Pourquoi les fonds d'actions américaines au Canada sont aussi minables

Publié le 30/09/2016 à 09:20

Pourquoi les fonds d'actions américaines au Canada sont aussi minables

Publié le 30/09/2016 à 09:20

La gestion active est habituellement un jeu difficile à jouer n'importe où, mais l'Indice S&P 500 a été un ennemi presque imbattable pour les adeptes canadiens de la gestion active qui gèrent les fonds d'actions américaines.

C'est un fait, le S&P 500 (baromètre le plus répandu du marché boursier américain), a partout été un adversaire difficile des gestionnaires de fonds d'actions américaines. Parce que l'indice couvre certaines des sociétés mondiales les plus communément suivies et les plus liquides, comme Apple (AAPL), ExxonMobil (XOM) et General Electric (GE), le prix des actions reflète rapidement les nouvelles informations, ce qui rend difficile pour les investisseurs à gestion active de se procurer un avantage. L'indice peut aussi se prêter à de longues périodes où les rendements sont dominés par un petit nombre d'actions sous-jacentes, comme récemment Amazon.com (AMZN) et Facebook (FB). Lorsque le succès repose sur une poignée d'actions bien choisies, les gestionnaires actifs ont plus de peine à se différencier les uns des autres.

Les gestionnaires actifs d'actions américains qui œuvrent au Canada se sont distingués, mais pas de la bonne manière. Jusqu'en mai 2016, seuls deux des 66 fonds gérés activement (ou 3 %) dans la catégorie Actions américaines qui ont un historique d'au moins 10 ans ont surclassé l'Indice S&P 500 au cours de cette période. Un seul -- le Fonds actions américaines Beutel Goodman -- a produit de meilleurs résultats ajustés selon la volatilité que l'indice après les frais. (Nos calculs excluent les versions multiples d'un même fonds ainsi que les fonds indiciels et ceux qui couvrent leur participation aux devises.) En revanche, 28 % des gestionnaires actifs de fonds à grande capitalisation domiciliés aux États-Unis avec des historiques d'au moins 10 ans ont battu l'indice, ce qui est loin d'être impressionnant mais fait quand même bonne figure comparativement à leurs homologues Canadiens.

Pourquoi les gestionnaires actifs canadiens ont-ils eu des résultats aussi minables en investissant chez nos voisins du sud? Voici quelques explications plausibles.

1. Les fonds d'actions américaines sont trop chers

S'il y a une chose que l'on puisse dire avec la plus absolue certitude, c'est que les rendements d'un fonds s'améliorent quand ses frais baissent. À toutes choses égales, les fonds bon marché surclassent les fonds onéreux. Le ratio des frais de gestion (RFG) moyen dans notre échantillon était de 1,95 % -- un handicap de coût que même Warren Buffett -- sans parler des simples mortels -- pourrait trouver difficile à surmonter. C'est à peu près un point de pourcentage de plus que ce que font payer les fonds d'actions américaines à grande capitalisation aux États-Unis. Les fonds vendus aux États-Unis se sont peut-être mieux comportés non pas parce que leurs gestionnaires sont plus intelligents, mais parce que leurs coûts sont moins élevés.

Nos calculs se fondaient sur la catégorie de parts la moins chère offerte au début de notre période de recherche. Dans bien des cas, des parts moins chères destinées aux investisseurs autonomes et aux conseillers rémunérés sur honoraires n'étaient pas disponibles, et un prix de 1,95 % est plus représentatif de ce que l'on paie aujourd'hui en investissant par le truchement d'un conseiller rémunéré à la commission. Si notre échantillon avait comporté des coûts beaucoup plus bas, le résultat aurait été un peu plus prometteur. Avec un RFG de 0,9 % -- des frais qui atterrissent dans les 20 % des parts les moins chères vendues sur honoraires -- environ 20 % des fonds de la catégorie auraient surclassé le S&P 500. Ce n'est pas particulièrement impressionnant, mais la réalité pourrait ne pas être aussi lamentable qu'il n'y paraît à première vue.

