Sociétés des services aux collectivités : comment y investir

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Novembre 2015

Sociétés des services aux collectivités : comment y investir

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Édition du 14 Novembre 2015

Par Dominique Beauchamp

[Photo : Shutterstock]

Le secteur des services aux collectivités, qui regroupe les fournisseurs d'électricité et d'énergie, n'est plus le long fleuve tranquille qu'il a déjà été. La baisse des taux, qui a tant donné de valeur aux dividendes, tire à sa fin. Voici quelques repères pour y voir plus clair et une analyse des titres préférés des gestionnaires de portefeuille.

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Les taux d'intérêt et le cours du pétrole sont les deux facteurs qui influent le plus sur la performance des titres de l'industrie des services aux collectivités, tant à court qu'à long terme.

Lorsque ces deux repères clés changent de direction, les titres de l'industrie bougent en bloc, car ces facteurs prévalent sur les éléments fondamentaux qui devraient dicter les perspectives de chacune des entreprises.

On n'a qu'à penser au printemps de 2013 lorsque des déclarations de Ben Bernanke, l'ex-président de la Réserve fédérale des États-Unis, ont fait craindre une hausse hâtive des taux d'intérêt. Tous les titres de l'industrie sont tombés pendant quatre mois.

Puisque les fournisseurs d'énergie et d'électricité versent des dividendes réguliers, ils concurrencent les obligations négociables dans les choix de placement des investisseurs institutionnels.

Lorsque les taux augmentent, le rendement des obligations s'ajuste rapidement à la hausse, et ce nouveau rendement devient aussitôt plus concurrentiel par rapport aux dividendes qui perdent alors de la valeur relative aux yeux de ces grands investisseurs, explique Guillaume Arseneau, stratège quantitatif adjoint de Canaccord Genuity.

Quand la perception de risque augmente, que ce soit la volatilité, les écarts de crédit ou tout autre repère de stress financier, les fournisseurs d'électricité et d'énergie deviennent des refuges, parce que les flux de trésorerie réguliers que produisent leurs centrales ou leurs pipelines financent des dividendes fiables, une source de rendement bien tangible. Tous les ans, Canadian Utilities a accru son dividende depuis 43 ans, sa société mère ATCO, depuis 21 ans, et Fortis, depuis 41 ans.

Lors de tous les spasmes boursiers à partir de 2008, tels que les épisodes de crise concernant la dette souveraine en Europe, les investisseurs ont recherché la protection de ces titres, évoque aussi Ben Pham, analyste chez BMO Marchés des capitaux.

Encore tout récemment, les titres des deux principaux producteurs réglementés d'électricité, Emera et Fortis, ont respectivement rebondi de 12,5 % et de 9 %, au troisième trimestre, pendant que l'indice S&P/TSX reculait de 8,6 %.

Des turbulences qui pourraient durer

Actuellement, le secteur traverse une tempête, parce que la possibilité que la Réserve fédérale amorce une lente remontée des taux pèse sur l'évaluation boursière des actions, qui servent de substituts aux titres à revenu fixe dans les portefeuilles des pros.

Leur évaluation relativement élevée, après tant d'années de baisse des taux et de dividendes croissants, rend aussi leurs cours plus sensibles qu'avant aux fluctuations des taux.

Les producteurs d'électricité et les exploitants de pipelines profitent directement des faibles taux qui réduisent le coût de financement de leurs projets de construction.

Comme s'il n'y avait pas assez d'incertitude à l'égard des taux, la dégringolade des cours du pétrole et du gaz naturel entraîne vers le bas les autres prix de l'énergie, tels que les tarifs d'électricité.

En Alberta, en particulier, les tarifs d'électricité sont tombés de 86 $ le MWh, à la fin de 2014, à 26 $, un plancher de 15 ans, dit Patrick Kenny, analyste à la Financière Banque Nationale.

Puisque les centrales de cogénération fonctionnent au charbon et au gaz naturel, toute baisse des cours de ces deux carburants se répercute rapidement sur les tarifs des producteurs d'électricité, indique Steve Bélisle, gestionnaire de portefeuille principal chez Gestion d'actifs Manuvie.

La récession albertaine réduit aussi la demande d'électricité dans cette province. Ainsi, l'action de TransAlta a perdu la moitié de sa valeur depuis avril, tandis que celle de Capital Power a chuté de 31 % depuis novembre 2014.

Enfin, les nouveaux gouvernements à Edmonton et à Ottawa imposeront sans doute de nouvelles règles aux pollueurs, dont on ne connaît pas encore tous les coûts.

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Encore un bon coussin

Pour l'instant, personne ne prévoit de montée en flèche des taux, tant la cadence économique est modeste. La Financière Banque Nationale prédit que le taux repère de 10 ans passera de l'actuel 1,7 % à 2,4 % à l'automne 2017.

Les analystes n'appréhendent donc pas une compression majeure des multiples d'évaluation, d'autant que plusieurs titres se sont déjà dégonflés.

Le rendement de dividendes moyen de 4 % des fournisseurs d'électricité d'énergie est encore nettement supérieur au rendement de 1,7 % des obligations canadiennes de 10 ans.

Et si les taux remontaient davantage, ce serait signe que l'économie canadienne se porte mieux, ce qui, en principe, devrait aussi raviver la demande en électricité.

Les producteurs réglementés d'électricité pourraient aussi refiler à leurs clients une hausse des taux d'intérêt, puisque ces derniers font partie de la formule qui établit leur taux de rendement autorisé.

Bien malin par contre qui peut prédire le cours du pétrole. En théorie, cependant, des prix plus bas devraient stimuler la consommation de carburant et, par ricochet, augmenter le besoin de l'acheminer par oléoducs jusqu'aux raffineries et aux consommateurs.

À long terme, par contre, un virage plus vert pourrait mettre au rancart plusieurs projets de sables bitumineux dans l'Ouest et avec eux la nécessité de bâtir de nouveaux pipelines, qui assurent la croissance de sociétés telles qu'Enbridge et TransCanada, entrevoit M. Bélisle.

La mise en service de nouveaux projets, des acquisitions ciblées et une répartition plus diligente des dépenses en capital seront des sources de croissance qui devraient atténuer les vents de face que sont les taux et le cours du pétrole, fait valoir Linda Ezergailis, analyste chez Valeurs mobilières TD.

L'appétit de la population vieillissante pour les dividendes de ces sociétés n'est pas près de se tarir non plus, ajoute-t-elle, ce qui devrait soutenir la demande et la valeur des titres.

Il est tout de même sage pour les investisseurs de prévoir que le secteur offrira moins de croissance et des dividendes moins généreux que dans le passé.

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