Gestion de portefeuille ESG : il n'y a pas de mal à faire du bien


Édition du 28 Juillet 2018

Gestion de portefeuille ESG : il n'y a pas de mal à faire du bien


Édition du 28 Juillet 2018

Par Raymond Kerzérho

[Photo: 123RF]

Face à une demande croissante de nos clients, PWL a décidé de procéder à une étude approfondie de l'approche de gestion de portefeuille axée sur des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ayant joint mes forces aux talents de chercheur de mon collègue Marc Brodeur Béliveau et aux commentaires judicieux du gestionnaire de portefeuille Peter Guay, nous sommes parvenus à apprendre pas mal de choses à ce sujet, qui feront le propos d'un rapport de recherche prochainement publié. En voici quelques faits saillants.

La gestion ESG est une application spécifique de l'investissement socialement responsable (« ISR »). L'ISR englobe n'importe quel placement dont les critères de décision visent à améliorer la société. Ces critères se superposent à la recherche du rendement financier. Le défi de l'ISR est qu'il peut se définir d'une multitude de façons en fonction de chaque individu. À la limite, les valeurs de deux individus peuvent se trouver complètement à l'opposé les unes des autres. Dans ce cas, les effets des placements de ces deux personnes auront tendance à s'annuler. Vous voyez le portrait.

La gestion ESG propose de résoudre ce problème à l'aide d'un groupe d'objectifs standardisés, qui offrent un certain consensus. Le portefeuille ESG visera à accomplir des objectifs mesurables ; par exemple, réduire la production de CO2 des entreprises en portefeuilles ou encore ne pas investir dans les sociétés associées de près ou de loin à l'exploitation des enfants.

Trois approches

La gestion ESG est un compromis : les investisseurs ESG renoncent à un peu de leur individualité afin de pouvoir regrouper leurs épargnes dans la poursuite d'objectifs sociaux communs. Le premier exemple qui me vient à l'esprit est le Mouvement Desjardins, fondé, il y a plus de cent ans, pour permettre aux petits épargnants québécois d'accéder au crédit abordable. Mais même à l'intérieur de la gestion ESG, il existe des approches reflétant différents degrés d'intensité. C'est un peu comme la bière : il y a la légère, la régulière et celle fortement alcoolisée.

La version « légère » en ESG, c'est la gestion dite « passive ». C'est-à-dire investir avec une firme de gestion qui exerce véritablement ses droits de vote à l'assemblée des actionnaires, à tout le moins pour favoriser la bonne gouvernance des sociétés. L'intervention ESG s'arrête là. À l'autre extrémité du spectre, il y a la gestion ESG « active », qui propose des mesures plus draconiennes telles que l'investissement d'impact. Il s'agit d'investir directement dans des projets qui ont un impact positif sur l'environnement ou encore d'exclure purement et simplement des actions de sociétés jugées inappropriées.

La voie du milieu, celle que je préfère, est l'approche d'intégration. Elle s'appuie sur les travaux de firmes de recherche telles que MSCI ou Sustainalytics, qui analysent et accordent une cote ESG aux différents titres boursiers de façon systématique. Ces cotes ESG servent à surpondérer ou à sous-pondérer les entreprises selon leur performance en matière environnementale, sociale et de gouvernance. Cette cote tiendra compte du secteur d'activité de chaque société, de sa performance relative par rapport à ses pairs, et des progrès qu'elle a réalisés récemment. Par exemple, une société qui oeuvre dans le domaine des énergies fossiles sera probablement moins sous-pondérée si elle fait des efforts remarquables pour réduire ses émissions.

Résultats de placement

Notre rapport discute des résultats de la recherche à propos du rendement des stratégies ESG. Cette recherche a commencé il y a de nombreuses années alors que certains économistes ont voulu tester, au contraire, s'il y avait des profits à faire en investissant dans les titres des sociétés qui opèrent dans des secteurs controversés tels que la cigarette, l'alcool et l'armement. Bien que les résultats préliminaires de ces recherches se soient avérés remarquables (investir dans les « méchantes » entreprises serait payant), ces résultats ont été par la suite contredits par de nombreux chercheurs.

Au final, il semble qu'un portefeuille ESG bien diversifié et appuyé sur l'approche d'intégration soit susceptible de produire un rendement similaire à celui du marché. D'ailleurs, notre rapport proposera un portefeuille de FNB d'actions diversifiées à l'échelle mondiale dont les rendements diffèrent assez peu de ceux de leur indice de marché total (indice neutre sans méthodologie ESG) correspondant.

Impact sur la société

Maintenant, allons-y pour la question qui tue. Certains de nos clients nous demandent si la gestion ESG produit des impacts mesurables sur le bien-être de la société. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que non, nous n'avons trouvé aucune recherche démontrant que la gestion ESG était en train de changer le monde de façon mesurable. La firme Dimensional Fund Advisors estime, selon sa documentation, que son fonds « durable » (offert depuis 10 ans, seulement aux États-Unis) comporte une empreinte de carbone inférieure de 65 % à un portefeuille qui reproduit l'indice mondial de marché. Mais cela ne prouve pas que la gestion ESG convainc les entreprises d'adopter des comportements plus responsables.

À mon avis, il faut accepter que la gestion ESG est un acte de foi. Pour améliorer la société, il faut commencer quelque part. Nous sommes une bande de suiveux, alors peut-être qu'une adoption répandue de la gestion ESG aidera à combattre l'effet de serre, le racisme, le sexisme et autres maux qui affectent notre monde. Dernière note d'espoir : si vous envisagez de vous convertir à la gestion ESG, vous n'êtes pas seul. Les grands investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt et le Régime de pensions du Canada ont engagé des équipes de gestion de portefeuille ESG.

(1) Brodeur-Béliveau, M., Kerzérho, R., « Un guide de la gestion ESG - Bien faire en faisant le bien », PWL Capital, à paraître.

EXPERT INVITÉ
Raymond ­Kerzérho
CFA, MBA, est le directeur de la recherche de PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill.

À la une

Explosions en Iran: un ministre israélien critiqué pour avoir incriminé Israël

Il y a 39 minutes | AFP

Ni l'armée ni le gouvernement n'avait commenté à la mi-journée les explosions rapportées en Iran et attribuées à Israël.

Bourse: Wall Street clôture en ordre dispersé

Mis à jour le 18/04/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a clôturé en légère hausse.

Bourse: les gagnants et les perdants du 18 avril

Mis à jour le 18/04/2024 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.