Cela dit, la plupart des fonds de notre échantillon se seraient sous-classés indépendamment de leur prix : les deux tiers ont été à la traîne du S&P 500 avant les frais pendant cette période.

2. Le S&P est un étalon de mesure imparfait

Le S&P 500 est peut-être le point de repère pour les deux tiers des fonds de notre échantillon, mais ce n'est pas toujours la meilleure mesure des performances. La plupart des fonds d'actions américaines détiennent plus d'actions de petites et moyennes sociétés que l'indice; la capitalisation boursière moyenne du S&P 500 est d'environ 90 milliards $ (en dollars canadiens), contre 60 milliards $ pour le fonds activement géré médian du groupe. De plus, les portefeuilles peuvent avoir des styles de placement différents (axés sur la valeur ou la croissance). Mettre en parallèle des fonds fortement orientés vers une capitalisation donnée, vers la valeur ou vers la croissance peut revenir à des comparaisons hors de propos.

Prenons par exemple le Fonds Valeur grande capitalisation États-Unis Investors, qui a été à la traîne du S&P 500 de 0,9 % par an (avant les frais), sur la période de 10 ans. L'indice Russell 1000 Value reflète mieux la stratégie de valeur à grande capitalisation du fonds, et il a surclassé cet indice de 0,4 % par an. Par ailleurs, le Fonds de croissance toutes capitalisations américaines Mackenzie a battu le S&P 500 de 1,2 % par an (avant les frais) au cours de cette période grâce au retour en force des actions de croissance, mais il lui a manqué 0,2 % par année pour atteindre le niveau de l'indice de croissance toutes capitalisations Russell 3000 Growth, plus approprié.

Bien qu'on puisse expliquer par le style pourquoi certaines actions ont été à la traîne du S&P 500, il ne saurait être la cause du sous-classement systémique de la catégorie Actions américaines. L'ajustement selon les facteurs du style et de la capitalisation boursière ne brossent pas un portrait plus élogieux des gestionnaires actifs; sur la période de 10 ans, 70 % des fonds se sont sous-classés par rapport à un indice personnalisé qui reflétait leur adhésion historique à un style particulier.

3. Le client est le problème 

Avec de tels antécédents, on pourrait se demander pourquoi les fonds d'actions américaines à gestion active ont attiré des actifs. Après tout, les mauvais rendements ne sont habituellement pas un argument de vente. Toutefois, beaucoup des plus gros produits de la catégorie n'ont pas eu besoin de rendements remarquables pour capter l'attention des investisseurs, et ce parce que ces fonds subissent un afflux continu d'argent frais en provenance de gros fonds de fonds extrêmement populaires promus par leur maison mère. Par exemple, environ 75 % des actifs du plus gros fonds d'actions américaines offert au Canada, le Fonds d'actions américaines multistyle toutes capitalisations PH&N (4,1 milliards $ d'actifs sous gestion) sont détenus par les fonds de fonds sélect RBC. Les fonds de fonds maison représentent 80 % du Fonds Valeurs sûres américaines TD (1,6 milliard $) et 68 % du Fonds américain de croissance des dividendes Franklin (925 millions $).

Cela ne veut pas dire que ces fonds soient voués au sous-classement. En fait, le Fonds Valeurs sûres américaines TD fait partie des fonds les plus performants à long terme de la catégorie, bien que le choix de la grande société américaine de gestion d'actifs T. Rowe Price fasse en sorte qu'il ne s'agit pas ici d'un exemple de réussite canadienne. De plus, ces fonds un tout de même un client à satisfaire, même si c'est leur propre maison mère. Ce n'est pas dans l'intérêt de la maison mère de laisser les problèmes de rendement dégénérer s'ils finissent par influer sur les rendements de ses fonds de fonds.

Même ainsi, l'impact de rendements ternes produits par les avoirs sous-jacents d'un fonds de fonds n'est rien à comparer à ceux de moteurs plus importants du rendement comme la répartition d'actifs. La décision de détenir des actions américaines est probablement une décision qui porte plus à conséquence que le choix du véhicule de placement. À moins que le rendement ne soit particulièrement épouvantable, un fonds d'actions américaines peu emballant peut toujours jouer son rôle dans l'ensemble d'un portefeuille.

