La croissance, oui. La Bourse, non.

Publié le 31/03/2011 à 15:10, mis à jour le 01/04/2011 à 10:37

La croissance, oui. La Bourse, non.

Publié le 31/03/2011 à 15:10, mis à jour le 01/04/2011 à 10:37

Par Marie-Claude Morin

Nous sommes à des années lumières de la dernière décennie où il suffisait d'ajouter .com à son nom d'entreprise pour espérer récolter la manne en Bourse. L'état des marchés publics, qui a changé bien sûr, le coût peu élevé du financement bancaire et le faible appétit des investisseurs pour le risque expliquent qu'il y a eu seulement un premier appel public à l'épargne (PAPE) majeur au Québec en 2010. Les entrepreneurs québécois ne rêvent plus de voir leur société cotée en Bourse. Six d'entre eux nous expliquent pourquoi.

" Entrer en Bourse n'a jamais été une aspiration pour moi. "

- François Roberge, pdg de la chaîne La Vie en Rose

Ce n'est pas tant par discrétion que par souci de flexibilité que François Roberge exclut toute entrée en Bourse pour La Vie en Rose, une chaîne de 150 boutiques de sous-vêtements au Canada et de 55 franchises à l'étranger.

Car les obligations d'une entreprise à capital ouvert, le dirigeant les connaît bien. Pendant 14 ans, il a travaillé pour le Groupe San Francisco, une chaîne de vêtements dirigée par son oncle, Paul Delage Roberge. " J'ai vu qu'il était difficile de se concentrer sur la stratégie à long terme lorsqu'on est une entreprise cotée ", explique l'homme d'affaires de 48 ans, qui a racheté la chaîne du Groupe Algo en 1996.

Les investisseurs accordent beaucoup d'importance aux résultats trimestriels et cherchent des rendements à court terme, déplore-t-il. L'accès rapide à des capitaux abondants peut aussi encourager une prise de risques excessive. " On est plus prudents quand c'est notre argent ", dit celui qui a racheté la participation de la Caisse de dépôt et placement (18 %) en 2008. De toute manière, pour la Vie en Rose, qui réalise des recettes annuelles de 140 millions de dollars (M$), il serait trop coûteux selon lui de répondre aux nombreuses exigences réglementaires imposées aux entreprises cotées en Bourse.

À ces considérations d'affaires, ajoutez les rêves d'un père de trois enfants, âgés de 15 à 20 ans. " J'aimerais que la relève vienne de là. " L'idée semble faire son chemin : l'aîné étudie à HEC Montréal et ses cadets fréquentent un établissement renommé de la métropole.

La Vie en Rose

Activité : Boutiques de sous-vêtements pour dames

Siège social : Montréal

Chiffre d'affaires: 140 M$

Effectif : 1 900

" Je ne crois pas qu'être en Bourse soit prestigieux. À la limite, ça enlève même du prestige. "

- Guy Michaud, pdg de Groupe Genacol

Guy Michaud voit grand pour Groupe Genacol : il vise à en faire un Procter & Gamble des produits naturels. Rien de moins. Présente dans près de 30 pays, l'entreprise de Blainville prévoit poursuivre son expansion géographique - elle vient d'ailleurs de signer une entente avec un gros distributeur chinois - et souhaite ajouter de nombreux produits naturels canadiens à son offre internationale.

Avec autant d'ambition, on pourrait croire que Guy Michaud rêve de sonner la cloche d'ouverture des marchés sur un grand parquet. Pas du tout. Si Groupe Genacol entre un jour en Bourse, ce sera strictement pour maximiser ses chances de croissance. Guy Michaud écoutera alors sa tête, plus que son coeur, car pour l'homme d'affaires de 51 ans, détenir 100 % des actions de l'entreprise dont il vient de souffler les 10 bougies représente une très grande fierté. Pour lui, être inscrit en Bourse n'est pas synonyme de prestige. Au contraire. " Il est gratifiant de dire qu'on a réussi par nos propres moyens, sans avoir recours à des capitaux publics. Ça prouve qu'on a su se débrouiller. "

Reste que Groupe Genacol risque d'avoir besoin des marchés boursiers si elle désire pousser la machine à fond, reconnaît son pdg, assurant du même souffle ne pas être rendu là dans ses réflexions. " C'est envisageable, mais ce n'est pas la seule solution. "

Groupe Genacol

Activité : Produits naturels

Siège social : Blainville

Chiffre d'affaires: 12 M$

Effectif : 118

" Pour une entreprise ambitieuse comme la nôtre, ça n'aurait pas de sens d'exclure d'emblée une voie de croissance comme la Bourse. "

- Éric Trudel, pdg de Wendigo Studios

Lorsqu'on fonde son entreprise et qu'on voit grand, rêve-t-on d'entrer en Bourse un jour ? " C'est une décision qui ne se prend pas au jour 1. Aller en Bourse est un outil pour financer sa croissance, mais il y en a d'autres ", répond, terre-à-terre, Éric Trudel, 40 ans, pdg et cofondateur du développeur de jeux vidéo Wendigo Studios. L'entreprise de Saguenay a lancé cet automne un premier jeu sous son propre nom, après avoir fait de la sous-traitance depuis ses débuts en 2006. Les dirigeants aimeraient passer à moyen terme de 27 à 100 employés et, bien sûr, accroître leurs revenus, qui s'élèvent actuellement à environ 1 M$.

