Manuvie et Industrielle Alliance viennent-elles d'échapper à l'abysse?


Édition du 10 Novembre 2018

Manuvie et Industrielle Alliance viennent-elles d'échapper à l'abysse?


Édition du 10 Novembre 2018

Les sociétés Manuvie (MFC, 20,75 $) et Industrielle Alliance (IAG, 47 $) viennent-elles d'échapper à l'abysse ? Les titres étaient particulièrement sous pression depuis le début octobre et ce n'était pas qu'en raison d'une faiblesse généralisée de marché.

Le gouvernement de la Saskatchewan vient probablement d'aplanir définitivement les craintes, mais un petit doute financier semble demeurer dans le marché, du moins pour Manuvie.

La glissade dernièrement observée semble en bonne partie provenir de la publication d'un rapport de la firme activiste Muddy Waters exposant sa thèse pour une vente à découvert du titre de Manuvie. Les médias ont surtout focalisé sur cette entreprise, mais l'enjeu touche aussi Industrielle Alliance et une branche de BMO.

Essentiellement, tout gravite autour d'une police d'assurance universelle qui remonte à près de 20 ans. À la fin des années 1990, alors que les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui, deux entreprises, Aetna Life Insurance et National Life Assurance, ont émis des polices permettant aux détenteurs d'investir dans un compte jumelé à cette police. Ces comptes garantissaient des taux de rendement pouvant atteindre tantôt 4 %, tantôt 5 %. Les deux sociétés ont depuis été acquises par Manuvie et l'Industrielle.

Les fonds Ituna Investment LP et Mosten Investment LP, en Saskatchewan, poursuivent Manuvie et l'Industrielle en demandant de pouvoir investir dans les comptes jumelés des sommes illimitées et d'obtenir le rendement garanti. Ils ont acquis les polices d'assurés et y sont subrogés.

Muddy Waters cite un témoin expert des fonds poursuivants qui affirme que si les demandeurs ont raison, Manuvie pourrait faire face à des milliards de dollars de pertes, ce qui pourrait la placer en situation d'insolvabilité.

La crainte est évidemment que les assureurs ne soient pas en mesure d'honorer les taux d'intérêt promis en raison de rendements plus faibles qu'ils obtiendraient sur les marchés avec l'argent reçu en dépôt.

Qui a raison en droit ?

C'est une grande question qu'une cour supérieure de première instance de Saskatchewan devrait trancher vers la fin 2018 ou dans les premiers mois de 2019. L'affaire a été entendue et est en délibérée.

Les compagnies d'assurance font valoir que ces comptes étaient en fait des comptes parallèles (side account) qui n'avaient pour but que d'équilibrer le compte principal de l'assurance universelle. L'argent détenu dans un compte d'assurance universelle est exempt d'impôt jusqu'à un certain plafond de valeur qui est évalué chaque année. Si, après un test, le plafond est défoncé, l'argent excédentaire est alors transféré dans le compte parallèle, sans exemption fiscale, mais au taux d'intérêt garanti. Le compte parallèle pouvait aussi servir à prépayer des primes futures.

Les assureurs soutiennent également que la loi interdit aux sociétés d'assurance-vie de passer des contrats de dépôts. Permettre une utilisation à des fins d'épargne est, à leurs yeux, aller à l'encontre de la loi.

Le gouvernement de la Saskatchewan vient de leur donner un sérieux coup de pouce en déposant une nouvelle réglementation qui vient limiter les montants qui peuvent être détenus dans un compte parallèle pour les polices universelles. Le tout est rétroactif.

L'amendement devrait normalement clore l'affaire. On ne peut cependant jamais écarter la possibilité d'une nouvelle prétention juridique.

Quel scénario est escompté ?

D'où l'intérêt de tenter de voir dans les chiffres si le marché continue de craindre une menace.

Paul Holden, de Marchés mondiaux CIBC, est probablement celui qui a la réflexion la plus poussée sur le volet financier.

Le repère le plus pertinent pour évaluer le risque maximal auquel sont exposées les deux sociétés d'assurance se trouve à ses yeux dans les ratios réglementaires de capital.

Si jamais les demandeurs réussissaient contre toute attente à se faufiler dans une faille législative, il est vrai que des pertes importantes pourraient survenir. Mais les poursuivants n'ont pas intérêt à ce que ces pertes placent les deux sociétés au-delà de leurs ratios de solvabilité. Si tel était le cas, ils se placeraient eux-mêmes en situation difficile puisque les assureurs ne seraient plus en mesure d'honorer les intérêts sur leurs dépôts.

La loi exige notamment des sociétés d'assurance-vie qu'elles se conforment au TSAV, c'est-à-dire le Test de suffisance du capital des sociétés d'assurance-vie. La formule de calcul est la suivante : le capital accessible + provision d'excédents + dépôts admissibles/coussin de solvabilité de base.

Nul besoin de saisir toute la mécanique, seulement de retenir que le ratio doit minimalement se situer à 70 %.

L'analyste calcule que l'atteinte de ce ratio devrait normalement avoir un impact négatif de 1 G$ à 1,5 G$ sur la capitalisation boursière de Manuvie. Or, depuis la sortie publique de l'affaire, l'impact des appréhensions sur la capitalisation semble plutôt avoir été autour de 3 G$ (en tenant compte de la variation des pairs). C'est dire que le marché semble trop pénaliser le titre de Manuvie. Par 3,5 % sur une condamnation et par plus de 7 % si la poursuite est rejetée.

Pour Industrielle Alliance, l'atteinte du ratio devrait faire perdre autour de 600 M$ de valeur à la capitalisation. Or, le marché ne semble lui avoir retranché à ce jour que 300 M$ (par rapport aux variations des pairs encore une fois). C'est ici dire que le marché donne beaucoup moins de poids à la menace dans son évaluation.

Conclusion ?

Plusieurs éléments indépendants de cette poursuite peuvent continuer d'influer sur la valeur des titres de Manuvie et de Industrielle Alliance dans les prochains mois. Pour Manuvie, la correction excessive fondée sur cette crainte particulière pourrait cependant avoir ouvert une intéressante fenêtre d'entrée. Elle semble à tout le moins procurer un coussin de sécurité (autour de 7 %) sur un revers inattendu dans ses autres activités.

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