S'il y a un pays du monde arabe que les investisseurs devraient surveiller par les temps qui courent, c'est le Bahreïn. La chute du régime en place pourrait entraîner à son tour la fin des rois d'Arabie saoudite, ce qui catapulterait le prix du pétrole.
C'est ce qu'a livré le spécialiste du Moyen-Orient et professeur de politique à l'Université de Sherbrooke, Sami Aoun, à l'occasion d'un dîner-conférence devant l'Association CFA Montréal, mercredi.
« Si le Bahreïn tombe, l'Arabie saoudite, le plus grand producteur de pétrole de cette région et du monde et l'allié le plus privilégié américain, pourrait éclater », prévient-il.
L'éclatement du régime en Arabie saoudite propulserait le prix du brut à quelque 200 $ US le baril, affirmait en février Guy Phaneuf, vice-président, marchés monétaires, chez BMO Nesbitt Burns. Le brut se négocie actuellement autour de 105 $ US sur le Nymex.
Même si l'attention mondiale est actuellement tournée vers la guerre civile en Libye, le monde devrait porter une attention particulière au Bahreïn. Ce pays « pèse lourd pour l'économie mondiale » étant donné sa localisation. Située à un jet de pierre à la fois de l'Iran et de l'Arabie saoudite, la nation se trouve près de la région pétrolière saoudienne. Le Bahreïn est aussi le théâtre d'une rivalité entre le bloc arabo sunnite et le bloc chiite persan, qui est majoritaire dans cette région pétrolière. « Une majorité chiite a toujours été ambitieuse de partager le pouvoir », mentionne Sami Aoun.
Or, l'Iran a déclaré que le Bahreïn était une province iranienne et non un pays. Et une faction radicale chiite a réclamé que l'état devienne une république.
L'Arabie saoudite s'est empressées de répliquer en envoyant plus de 1000 soldats pour « imposer la stabilité du régime au Bahreïn, ce qui a fait la fureur du régime iranien », note le professeur.
« Le Bahreïn, c'est aussi le point de ravitaillement pour la 5e flotte américaine. Si elle perd ce lien, c'est un gain net des Iraniens. Pour l'instant, c'est stable. Mais il y a des réformes qui s'imposent et elles devraient être prises par la minorité sunnite, sinon les chiites ne se calmeront jamais », dit Sami Aoun.
En Arabie saoudite, la faiblesse de la relève désignée du roi malade de 86 ans menace la stabilité du pays. Cette nation est aussi menacée par le Yémen, où se trouvent tous les ingrédients d'une guerre tribale, selon Sami Aoun.
« Si le Yémen tombe sur la coupe de l'Iran, c'est très menaçant pour les Saoudiens, les Égyptiens et la porte de la Mer Rouge », indique-t-il. Le Yémen, qui héberge l'organisation terroriste Al-Qaida, pourrait voir le groupe terroriste renforcé si l'Iran y trouvait une main mise.
Chose certaine, les insurrections dans le monde arabe, qui ont été alimentées par les valeurs individualistes des jeunes et leur chômage, continueront à maintenir les prix du pétrole sous tension ces prochaines semaines.
Une sortie de crise passe par des réformes tant économiques que politiques dans les pays du monde arabe. « Si on ne remplace pas par une culture démocratique respectueuse du citoyen, de l'individu des libertés, des égalités entre les minorités et les majorités qu'ils soient ethniques, religieux et autres, ça serait désastreux. Les Arabes devraient se préparer à la fin d'une prospérité importée de l'extérieur et axée sur uniquement le pétrole. Il faut aller vers des sociétés plus productives et plus démocratiques », estime Sami Aoun.
