Gaz naturel: vers une mondialisation du marché ?

Offert par Les Affaires


Édition du 09 Septembre 2017

Gaz naturel: vers une mondialisation du marché ?

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Édition du 09 Septembre 2017

[Entre 2016 et 2022, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que 40 % de la croissance de l’offre mondiale de gaz naturel viendra des ­États-Unis. Photo : Getty Images]

DOSSIER ÉNERGIE - Au cours de trois des cinq premiers mois de 2017, les États-Unis ont exporté plus de gaz naturel qu'ils n'en ont importé. Une situation qui devrait devenir la norme dès 2018. Ils mettent ainsi fin à une tendance vieille de 60 ans. En effet, nos voisins sont devenus importateurs nets en 1958, lors de la mise en service du gazoduc de TransCanada Pipelines. C'était sous la présidence de Dwight Eisenhower.

Par rapport au Canada, les États-Unis resteront d'ailleurs des importateurs nets. Les exportations américaines au Canada s'établissent à 3,21 milliards de pieds cubes par jour (bcf/j), selon l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA). Les importations, par contre, s'élèvent encore à 8 bcf/j. Elles atteignaient 12 bcf/j en 2007.

C'est plutôt du côté du Mexique que les exportations américaines risquent d'exploser. Elles dépassent actuellement 4 bcf/j. Le Mexique compte sur le gaz naturel pour générer environ 60 % de son électricité, mais sa production décline, faute d'investissement. Résultat : la capacité d'exportation de gaz américain au Mexique devrait doubler d'ici 2018, à 15 bcf/j.

Les bas prix n'arrêtent pas les foreuses

Que s'est-il passé ? La production américaine de gaz de schiste a eu un effet durable sur le Henry Hub, prix de référence américain, qui a dégringolé jusqu'à 2,52 $ par million de BTU (MBTU) en 2016. Le gaz est soudain devenu extrêmement compétitif sur le marché énergétique, notamment dans la génération d'électricité, où il a commencé à remplacer le charbon. Rappelons que le gaz naturel se négociait à plus de 8 $ par MBTU en août 2008.

Or, la chute des prix ne semble pas avoir d'effet dissuasif sur la production américaine, dont les techniques n'ont cessé de se raffiner. Celle-ci devrait encore augmenter de 5 % en 2018, selon l'EIA, à 77,34 bcf/j.

Entre 2016 et 2022, l'Agence internationale de l'énergie prévoit que 40 % de la croissance de l'offre mondiale viendra des États-Unis. Ils produiront alors à eux seuls un cinquième du gaz mondial.

Ce n'est pas près de finir : les réserves américaines ont été revues à la hausse en juillet, à 2 817 trillions de pieds cubes (Tcf). De quoi assurer la consommation intérieure pendant 104 ans. À titre comparatif, les réserves canadiennes s'élèvent à plus de 1 000 Tcf.

Même si le prix s'est quelque peu raffermi en 2017 en raison d'un ralentissement momentané des forages en 2015 et en 2016, il devrait se maintenir autour de 3,40 $ le MBTU en 2018, selon l'EIA. Rien pour renverser la tendance sur le marché continental.

La course au GNL

L'autre volet des exportations américaines, c'est le gaz naturel liquéfié (GNL), qui est destiné aux marchés internationaux et qui, par conséquent, représente une prime pour les producteurs nord-américains. En effet, les prix du gaz naturel en Europe, au Japon ou en Chine sont tous plus élevés que le Henry Hub, même si l'écart s'est resserré dans les dernières années et ne tient plus qu'à quelques dollars.

Pour atteindre ces marchés qui demeurent plus lucratifs que le continental, les États-Unis sont en course contre le Canada, un autre exportateur net.

Sauf que c'est une course de tortues. À ce jour, il n'y a qu'un terminal d'exportation en activité : celui de Sabine Pass LNG, dont la mise en service a commencé en février 2016 dans le golfe du Mexique. Le port de Cove Point LNG, dans le Maryland, devrait suivre dès 2018.

Côté Atlantique, les États-Unis battent donc de vitesse le Canada. Les exportations américaines de GNL devraient être de 2 bcf/j en 2017, puis de 3 bcf/j en 2018, selon Adam Sieminski, spécialiste de l'énergie au Center for Strategic and International Studies à Washington. Aux États-Unis, cinq projets sont en construction, dont la capacité totale pourrait atteindre 6 bcf/j dès la fin de 2018. Au Canada, les exportations côté Atlantique sont nulles.

Les choses sont plus lentes encore côté Pacifique. Fin juillet, le géant malaisien Petronas a finalement renoncé à aller de l'avant avec son mégaprojet de terminal Pacific Northwest LNG, près de Prince Rupert, arguant la chute des prix du GNL sur le marché asiatique.

Il faut dire que, depuis 2014, les prix du GNL en Chine et au Japon ont dégringolé sous la barre des 6 $ le MBTU, entraînés par la chute des cours du pétrole. Au Japon, il se négociait autour de 18 $ en 2012, lorsque le projet Pacific Northwest a été lancé.

«Quand le pétrole était à plus de 100 $ le baril, le GNL vers l'Asie pouvait se vendre à 10 $ le MBTU, rappelle M. Sieminski. Maintenant que le pétrole est à 50 $, le GNL est à 5 $. En raison de la chute du brut, la baisse de prix du GNL rend la construction de gazoducs et de terminaux sur la côte Ouest moins attrayante.»

Dans le cas du projet LNG Canadian à Kitimat, Royal Dutch Shell s'est donné jusqu'à 2019 pour prendre une décision d'investissement.

Il n'y a donc plus qu'un projet dans la course sur la côte Ouest canadienne : celui de Woodfibre LNG, près de Squamish, qui aura une petite capacité (0,3 bcf/j). Il pourrait entrer en compétition avec le projet de terminal de Jordan Cove, en Oregon, d'une capacité de 1,78 bcf/j, mais ce n'est pas pour demain. «Aucun des deux pays n'est en voie de construire quoi que ce soit à court ou à moyen terme», croit M. Sieminski.

Mondialisation du marché du gaz naturel : quel impact sur nos tarifs ?

Malgré leur dégringolade, les prix européens et asiatiques demeurent plus élevés que le Henry Hub américain. Les exportations américaines pourraient-elles tirer à la hausse les prix sur le continent ?

«L'EIA s'est penchée là-dessus et sa conclusion, c'est que l'exportation [de GNL] pourrait avoir un impact très peu prononcé, de l'ordre de 3 %, sur le tarif aux États-Unis, dit M. Sieminski. Parallèlement, l'offre de GNL sur le marché mondial a résulté en une baisse du prix en Europe, forçant [le producteur russe] Gazprom à baisser ses prix pour ne pas perdre des parts de marché au profit du GNL américain.»

Stefan Chripounoff, avocat spécialisé en droit de l'énergie au cabinet Langlois, croit pour sa part que les exportations de GNL auront un effet «uniformisant» sur les prix mondiaux. «Plus il va y avoir d'échanges, plus les prix de référence devraient s'uniformiser, dit-il. La prime des exportateurs de GNL américains ne devrait pas perdurer.»

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