Selon le pdg, lui et ses six associés à parts égales souhaitent toutefois rester indépendants le plus longtemps possible. Ils ont récemment réalisé une ronde de financement auprès de FIER Saguenay-Lac-Saint-Jean et d'Investissement Québec. " C'est possible qu'on aille en Bourse un jour, mais ce n'est pas dans les cartes pour encore au moins trois à cinq ans. "

Pas question non plus de séduire un joueur important, comme l'a fait la québécoise Beenox auprès de l'américaine Activision en 2005. " Je ne crois pas que vendre le fruit du labeur des gens d'ici soit la meilleure solution pour le Québec et le Canada ", explique Éric Trudel. La PME est habituée à ramer à contre-courant. Après tout, ses fondateurs étaient fraîchement diplômés de l'UQAC lorsqu'ils sont partis à la conquête des géants du jeu vidéo... à partir de Chicoutimi. " On avait tout contre nous lorsqu'on a fondé l'entreprise, alors on est bien contents de voir où nous sommes rendus maintenant. "

Wendigo Studios

Activité : Jeux vidéo

Siège social : Saguenay

Chiffre d'affaires: Confidentiel

Effectif : 27 employés

" Il y a quelques années, entrer en Bourse m'intéressait beaucoup. La tourmente boursière des dernières années m'a totalement refroidi. "

- Pierre-Marc Tremblay, pdg des restaurants Pacini et Commensal

En 2005, avant qu'il achète sa participation de 51 % dans le Commensal, Pierre-Marc Tremblay déclarait à Les Affaires qu'il préparait l'entrée en Bourse de Pacini. Cinq ans plus tard, l'homme d'affaires de 48 ans a toujours autant d'ambition... la Bourse en moins. " Je croyais que cela faciliterait notre croissance. Avec l'instabilité des marchés, je suis passé du rêve à l'indifférence. "

Gérer une entreprise pour des investisseurs qui ne voient qu'à court terme et qui recherchent le profit à tout prix, très peu pour lui. " C'est encore pire maintenant que la crise a miné la confiance des investisseurs. "

En plus, en ces temps instables, rien ne garantit qu'une entreprise trouvera preneur pour son émission. " Les risques sont beaucoup trop grands, vu les coûts d'émission ", dit le restaurateur. Pour financer ses nombreux projets - notamment l'expansion de Pacini dans l'Ouest et le lancement de produits Commensal en Ontario et à New York -, Pierre-Marc Tremblay table plutôt sur du financement en dehors des marchés boursiers. Ces sources de financement sont peut-être difficiles à obtenir, mais rien n'est impossible lorsqu'on est suffisamment créatifs, croit-il.

Restaurants Pacini et Le Commensal

Activité : Restauration

Siège social : La Prairie

Chiffre d'affaires: 55 M$

Effectif : 1 100 employés

" Chantiers Chibougamau ne serait pas l'entreprise qu'elle est maintenant si elle avait dû répondre aux exigences des résultats trimestriels et verser des dividendes. "

- Frédéric Verreault, directeur des communications, Chantiers Chibougamau

Pas facile, l'industrie du bois. Pour assurer sa survie, Chantiers Chibougamau a investi plus de 100 M$ depuis les années 1990 pour prendre d'assaut le créneau du bois d'ingénierie. " Chaque dollar généré a été réinvesti et c'est ce qui a permis à l'entreprise de se transformer ", dit Frédéric Verreault, directeur des communications. L'idée d'aller en Bourse a bien été considérée à la fin des années 1980, au moment de la vague du régime d'épargne- action, mais la nature familiale de l'entreprise a rapidement triomphé.

Le fondateur Lucien Filion a en effet choisi de partager le capital de la société qu'il a fondée en 1961 entre lui et ses six enfants vivants. Il demeure président, mais a laissé les rênes de la gestion courante à ses fils. " M. Filion avait la ferme volonté de constituer un patrimoine, et l'entreprise est clairement familiale. " Une philosophie de gestion qui se marie mal aux exigences des marchés boursiers, comme la divulgation de résultats trimestriels et le versement de dividendes, fait valoir le porte-parole. " Entrer en Bourse n'est pas du tout dans les plans. "

Chantiers Chibougamau

Activité : Produits forestiers

Siège social : Chibougamau

Chiffre d'affaires: Environ 150 M$

Effectif : Près de 600 employés

" Aller en Bourse est une forme de rêve, mais ce n'est pas une fin en soi. "

- Pascal Pilon, pdg d'Averna

Averna, société de Montréal spécialisée dans les systèmes de test pour l'industrie électronique, caresse de multiples projets d'expansion. Déjà, l'entreprise fondée en 1999 par Pascal Pilon et ses deux associés a reçu de nombreux prix pour sa croissance; depuis 2006, son chiffre d'affaires est passé de 7 à 35,5 M$, et le nombre d'employés, de 78 à 281. L'entreprise ne compte pas s'arrêter là. Pour financer son expansion, la direction a déjà confirmé à quelques reprises être ouverte à une entrée en Bourse. Rien n'est toutefois prévu en ce sens à court terme. " Le contexte ne s'y prête pas vraiment en ce moment. D'ailleurs, les entreprises ont de la difficulté à compléter leur première émission ", souligne M. Pilon, 39 ans.

S'il considère le fait de devenir une entreprise à capital ouvert comme un indice de réussite, le dirigeant n'y voit pas un passage obligé. " Il y a plusieurs façons d'avoir du succès ", note-t-il.

Averna

Activité : Systèmes de test pour l'industrie électronique

Siège social : Montréal

Chiffre d'affaires: 35,5 M$

Effectif : 281

(Texte d'origine 8 janvier 2011)

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