La prise de contrôle inversée détrône le PAPE

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Janvier 2019

La prise de contrôle inversée détrône le PAPE

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Édition du 26 Janvier 2019

C’est par l’entremise d’une prise de contrôle inversée qu’Ecolomondo est entrée à la ­Bourse de croissance de ­Toronto en 2017, après avoir renoncé à réaliser un premier appel public à l’épargne au ­Nasdaq en 2016.

Les entreprises québécoises entrées en Bourse au cours des deux dernières années l'ont généralement fait par une prise de contrôle inversée (PCI) plutôt que par un premier appel public à l'épargne (PAPE). Un mécanisme que connaît bien l'avocat-conseil Me Michel Beaudin, du cabinet De Grandpré Chait.

Dans une PCI, une entreprise cotée en Bourse achète une société privée en payant avec des actions. Toutefois, elle émet tellement d'actions que le contrôle passe à l'entreprise qu'elle acquiert. C'est pour cela que l'on parle de prise de contrôle inversée. L'entreprise privée se retrouve donc publique, sans être passée par un PAPE.

«Une entreprise qui procède à un PAPE dépense beaucoup pour répondre aux obligations réglementaires et doit aussi s'assurer de recruter un nombre suffisant d'actionnaires et de lever un bon niveau de capital, sans aucune assurance de réussir, explique Me Beaudin. La PCI élimine ce risque, puisqu'il s'agit de prendre le contrôle d'une entreprise déjà listée en Bourse.»

Des règles à respecter

L'entreprise cotée en Bourse n'a souvent plus d'activité. Elle décide alors de devenir une cible pour une PCI. L'entreprise privée qui en prend le contrôle doit donc faire ses devoirs et s'assurer que cette firme ne cache pas de squelette dans ses placards. Une fois en contrôle, c'est elle qui devient responsable du passé de son acquéreur.

Une autre option est de prendre le contrôle d'une société de capital de démarrage (Capital Pool Company ou CPC). Cette solution est offerte par la Bourse TSX de croissance. Il s'agit en fait d'une coquille vide sans aucune opération, entrée en Bourse spécifiquement pour participer à une PCI ou pour procéder à une acquisition d'actifs. «Un des grands avantages des CPC est qu'elles sont propres, puisqu'elles n'ont pas eu d'activité, explique Me Beaudin. L'effort de vérification diligente est donc beaucoup moins grand que pour une société qui a eu des opérations pendant plusieurs années.»

Ce dernier rappelle toutefois que l'Autorité des marchés financiers (AMF) garde un oeil sur les PCI, notamment lorsque celles-ci s'effectuent avec une entreprise qui a eu des opérations avant la transaction. Normal, puisque cela signifie qu'elle change complètement de nature. Les investisseurs se retrouvent donc actionnaires d'une entreprise bien différente que celle qu'ils avaient décidé de financer.

«L'entreprise doit publier une circulaire comprenant une information aussi détaillée que le serait celle d'un prospectus pour une société qui entre en Bourse. Cette circulaire doit être approuvée par les actionnaires», précise Marie-Josée Lacroix, analyste experte en financement des sociétés de l'Autorité.

Toutefois, un prospectus est généralement révisé par l'AMF avant d'être déposé, ce qui peut entraîner des retards. Une circulaire est révisée par l'Autorité seulement après avoir été déposée. Elle n'a pas non plus besoin d'être traduite.

La voie choisie par Ecolomondo

Ecolomondo, une entreprise montréalaise de traitement des déchets à base d'hydrocarbures, tentait depuis plusieurs années d'entrer en Bourse. «Nous aurions pu rester privés si nous souhaitions seulement vendre au Canada, mais le potentiel de notre technologie nous pousse à aller vers les marchés internationaux, ce qui exige beaucoup plus de capital, explique le PDG Eliot Sorella. Nous voulions aller en Bourse pour financer notre expansion.»

C'est par l'entremise d'une prise de contrôle inversée qu'Ecolomondo est entrée à la Bourse de croissance de Toronto en 2017, après avoir renoncé à réaliser un premier appel public à l'épargne au Nasdaq en 2016. L'entreprise s'est faite acquérir par la société de capital de démarrage Cortina Capital Corp.

M. Sorella juge que la PCI lui a fait épargner temps et argent comparativement à un PAPE. La transaction s'est bouclée en un peu plus de six mois, alors qu'il aurait fallu plus d'un an pour réaliser un PAPE. Il se réjouit aussi de voir que son entreprise maintient sa position en Bourse, malgré le retour de la volatilité. La valeur des actions d'Ecolomondo évolue toujours autour de 35 cents, son prix de départ. «Les investisseurs qui achètent nos actions visent le long terme, ce qui réduit la volatilité, analyse M. Sorella. Je crois aussi que notre entreprise a été valorisée à un taux raisonnable.»

Que l'on procède par PCI ou par PAPE, on ne va pas en Bourse pour le plaisir ni pour la gloire, bien que certains PAPE, tels ceux de Facebook, Snap et Alibaba aient été reçus avec plus de fanfare que la dernière Palme d'or du Festival de Cannes. «Aller en Bourse est exigeant, alors on y va seulement si l'on a un plan d'affaires dont la réalisation nécessite beaucoup de capitaux», conclut Me Beaudin.

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