Finance verte: les progrès récents sont «exceptionnels», dit Frédéric Samama d’Amundi

Publié le 06/04/2018 à 14:50

Finance verte: les progrès récents sont «exceptionnels», dit Frédéric Samama d’Amundi

Publié le 06/04/2018 à 14:50

Par Stéphane Rolland

Photo 123rf

On ne peut pas dire que la menace climatique met en péril l’avenir de l’humanité et dire en même temps que cela n’aura aucun impact sur les placements, insiste Frédéric Samama, co-responsable de la clientèle Institutionnelle, chez Amundi. Nous avons rencontré l’expert de la finance verte, qui a conseillé de nombreux clients institutionnels et gouvernements, lors d’un passage à Montréal. Voici un compte rendu édité de notre entretien.

Chez ceux qui prônent l’investissement responsable, il y a deux écoles de pensée à l’égard des pétrolières. Certains vont éviter carrément le secteur, d’autres préféreront favoriser les entreprises avec les meilleures pratiques au sein de l’industrie. À quelle enseigne logez-vous?

C’est normal d’avoir ce débat. Comme l’industrie pétrolière a un grand poids au Canada, ce n’est pas sujet banal. Nous, on croit beaucoup au fait que les sociétés puissent s’adapter. Face à un même problème, des entreprises peuvent adopter des solutions différentes. Prenez l’exemple de l’automobile, une industrie centenaire. D’un côté, vous avez Tesla qui parie tout sur la voiture électrique. À mi-chemin, vous avez Toyota et Renault. À l’autre extrême, on a tous eu vent du scandale qui a ébranlé Volkswagen [le constructeur automobile a développé des techniques frauduleuses afin de fausser les résultats de tests d’émissions polluantes]. Ce large spectre est visible dans presque toutes les industries. On voit la même chose pour les pétrolières. Certaines investissent dans les batteries, d’autres dans le solaire. Il y a un proverbe chinois que je cite souvent : «Quand le vent du changement se lève, les uns construisent des murs, les autres des moulins à vent».

De vos commentaires, j’en déduis que vous préférez choisir les meilleurs joueurs d’un secteur plutôt que d’exclure une industrie.

Bien sûr, si c’est économiquement viable. Il y a un tournant. Il faut voir si la société prend le tournant ou pas.

Il y a lieu de se demander si certaines mesures environnementales annoncées par les entreprises ne sont pas plus une opération marketing qu’une intervention bénéfique. Comment évitez-vous les entreprises qui font de l’écoblanchiment?

Il faut regarder le réel, ce que la compagnie fait vraiment, poser les bonnes questions. Il y a cependant une autre chose à considérer lorsqu’on parle d’écoblanchiment. Parfois, certains investisseurs institutionnels sont accusés de faire de l’écoblanchiment, car ils ne sont pas assez verts. Il ne faut pas oublier que la responsabilité des fiduciaires est de faire des rendements. Leur mission est de réduire les risques liés au climat, mais ça ne peut pas aller au-delà. Il peut y avoir un glissement lorsqu’on accuse de ne pas en faire assez.

Vous dîtes donc que le secteur privé ne peut agir seul. La solution doit-elle venir également des gouvernements?

Absolument, la chose qui serait la plus formidable serait d’avoir un prix du carbone qui serait significatif. Ça permettrait de diriger le capital vers des boîtes qui sont plus vertes.

Allons-nous suffisamment vite pour lutter contre les changements climatiques?

C’est le verre à moitié vide ou à moitié plein. On parle du climat depuis les années 1970, c’est un vieil enjeu. Pourtant, il y a cinq ans, on était persuadé qu’on ne parviendrait jamais à une entente sur le climat. Nous avons eu les accords de Paris. On croyait que les Chinois bloqueraient tout. Ils en font plutôt une priorité nationale. On pensait que les Indiens bloqueraient tout, ça a changé. Oui, il y a des gens qui trouvent que les choses ne vont pas assez vite, mais, sur une très courte période de temps, les choses ont avancé d’une manière assez exceptionnelle.

Frédéric Samama, co-responsable de la clientèle Institutionnelle, chez Amundi. Photo: courtoisie.

Vous parlez des récents progrès. Quelles avancées entrevoyez-vous dans les cinq prochaines années du côté de l’investissement socialement responsable (ISR)?

Ça va se voir du côté des particuliers. On a déjà les investisseurs institutionnels, les gouvernements et les banques centrales, mais assez peu d’individus qui, dans leurs épargnes personnelles, deviennent verts. Je pense que ça s’en vient pour une raison générationnelle. Ceux qui ont des actifs ne s’intéressent pas beaucoup au climat. Ceux qui s’y intéressent n’ont pas encore d’importants actifs. Il faut juste laisser le temps aux milléniaux d’accumuler un actif.

Il y a une forte demande pour les titres d’endettement. On le voit avec l’écart relativement petit entre les obligations plus sûres et les obligations plus risquées. Un resserrement de conditions de crédit représenterait-il un frein aux émissions des obligations vertes?

Oui, parce que ce sont des obligations comme les autres. Ça peut se produire, mais en ce moment la demande pour des obligations vertes est plus forte que l’offre. Même si l’appétit pour le crédit diminue, l’offre risque de rester insuffisante pour la demande.

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