4. Les gestionnaires n'ont pas suffisamment de ressources

Les gestionnaires canadiens ne sont pas les seuls à se disputer une tranche du marché boursier américain. Ils rivalisent sur la scène mondiale, et souvent leurs rivaux ont plus de ressources qu'eux. Des sociétés de gestion d'actifs géantes comme Fidelity et T. Rowe Price bénéficient d'une armée d'analystes spécialisés par secteur et par catégorie d'actifs, et il y en a des flopées qui ne s'occupent que des actions américaines. L'industrie canadienne des fonds communs, qui est beaucoup plus petite, ne peut pas se permettre facilement de grosses équipes, surtout dans une catégorie d'actifs qui comprend une portion relativement faible d'actifs de l'industrie. (Sur les quelque 1,2 billion $ que représente l'industrie canadienne des fonds communs, 76 milliards $ sont occupés par les fonds d'actions américaines.) Ces équipes ne vont pas fournir une couverture aussi extensive que les équipes plus nombreuses, ou si elles le font, cela interviendra au détriment d'une recherche approfondie.

Les ressources à elles seules n'assurent pas le succès, bien sûr. Les gestionnaires actifs canadiens ont relativement mieux réussi dans les placements mondiaux (un univers qui inclut les actions américaines), où un ensemble plus étoffé d'occasions met vraisemblablement davantage de ressources à contribution. Il est possible qu'un univers de placement plus vaste donne aux gestionnaires canadiens une meilleure occasion d'identifier les aubaines que le marché américain extrêmement liquide et très surveillé. Les gestionnaires canadiens d'actions mondiales privilégient aussi les approches qui demandent une recherche moins extensive. Des gestionnaires qui investissent dans des centaines d'actions dans le monde entier ont besoin d'une armée d'analystes, ce qui est moins nécessaire si la stratégie consiste à détenir un ensemble plus petit des meilleures idées.

5. On abandonne et on se contente de l'indexation?

Dans la plupart des catégories d'actifs, l'investissement passif va vraisemblablement produire des résultats au-dessus de la moyenne, même si ce n'est qu'en raison de frais plus faibles. Cet état de chose se vérifie particulièrement avec les actions américaines, marché relativement efficient où les gestionnaires canadiens actifs semblent n'avoir aucun avantage compétitif notable. Et c'est un domaine où les frais élevés des fonds du pays rendent la compétition très difficile avec des alternatives passives à faible coût comme les FNB Vanguard S&P 500 Index (VFV) et iShares Core S&P 500 Index (XUS), qui prélèvent des RFG respectifs de 0,08 % et 0,10 %. À en juger par les probabilités historiques très incertaines d'un surclassement des actions américaines, la quasi-certitude de rendements proches de l'indice apparaît plus rassurante.

Si la gestion active est à ce point un jeu de dupes, il peut paraître bizarre que Morningstar accorde des Cotes d'analyste positives à quatre fonds de cette catégorie : le Fonds d'actions américaines Mawer, le Fonds d'actions américaines Beutel Goodman, le Fonds multistratégique américain Éthique NEI et le Fonds de valeur américain O'Shaughnessy RBC. Des cotes positives indiquent que les analystes de Morningstar estiment qu'un fonds va probablement se surclasser à long terme. Les cotes (Or, Argent ou Bronze) reflètent le degré de certitude qu'un fonds va surclasser son groupe de pairs ou son indice boursier. Le fait que nous ayons attribué aux quatre stratégies américaines une cote Bronze indique qu'il est difficile même pour des gestionnaires actifs compétents de surpasser à long terme les alternatives passivement gérées. Toutefois, avec un gestionnaire talentueux et un processus discipliné, et si les coûts sont faibles à modérés, nous pensons que ces fonds vont probablement surclasser à long terme la plupart de leurs pairs. L'indexation est sans doute un parti plus sûr, mais tous les fonds gérés activement ne sont pas invariablement des canards boiteux.

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