Lithium en territoire cri: une mine qui divise et ravive de vieilles blessures

Publié le 05/02/2023 à 10:30

Lithium en territoire cri: une mine qui divise et ravive de vieilles blessures

Publié le 05/02/2023 à 10:30

Par La Presse Canadienne

Rivière Rupert, Nemaska, Baie James (Photo: La Presse Canadienne)

Un «suivi des eaux rigoureux» 

La construction de la mine provoquera l’élimination d’un lac et d’un ruisseau en plus de modifier plusieurs plans d’eau. Au total, «les effets négatifs résiduels anticipés sur le poisson et son habitat» sont estimés à 54 600 m2, selon l'Agence d’évaluation d’impact du Canada et Nemaska Lithium travaille à mettre en œuvre un plan de compensation pour cette perte d’habitat. 

L’approbation de la mine par le gouvernement fédéral vient avec des dizaines de conditions et dans une entrevue avec La Presse Canadienne, le directeur Environnement et relations avec les parties prenantes chez Nemaska Lithium soutient que la minière a «un programme de suivi de qualité des eaux très exhaustif et très rigoureux». 

Vincent Perron explique que Nemaska Lithium s’engage par exemple à vérifier, tous les trois ans, «la concentration des métaux lourds dans la chair des poissons». 

Il tient à préciser qu’une station de traitement des eaux sera installée afin de traiter «le surplus d’eau de drainage avant son rejet dans la rivière Némiscau». 

Au cours de l’entrevue, il mentionne plusieurs fois que l’entreprise veut se démarquer avec «ses standards environnementaux très élevés». 

 

Des espèces en péril 

Selon des documents de l’entreprise, 10 espèces de mammifères à statut particulier - soit qu’ils sont menacés, vulnérables ou en péril - peuvent fréquenter le secteur de la mine dont le carcajou et le caribou forestier ainsi que différentes espèces d’oiseaux à statut particulier comme l’aigle royal. 

L’Agence d’évaluation d’impact du Canada considère que toutes ces espèces «pourraient être affectées par la perte ainsi que par la fragmentation des habitats». 

Toutefois, l'agence conclut que les «effets cumulatifs négatifs seraient peu importants compte tenu de la disponibilité des habitats similaires à proximité et de la mise en place des mesures d'atténuation» du promoteur. 

Pour Thomas Jolly, peu importe les mesures d’atténuation, «il est évident» que les animaux seront affectés négativement par le dynamitage, l’extraction et le transport du minerai et il souhaite que les administrateurs de la mine tiennent compte du savoir traditionnel autochtone et pas seulement «de la science des livres» dans la gestion des risques. 

«Vous, les gens du Sud», explique Thomas Jolly à La Presse Canadienne, «lorsque vous parlez d’animaux et de plantes, vous utilisez le mot espèce, nous, on les appelle les éducateurs». 

«Il faut écouter les gens qui vivent sur le territoire, qui comprennent le comportement des animaux», car «les animaux réagissent beaucoup plus rapidement que nous lorsqu’il y a un danger ou un changement à l’environnement», poursuit Thomas Jolly en expliquant que «les éducateurs» seront les premiers à réagir si un problème survient.  

Vincent Perron soutient que la mine «mise beaucoup» sur les connaissances des Cris et que si les habitants de Nemaska observent un changement de comportement «du caribou, de l’orignal ou de l’ours», Nemaska Lithium va «trouver des mesures d'atténuation pour veiller à ce que la situation s'améliore». 

Mais l’ancien chef reste sur ses gardes: «Trouvez-moi une loi du gouvernement canadien ou du gouvernement du Québec qui reconnaît que les connaissances traditionnelles autochtones peuvent être appliquées de la même manière que les connaissances académiques sont appliquées?». 

 

Une mine verte 

Nemaska Lithium veut se positionner comme une référence en matière d’écoresponsabilité. 

«Nous serons parmi les producteurs de lithium les plus verts au monde» en privilégiant «l’utilisation d’énergie renouvelable» provenant d’Hydro-Québec, avance le directeur Environnement de Nemaska Lithium, Vincent Perron. 

«Notre projet aura donc l’une des plus faibles intensités de production en équivalent CO2 dans le monde, émissions de procédés et de transport combinées. Cela représente près de trois fois moins que la moyenne globale dans le monde et plus de six fois moins que la Chine.» 

Mais Thomas Jolly tient à rappeler que l’hydroélectricité n’est pas aussi «verte» que certains l’entendent et il explique que les impacts sur l’environnement des grands barrages sont considérables, en citant les communautés entières qui ont dû fuir leur village en raison d’inondation ou de menace d’être inondé, les territoires de chasses traditionnelles qui ont disparu sous l’eau des réservoirs hydroélectriques, l’augmentation des taux de mercure, les rivières harnachées et tous les changements importants que ces bouleversements ont entraînés dans le mode de vie traditionnel des Cris de la Baie James. 

Le gouvernement québécois a investi des centaines de millions de dollars dans Nemaska Lithium. 

Le premier ministre François Legault, qui rêve d'un Québec qui exporterait ses batteries de véhicules électriques partout dans le monde et qui serait un chef de file en matière de transports au XXIe siècle, considère Nemaska Lithium comme «une composante importante de l’économie verte». 

Lorsqu'on fait remarquer à Thomas Jolly que le gouvernement compte sur le lithium qui sera extrait des terres traditionnelles cries pour lutter contre les changements climatiques, après une longue hésitation, il réagit en posant ces deux questions: «Qui est responsable» de la crise climatique?» et « Est-ce à nous (les Cris) de payer et souffrir pour ce qu’ils ont fait?». 

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