Que vaut la conception d'un bâtiment ?

Offert par Les Affaires


Édition du 27 Octobre 2018

Que vaut la conception d'un bâtiment ?

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Édition du 27 Octobre 2018

La conception d’un bâtiment peut mener à une augmentation de la productivité, une hausse du nombre de demandes d’emplois et une baisse de l’absentéisme. Sur notre photo, la bibliothèque de Drummondville, par Chevalier Morales architectes. [Photo: Chevalier Morales architectes]

L'architecture remonte peut-être à l'Antiquité, mais elle ne redoute pas demain pour autant. Non seulement est-elle aujourd'hui en pleine transformation numérique, mais les architectes affirment aussi qu'elle est plus pertinente que jamais pour créer de la valeur et répondre aux enjeux contemporains. Portrait d'un secteur qui continue de se redéfinir.

Jolie seulement, l'architecture de qualité ? Pas exactement, répondent les architectes, qui attribuent à cette notion non seulement la création d'une valeur culturelle, mais aussi économique et sociale. Pour eux, une conception adéquate peut réduire l'absentéisme au bureau, améliorer l'attrait touristique d'une région, différencier un projet immobilier ou soutenir le développement durable.

Pour qu'un projet architectural ait de la valeur, le rapport qualité-prix doit être avantageux, estime Jacques White, le directeur de l'École d'architecture de l'Université Laval. «Sauf que dans le cadre de nos projets d'architecture, en Amérique du Nord, nous avons une vision à court terme, dit-il. Nous pensons d'abord au prix, rarement à la qualité. Nous demandons combien ça coûte, mais nous réfléchissons rarement à ce que ça vaut.»

Les dimensions environnementale, sociale, culturelle, expérientielle et esthétique d'un projet, par exemple, sont encore, selon lui, trop souvent évacuées des débats. Et les projets en souffrent. Car selon M. White, le succès d'un projet à moyen et à long terme - le succès économique, notamment - est lié à la qualité, donc à la valeur.

Le succès de la Cité du Multimédia, par exemple, est lié au désir de l'architecte et du gestionnaire de projet, Clément Demers, d'opter pour la qualité, un attribut qu'ils croyaient essentiel pour faire d'un projet un bon investissement, raconte M. White. «M. Demers répétait à qui voulait l'entendre qu'au Québec, on est "trop pauvre pour construire cheap."«

Des preuves...

Les architectes ont-ils des preuves pour soutenir l'idée que de payer un peu plus rapporte beaucoup plus ?

M. White admet que les architectes et autres chercheurs n'en sont qu'à l'âge de pierre de leurs capacités à quantifier la valeur ajoutée des projets d'architecture de qualité. «Mais nous avons quelques indices», dit-il. Le directeur explique que différentes études postoccupationnelles qui visent à mesurer la satisfaction des usagers d'immeubles ont ainsi révélé, dans le cas de bâtiments logeant des entreprises, que la conception peut mener, par exemple, à une augmentation de la productivité, une hausse du nombre de demandes d'emploi, une baisse d'absentéisme, une réduction du stress et une augmentation du nombre d'interactions entre les personnes.

L'étude intitulée «Community Wellbeing : A Framework for the Design Professions» publiée en juillet dernier par le Conference Board du Canada recensait un projet de recherche ayant montré que les entreprises qui certifiaient leurs bureaux LEED voyaient leurs employés s'absenter moins souvent et travailler 39 heures de plus par année. La raison ? Une réduction des réactions allergiques et du stress : les bâtiments certifiés LEED ont souvent une meilleure exposition à la lumière du jour et une meilleure qualité de l'air.

Les lieux publics profitent aussi d'une meilleure architecture, affirme M. White. «Les musées et bibliothèques, par exemple, lorsqu'on les rénove et surtout que l'on fait appel aux concours d'architecture pour choisir un projet, connaissent souvent une hausse de fréquentation et une augmentation de la durée des visites.»

La bibliothèque Monique-Corriveau, de Québec, par exemple, est montrée par l'industrie comme étant un succès extraordinaire à cet égard. Un an après avoir été déménagée dans une ancienne église réhabilitée au look moderne et avoir ainsi triplé sa surface, elle a vu son nombre de visiteurs doubler, son nombre d'abonnés augmenter de 30 % et son nombre de prêts de livres augmenter d'autant.

... mais peu au Québec

Marie-Josée Lacroix, la commissaire au design du Bureau du design de la Ville de Montréal, note qu'il manque cruellement de données au Québec pour démontrer la valeur économique de la bonne architecture. «Les Britanniques, eux, ont par contre déjà produit plusieurs études sur ce sujet.»

Dans un article scientifique publié en 2016, l'économiste Gabriel M. Ahlfeldt, du département de géographie et d'environnement de la London School of Economics, a par exemple étudié le lien entre la qualité architecturale et la valeur des propriétés. Sa conclusion : la valeur des propriétés situées à l'intérieur des secteurs bénéficiant d'un statut de protection patrimoniale - ceux où l'architecture est distinctive - est selon ses calculs jusqu'à 18,6 % plus élevée que celle des autres maisons.

Au Canada, le professeur de psychologie Colin Ellard, de l'Université de Waterloo, commence pour sa part à débroussailler la question. Il a récemment démontré que la façade des bâtiments influence positivement ou négativement les humeurs des passants selon que celle-ci est intéressante et complexe ou simple et monotone.

Prises dans leur ensemble, soutient Jacques White, ces études et analyses forment selon lui une preuve convaincante de la valeur d'une architecture de qualité.

«Pour l'instant, au Québec, nous ne sommes pas encore très conscients de l'influence de la bonne architecture sur nos vies, dit-il. Peut-être que c'est justement parce que nous n'avons pas encore la chance de côtoyer quotidiennement, comme en Europe, une abondance de projets architecturaux de qualité.»

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