Densifier pour lutter contre les changements climatiques


Édition du 26 Octobre 2022

Densifier pour lutter contre les changements climatiques


Édition du 26 Octobre 2022

Stéphanie Lopez, conseillère en bâtiments et en infrastructures vertes à l’organisme Vivre en ville (Photo: courtoisie)

ARCHITECTURE. Inondations, vagues de chaleur, érosion côtière : les villes du Québec doivent de plus en plus faire face aux conséquences des changements climatiques. La densification fait-elle partie de la solution ?

Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le sud de la province en septembre illustrent bien l’effet des changements climatiques sur les municipalités et leurs infrastructures. 

« On a plusieurs aléas climatiques dus au réchauffement au Québec. Le problème, c’est la vulnérabilité du bâti à ces changements », explique Stéphanie Lopez, conseillère en bâtiments et en infrastructures vertes à l’organisme Vivre en ville. 

En effet, contrairement aux animaux ou aux populations, les immeubles ne peuvent pas migrer vers des contrées plus clémentes.

« Les bâtiments représentent une grande source d’émissions de gaz à effets de serre et de pression sur les ressources naturelles. Ils contribuent au réchauffement de la planète, mais ils y sont aussi exposés », souligne Stéphanie Lopez.

Pour passer l’épreuve du temps, les constructions doivent à la fois être bien construites et être en mesure de s’adapter. Voilà pourquoi les choix architecturaux ont autant de poids. 

« Aujourd’hui, on emploie des matériaux qui ne sont souvent pas locaux et qui ne sont pas adaptés à nos conditions climatiques », se désole la conseillère de Vivre en ville. Celle-ci ajoute que le Québec compte des réglementations qui favorisent les bâtiments très étanches afin de sauvegarder l’énergie. Or, pendant les vagues de chaleur, on doit les climatiser. 

En plus d’une sélection plus réfléchie des matériaux, Stéphanie Lopez prône une certaine sobriété de construction. « Il faut réhabiliter et rénover ce qu’on a déjà. On peut convertir aussi, transformer notamment le surplus de bureaux en logements. » Pour les nouvelles bâtisses, elle miserait sur une architecture modulaire, qui s’adapte aux besoins futurs.

Selon la spécialiste, cette adaptabilité s’applique également aux usages. « Il faut allonger la durée de vie des bâtiments et faire en sorte qu’ils soient pleinement utilisés. Par exemple, on a plein d’immeubles qui sont remplis le jour et vides le soir, comme les bureaux ou les stationnements au centre-ville. Il faut trouver d’autres usages plutôt que de construire, construire, construire. »

 

Ville dense, ville résiliente

Au-delà du bâtiment lui-même, la résilience des villes passe aussi par la densification. « En freinant l’étalement urbain, ça permet de protéger nos milieux naturels, notamment nos milieux humides dont on a besoin. Ça permet aussi de préserver nos terres agricoles », estime Catherine Boisclair, coordonnatrice aux pratiques collaboratives à l’organisme Vivre en ville. 

En planifiant la densification à l’échelle d’un quartier, les municipalités qui font bien les choses vont également repenser l’espace public et ajouter plus de verdissement. Elles en profiteront au passage pour aménager des infrastructures végétalisées, capables de gérer les eaux de pluie.

Cette stratégie ne concerne pas que les secteurs résidentiels. « Les zones anciennement industrielles ou les sites commerciaux avec une prédominance d’asphalte peuvent être repensés, verdis », illustre Catherine Boisclair.

 

Une stratégie globale 

L’urbaniste émérite et professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, Gérard Beaudet, croit que la densification à elle seule ne réussira pas à sauver la planète. 

« La densité n’entraîne pas automatiquement des changements de comportements », rappelle-t-il. « Il y a beaucoup de cellules de densité qui ont été construites dans les 15 dernières années dans la région de Montréal qui ne sont absolument pas associées à un transport en commun de qualité. Les services de proximité y sont inexistants ou presque. Les gens sont donc aussi dépendants de la voiture que s’ils habitaient dans un bungalow », déplore Gérard Beaudet. 

Pour ce dernier, Mirabel est un exemple de ce qu’il faut éviter. « À proximité de l’autoroute, un quartier est en construction avec des immeubles à forte densité. Pourtant, les habitants continueront de se déplacer en auto. C’est contre-productif par rapport aux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. »

N’empêche, Gérard Beaudet est convaincu que la densification fait partie de la solution. Mais celle-ci devra s’inscrire dans une stratégie globale d’aménagement du territoire pour être efficace.

 

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Les principales répercussions économiques et environnementales de la densification 

• La densification des quartiers centraux permet aux villes de se raccorder aux infrastructures existantes et donc de réduire les coûts.

• Elle permet de protéger nos terres arables et ainsi de conserver le circuit court entre l’agriculteur et la table.

• Elle soutient une meilleure desserte en transport collectif.

• Elle réduit considérablement la quantité de matériaux de construction d’un projet. Un multiplex aura par exemple besoin d’un seul toit et d’une seule fondation pour plusieurs logements.

• Elle entraîne une mutualisation des services et encourage l’économie du partage, comme BIXI ou Communauto.

• Elle favorise les déplacements actifs.

 

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