer au sein de l’entreprise, c’est l’importance que prend la protection de l’environnement dans sa méthodologie, de même que l’encadrement et le mentorat auquel ils ont droit afin de développer leurs compétences.

« On forme nos gens en interne pour qu’ils soient de meilleurs parrains, affirme le conseiller senior. Il faut qu’il y ait une équipe pour épauler [les recrues] et être à l’écoute, pour qu’elle puisse partager son expertise. »

Tendre l’oreille fait aussi grandir l’entreprise, assure-t-il. « La direction a pris conscience de l’importance de s’intéresser à eux, de comprendre ce qu’ils recherchent dans l’entreprise et ce qu’on peut faire de plus pour que les futurs diplômés aient le goût de se joindre à nous. »

Selon ce qu’observe Xavier Thorens, le milieu dans son ensemble bonifie depuis quelques années les programmes d’accompagnement et de formation afin de répondre à la nouvelle réalité du monde du travail.

Cela dit, les besoins fondamentaux des jeunes ingénieurs ne sont pas différents de ceux des plus vieux, nuance-t-il.

« Les individus veulent se réaliser dans leur travail. […] La solution peut paraître simple, mais demande beaucoup d’implication et de rigueur à changer et à évaluer les gestionnaires en place », estime le CRHA.

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