Assurance dommages: quand les GAFA s'en mêlent

Offert par Les Affaires


Édition du 11 Mai 2019

Assurance dommages: quand les GAFA s'en mêlent

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Édition du 11 Mai 2019

Par Richard Cloutier

Ainsi en Allemagne, il est maintenant possible de souscrire une assurance-voyages via un assistant vocal. (Photo: 123RF)

ASSURANCES DE DOMMAGES. Nourries par l’évolution rapide de la technologie, les attentes des clients de même que leurs habitudes de consommations se transforment et cette réalité pousse les assureurs à redéfinir la façon dont ils interagissent avec eux. Alors que les assureurs s’emploient à revoir leurs stratégies et même leur modèle d’affaires, ceux-ci doivent-ils craindre les géants du Web ?

Les assureurs directs, à tout le moins, se disent préoccupés par la situation et l’ont spontanément exprimé lorsque le CEFRIO les a questionnés sur les grands enjeux de leur industrie aux fins d’une étude publiée en mars 2018 et destinée à comprendre la place accordée au numérique dans les pratiques des assureurs de dommages. 

« Bien au-delà des modifications apportées à la législation, les assureurs anticipent une transformation de l’industrie causée par plusieurs composantes, soit l’arrivée de joueurs non traditionnels sur le marché, comme Google et Amazon ; les nouveaux modèles d’affaires, comme celui de Lemonade ; les voitures autonomes et l’assurance intégrée à la voiture comme le propose Tesla » a retenu le CEFRIO sur le sujet.

Il faut dire que les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), de même que les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), ces géants technologiques venus d’Asie, et autres NATU (Netflix, AirBnb, Tesla, Uber), bouleversent allègrement plusieurs secteurs de l’économie depuis quelques années à travers la planète, par l’entremise de modèles d’affaires innovants.

On ne peut donc se surprendre si, à l’échelle mondiale, 29,5 % des clients ont affirmé être disposé à acheter au moins un produit d’assurance auprès d’un géant du Web tel qu’Amazon et Google, comme le rapporte le World Insurance Report 2018 de Capgemini, une étude menée dans 20 pays, incluant le Canada, et publiée en mai 2018. Soit une intention exprimée par 12 % de plus de clients qu’en 2015, selon Capgemini.  

Mi-figue, mi-raisin

« Aujourd’hui, ce sont des partenaires, alors que plusieurs innovations technologiques et recherches, notamment sur le comportement des utilisateurs, passent par ces organisations du GAFA. Demain, nous verrons ce qu’ils seront », analyse Denis Dubois, président et chef de l’exploitation de Desjardins Groupe d’assurances générales.

Un exemple local de partenariat est l’entente conclue entre La Capitale assurance et services financiers et Google Cloud, en avril 2018. L’objectif de la mutuelle fondée à Québec en 1940 étant d’accélérer sa stratégie d’innovation et son accès à des solutions originales, performantes et sécuritaires reposant sur des technologies incluant l’analyse prédictive, l’intelligence artificielle et la reconnaissance vocale. « Le développement rapide des technologies financières et les défis posés par la révolution numérique placent les assureurs devant un choix important : suivre la compétition ou se démarquer », avait alors exprimé Jean St-Gelais, président du conseil et chef de la direction de La Capitale.

À l’échelle de la planète, les exemples ne manquent pas pour illustrer dans quelle mesure les organisations du GAFA prennent pied dans le secteur de l’assurance. Alphabet, la compagnie mère de Google, a notamment effectué en 2017 un investissement dans la start-up américaine Lemonade, spécialisée en assurance habitation et dont le modèle repose sur l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine. Lemonade a annoncé en 2019 une implantation prochaine en Europe. En 2018 cette fois, Alphabet, par l’entremise de son fonds d’investissement CapitalG, a effectué un investissement minoritaire, mais important, dans Applied Systems, le premier fournisseur mondial de systèmes de gestion de données pour les assureurs et les cabinets de courtage, et qui dessert notamment des clients aux États-Unis, au Canada, et au Royaume-Uni. 

