Une fiscalité américaine complexe

Publié le 25/11/2013 à 09:06

Une fiscalité américaine complexe

Publié le 25/11/2013 à 09:06

Par Alain Duhamel

Les spécialistes canadiens de la fiscalité d'entreprise aux États-Unis le confirment: depuis 2008, les autorités fiscales américaines, en particulier celles des États, resserrent leurs pratiques dans l'administration et dans la perception des impôts et taxes.

Les exportateurs canadiens aux États-Unis doivent en être conscients avant de franchir la frontière. « La pire erreur, c'est d'y aller les yeux fermés » , prévient Me Isabelle Tremblay, avocate fiscaliste du bureau Jolicoeur Lacasse.

Les États-Unis et le Canada ont entre eux un traité de libre-échange du commerce et une convention fiscale mais le premier ne touche pas à la fiscalité et la seconde ne lie que l'État fédéral.

La convention fiscale a pour but d'éviter une double imposition. L'impôt américain est plus avantageux que l'impôt canadien pour les personnes mais l'est beaucoup moins pour les entreprises. Au Canada, le taux d'imposition sur les bénéfices imposables (plus de 500 000 $) des sociétés s'élève à 26,9 % mais aux États-Unis, il peut s'élever à 34 % .

Bon nombre d'états américains n'ont pas adhéré à la convention fiscale canado-américaine et prélèvent des impôts sur le revenu et les bénéfices des sociétés qui font des affaires chez eux.

Le taux d'impôt sur les revenus des sociétés dans les États varie entre 5 % et 15 % mais est déductible de l'impôt fédéral. Dans certains états, les villes et les comtés lèvent aussi des impôts sur le revenus des sociétés de telle sorte qu'une entreprise peut payer sur ses bénéfices des impôts fédéraux, étatiques, régionaux et municipaux.

« C'est devenu beaucoup plus lourd, il y a plus de vérification à faire », note Me Isabelle Tremblay. « Plusieurs États sont devenus très pro-actifs envers les entités étrangères; ils se rendent compte qu'il y a là un marché et du nouvel argent à aller chercher. On ne voyait pas cela il y a quelques années. »

Des formulaires à remplir

La tendance se confirme d'année en année depuis cinq ans. La crise économique de 2008 et 2009 a mis à mal les finances publiques de tous les états américains et du gouvernement fédéral. Alors les autorités fiscales multiplient les formulaires à remplir et ne tolèrent plus les retards à les produire.

Le défaut de produire dans les temps prescrits un formulaire vaut à l'entrepreneur retardataire une amende 10 000 $. Certaines déclarations fédérales qui étaient rarement exigées autrefois le sont désormais .

« Le gouvernement américain a décidé de sévir . Depuis l'an dernier, c'est devenu systématique », note Me Marc Bélanger, des services fiscaux internationaux MNP. « Parce qu'un formulaire est déposé en retard, l'entreprise reçoit immédiatement une amende, même quand elle n'a pas d'impôt à payer si, par exemple, elle fonctionne à perte. »

« Les entrepreneurs peuvent toujours plaider la bonne foi, mais les autorités américaines ne sont pas naïves », ajoute Me Bélanger.

Marie-Claude Péthel, CPA spécialiste de la fiscalité américaine, du bureau Demers Beaulne, constate que les États ont réagi à la crise économique en recentrant leur fiscalité sur la taxation.

« On a observé ces dernières années un mouvement de conversion des impôts sur les revenus vers diverses formes de taxes. » La manoeuvre fait en sorte que les entreprises paient désormais au moins un minimum de taxes à l'État peu importe qu'elles soient profitables ou non.

Pas un obstacle insurmontable

En Ohio, les entreprises doivent acquitter une taxe sur l'activité commerciale; en Californie, point n'est besoin d'avoir une présence physique dans l'état: le fait de faire des affaires dans cet état assujettit l'entreprise à sa fiscalité. « Tous les états ont commencé à faire leurs propres vérifications et chaque état a ses particularités. »

Outre la Californie et l'Ohio, la Pennsylvanie, le New Jersey, l'Ohio, le Texas et New York comptent parmi les états où le percepteur est le plus actif. Par contre, la Floride demeure l'un des rares états qui reconnaisse la convention fiscale canado-américaine.

L'analyse de la fiscalité américaine devrait faire partie du plan d'exportation de l'entrepreneur qui envisage de développer ses affaires aux États-Unis mais elle ne devrait pas emporter à elle seule ni la décision d'exporter, ni le choix des moyens pour ce faire ( bureau de représentation,ventes directes, bureau de représentation, succursale, association avec des partenaires, constitution d'une société américaine, etc).

« La fiscalité américaine est complexe mais n'est pas un obstacle insurmontable », dit Me Isabelle Tremblay. « C'est un beau marché mais il ne faudrait pas renoncer à son projet d'affaires à cause de la fiscalité.»

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