Une publicité d'Imperial Tobacco sur le vapotage est sous la loupe des autorités

Publié le 05/02/2020 à 06:48

Une publicité d'Imperial Tobacco sur le vapotage est sous la loupe des autorités

Publié le 05/02/2020 à 06:48

Par La Presse Canadienne

Une publicité d'Imperial Tobacco sur le vapotage diffusée par de grands médias sur le web fait l'objet d'une enquête des inspecteurs de Santé Canada et d'une analyse par leurs vis-à-vis québécois afin de déterminer si elle a outrepassé les lois.

La publicité en question, diffusée au cours des deux dernières semaines sur différentes plateformes médiatiques, fait état d'une «épidémie de désinformation» et d'«hypocrisie» entourant le vapotage, une activité dans laquelle s'est lancé Imperial Tobacco qui distribue au Canada les produits de vapotage Vype de sa maison mère, British American Tobacco.

Dans un courriel envoyé à La Presse canadienne, le ministère fédéral de la Santé confirme que «des inspecteurs examinent actuellement l'annonce et le site web associé», une précision importante puisque c'est surtout le site web qui soulève l'intérêt des autorités fédérales.

Comparaisons à répétition

Cliquer sur la publicité mène à un site web intitulé «des faits sans peur» où la page d'accueil et les trois onglets regroupent plusieurs affirmations problématiques. Ainsi, la page d'accueil affirme d'entrée de jeu que «le Canada s'est doté d'une politique de santé publique qui reconnaît le vapotage comme étant moins nocif que la cigarette ordinaire».

Or, l'article 30.43 (2) de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage (fédérale) précise qu'«il est interdit (...) de faire la promotion d'un produit de vapotage (...) en comparant les effets sur la santé liés à l'usage de ce produit ou à ses émissions à ceux liés à l'usage de produits du tabac ou à leurs émissions.»

Cette comparaison entre les effets du vapotage sur la santé et ceux du tabac se retrouve à deux reprises sur la page d'accueil et à au moins sept reprises sur les trois pages où mènent les onglets.

Le directeur des affaires corporatives et réglementaires chez Imperial Tobacco, Éric Gagnon, semble cependant tout à fait confiant de respecter les lois.

«Tout ce que l'on fait, selon notre point de vue, est légal. On ne ferait jamais rien d'illégal. Je peux vous assurer que la publicité, la campagne avant de la publier a été regardée en long et en large. Et nous on considère que la publicité est légale» a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse canadienne.

Publicité modifiée

Pourtant, Imperial a modifié en douce le site au cours de la dernière semaine. Initialement, l'onglet du site web intitulé «Les maladies liées au vapotage» contenait la phrase suivante: «Depuis mai 2018, donc, elle (Imperial Tobacco) a vendu, au Canada, environ 100 000 dispositifs Vype».

Tant la loi fédérale que la loi provinciale interdisent de faire la promotion d'un produit de vapotage, l'article d24 de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme (provinciale) allant jusqu'à interdire «toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, d'un produit du tabac, d'une marque d'un produit du tabac ou d'un fabricant de produits du tabac» dans ce genre de contexte.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec confirme d'ailleurs également que les publicités d'Imperial font l'objet d'une analyse de leur légalité.

Interrogé sur cette utilisation de la marque de commerce, M. Gagnon a répondu que «ce n'est pas une publicité qui fait la promotion des produits Vype. C'est une publicité qui amène des faits reliés au vapotage. Selon notre point de vue, elle est très légale. Si elle n'avait pas été jugée légale, on n'aurait pas publié.»

Dans les heures suivant l'entrevue, la firme de relations publiques représentant Imperial Tobacco a communiqué avec La Presse canadienne pour contester la présence de la marque de commerce Vype, affirmant qu'«il n'y a aucune mention de leur produit sur ce site».

Effectivement, après vérification, force a été de constater que la phrase avait été retirée, mais la firme de relations publiques a dû reconnaître qu'elle y était au départ après qu'on lui eut envoyé une capture d'écran, expliquant que «c'est justement afin d'éviter cette association que certains pourraient faire entre la promotion de leurs produits et cette campagne d'information que cet élément a été enlevé».