Selon Denis Dubois, puisque les géants du Web contrôlent aujourd’hui une partie de la conversation avec la population, les joueurs traditionnels de l’industrie de l’assurance n’ont d’autres choix que d’avoir également cette conversation avec leurs clients « pour faire en sorte qu’ils ne viennent pas s’introduire entre eux et nous ». Une réalité qui pousse les acteurs traditionnels « à enrichir leur modèle d’affaires et à avoir une approche où il y a beaucoup plus d’interactions à valeur ajoutée avec leurs clients ». 

Il faut dire que plusieurs organisations du GAFA ont déjà tenté d’aborder directement le secteur de l’assurance. « Mais lors de ces tentatives, elles ont vu qu’il s’agit d’une industrie qui n’est pas simple d’accès et qui est très réglementée », rappelle Denis Dubois en citant l’exemple de l’outil Google Compare. Lancé en 2015 sur les marchés britannique et américain, ce comparateur d’assurance auto et d’assurance-voyage a été abandonné quelques mois plus tard. Un échec qui s’explique parce que Google peinait à obtenir la collaboration des grands assureurs, et en raison de la lourdeur liée aux obligations de conformité. Google devant, par exemple, obtenir l’approbation du régulateur de chaque État américain afin de récolter les informations sur chaque conducteur, requis par l’opération de son outil.

« Alexa, quelle est la meilleure assurance ? »

Cette barrière réglementaire ne semble toutefois pas à toute épreuve. Du côté de la Chine, Tencent, l’un des BATX, a développé WeSure, une plateforme de distribution d’assurance. WeSure a obtenu l’agrément des régulateurs locaux et distribue de l’assurance à travers l’application de messagerie WeChat, dont le nombre d’utilisateurs actifs quotidien a dépassé le milliard à la fin de 2018, rapporte ZDNet.

De même selon Reuters, Amazon envisagerait d’introduire des comparateurs d’assurances en Europe, en débutant par le Royaume-Uni, au cours des prochains mois. Il faut dire qu’Amazon n’en est pas à son coup d’essai et l’entreprise de Seattle fondée en 1994 par Jeff Bezos, a déjà conclu des partenariats avec des compagnies d’assurance européenne dans le but de développer différents modèles d’affaires. Ainsi en Allemagne, il est maintenant possible de souscrire une assurance-voyages via l’assistant vocal Alexa d’Amazon, alors qu’en France, une entente avec Aviva France permet de souscrire en ligne une assurance habitation et automobile via son compte Amazon Pay.

Au Canada, Aviva, en collaboration avec ProNavigator, un développeur de solutions numériques dédiées au secteur de l’assurance, a créé dès 2018 une application permettant aux consommateurs de se connecter auprès d’un courtier via Google Assistant, une plate-forme de Google Home. Au même moment, l’assureur a publicisé une option permettant aux consommateurs d’obtenir des réponses aux questions les plus courantes en matière d’assurance par l’entremise d’Alexa et d’Amazon Echo. Ces options n’impliquant aucune souscription de produit d’assurance.

Au Québec, les changements législatifs quant à la vente en ligne de produits d’assurance entreront en vigueur le 13 juin 2019. En matière de vente par Internet, la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières, vise à s’assurer que les Google et Amazon de ce monde n’arrivent pas un jour avec un Uber de l’assurance, « avec lequel on va être pris et qu’on n’arrivera plus à encadré », a expliqué Richard Boivin, sous-ministre adjoint au ministère des Finances jusqu’en décembre 2018, dans un entretien avec Finance et Investissement publié en avril 2019. Celui-ci a été qualifié de « grand timonier de cet exercice » par Carlos Leitao, qui était ministre des Finances au moment de l’adoption du projet de loi.

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