Les jeunes et les saveurs

Le site web consacre par ailleurs une page entière à la prévention du vapotage chez les jeunes qui représente en soi une admission que le vapotage n'est pas une pratique sécuritaire pour autant, ce que reconnaît Éric Gagnon.

«Les jeunes ne devraient pas vapoter, comme ils ne devraient pas fumer la cigarette, ne devraient pas toucher à la marijuana, ne devraient pas toucher à l'alcool (...) parce qu'il y a de la nicotine et la nicotine crée une dépendance», mais il s'empresse d'ajouter que c'est tout de même moins nocif que le tabagisme.

Et on peut lire sur le site web l'affirmation suivante: «Pour prévenir le vapotage chez les jeunes, il faut appliquer les restrictions de vente en vigueur ainsi que bannir les arômes qui leur sont attrayants». Lorsqu'on demande au représentant d'Imperial Tobacco s'il est d'accord avec cette affirmation, il répond positivement et précise que les arômes qui attirent les jeunes _ et qui sont interdits au Canada _ sont les arômes de confiserie, aussi appelés arômes de dessert.

Pourtant, en France où aucune restriction de ce genre n'existe, Vype commercialise 38 «saveurs» de liquides de vapotage, dont plusieurs saveurs de fruits et de desserts, telles que crème brûlée, panna cotta, tiramisu ou encore tarte aux pommes, pour ne nommer que celles-là. Lorsque confronté à cette réalité et qu'on lui demande pourquoi les jeunes Français seraient moins vulnérables, M. Gagnon a une longue hésitation avec de répondre: «Je peux vous dire qu'au Canada, il n'y en a pas. Après ça, je n'ai pas une vue sur le marché mondial.»

Et si les saveurs de confiserie étaient autorisées ici, Vype les offrirait-elle? «Ça, c'est de la spéculation», a répondu M. Gagnon.

Désinformation

Le docteur Mathieu Morissette, chercheur à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, souligne que certaines affirmations sur le site web sont elles-mêmes de la désinformation en soi, par exemple lorsque l'entreprise affirme que la vapotage «risque d'être bientôt réglementé au point où il ne sera plus une option viable. Les gens seront contraints de se retourner vers la cigarette ordinaire.»

«Ça, c'est probablement faux, affirme le docteur Morissette. Pour que ce ne soit plus une option viable, il faudrait que ce ne soit plus du tout disponible. Et d'affirmer que les gens seront obligés de se retourner vers la cigarette ordinaire? Pas du tout. Les gens pourraient décider d'arrêter de fumer ou d'utiliser d'autres produits qui existent déjà pour l'arrêt tabagique.»

Le chercheur constate que certaines affirmations du site web ne résistent tout simplement pas à l'analyse scientifique.

«Quand on lit que "les nouvelles règles font fi des preuves solides indiquant que le vapotage est possiblement moins nocif que la cigarette ordinaire", on affirme avoir des preuves solides et en même temps que le vapotage est "possiblement" moins nocif. Quand on a des preuves solides, on dit que le vapotage EST moins nocif. En soi, c'est une phrase qui est complètement contradictoire.»

Mathieu Morissette prend soin de préciser qu'il est «le premier à dire qu'avec les évidences qu'on a présentement, vapoter c'est moins nocif que de fumer. Mais ce n'est pas une bonne comparaison. Parce que ça donne l'impression que vapoter est sans risque, alors que ce n'est pas le cas. Si on compare une claque sur la gueule à un coup de poing, on va finir par croire qu'une claque sur la gueule ça ne fait pas mal, alors que ça fait mal. Ce n'est pas du mensonge comme tel, mais c'est trompeur.»

Le cas des jeunes est flagrant, selon lui.

«Ils disent toujours qu'ils ne veulent pas que les jeunes vapotent. Pourquoi ils disent ça? C'est parce qu'il y a des maladies pulmonaires qui ont été observées chez les jeunes. C'est parce que la nicotine, sur le cerveau des jeunes, peut avoir des conséquences extrêmement délétères, ça peut nuire à l'école et créer une augmentation des symptômes de dépression. Et les effets pulmonaires, eux, commencent à être documentés.»

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