Bourse: les prévisions de quatre experts pour 2010

Publié le 03/12/2009 à 14:02

Bourse: les prévisions de quatre experts pour 2010

Publié le 03/12/2009 à 14:02

Photomontage : Benjamin Nantel

Que nous réserve 2010? Carlos Leitao, Vincent Delisle, Stéfane Marion et François Dupuis vous livrent leurs prévisions au lendemain d'une crise qui fait place à une lente reprise.

L'écran de fumée se dissipe peu à peu sur l'économie mondiale. Il paraît de plus en plus clair que nous avons évité le pire et que l'économie mondiale prend du mieux, bien que sa relance repose sur des bases fragiles, comme en témoignent les récents événements de Dubaï.

Pour autant, le jeu qui consiste à prédire ce qui va se passer en 2010 n'en est pas forcément simplifié. En effet, la façon dont l'embellie économique se traduira en Bourse et dans le marché de l'emploi fait encore l'objet d'intenses débats. Quatre experts réunis lors d'une table ronde organisée par Les Affaires vous livrent leurs prévisions pour la prochaine année.

VIDÉO : Entrevue avec François Dupuis:


MARCHÉ DU TRAVAIL > Une reprise sans emploi

Carlos Leitao, économiste en chef et stratège chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, est le plus pessimiste de nos quatre experts à l'égard de l'économie. Il reconnaît que la situation s'est améliorée depuis un an, mais selon lui, ceux qui attendent des progrès dans des indicateurs reculés comme l'emploi pourraient être déçus.

" L'année 2010 pourrait être dominée par des manchettes parlant d'une reprise sans emplois ", avance-t-il. Cela tient au fait que la récession a durement touché les secteurs de la finance et de la construction, et que les pertes d'emplois y sont définitives. Ces facteurs freineront la reprise, dit M. Leitao.

François Dupuis, vice-président et économiste en chef du Mouvement Desjardins, partage ce point de vue et met l'accent sur les conséquences particulièrement néfastes d'une crise dans le secteur financier. " Les banques sont devenues plus frileuses et prêtent moins aux entreprises créatrices d'emplois, surtout aux États-Unis ", note-t-il. Pour cette raison, Desjardins table sur une reprise " lente et assez terne ", pendant laquelle le taux de chômage aux États-Unis pourrait se maintenir au-dessus de 10 % pendant la majeure partie de la prochaine année.

La situation est quelque peu différente au Canada, où le boom des ressources devrait maintenir le chômage à un niveau moindre. Il faut toutefois prévoir des difficultés en Ontario, qui a été durement touchée par le repli du secteur manufacturier, prévoit M. Leitao.

VIDÉO : Entrevue avec Carlos Leitao:

 


BOURSE > L'essentiel du rebond a déjà eu lieu

Selon les experts, le rebond boursier observé depuis mars repose sur des bases solides et les gains réalisés ne devraient pas s'effacer en 2010. Ils n'épousent donc pas les vues des observateurs pessimistes (bear) comme Eric Sprott, David Rosenberg et Paul Dontigny, qui jugent que les gouvernements ne font que retarder l'inévitable en injectant massivement des liquidités dans l'économie.

Loin d'agir de manière irrationnelle, les marchés boursiers ont appliqué la doctrine économique traditionnelle et se sont comportés comme un indicateur avancé de la situation économique réelle. " C'est dans l'ordre des choses que le marché boursier anticipe sur l'économie réelle ", explique Vincent Delisle, stratège en chef chez Scotia Capitaux.

Vous aviez donc été bien avisé de placer vos billes sur les marchés boursiers au début de 2009, et vous pourriez en avoir la confirmation dans la prochaine année, alors qu'on devrait enfin assister à des progrès tangibles de l'économie réelle. Une hausse de la production manufacturière et du bénéfice net des entreprises est à prévoir, selon M. Delisle.

La mauvaise nouvelle est que si vous avez évité la Bourse depuis le début de 2009, les gains risquent d'être beaucoup plus faibles en 2010. M. Delisle évalue à 80 % la part des gains déjà réalisés en Bourse dans l'amorce de la reprise économique. Il prévoit que les indices progresseront de seulement 10 à 20 % au cours de la prochaine année. " Cela pourrait créer de la frustration chez certains investisseurs qui avaient quitté la Bourse et qui verront maintenant l'économie s'améliorer sans voir leur portefeuille s'apprécier autant ", souligne le stratège de Scotia Capitaux.

La hause des taux, un moment clé

Cela dit, la Bourse recèle encore un certain potentiel haussier. Gardez-vous cependant d'y rester trop longtemps. Le moment pivot sera celui où la Réserve fédérale haussera son taux directeur, envoyant le signal que la reprise est en marche et que l'assainissement des finances publiques est devenu prioritaire.

" En 2010, les craintes de déflation céderont le pas aux craintes d'inflation ", prédit M. Delisle, en faisant référence aux milliards de dollars injectés par les banques centrales pour sortir l'économie du gouffre.

Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale, est du même avis. " Il faudra surveiller à quel rythme et comment s'effectuera le désancrage des gouvernements dans l'économie. " Il prévoit que la banque centrale américaine sera contrainte de commencer à relever son taux au cours de la première moitié de 2010.

De son côté, Carlos Leitao, de la Banque Laurentienne, perçoit que des menaces importantes planeront sur la reprise économique et pourraient freiner les Bourses. " Il était très difficile de savoir où l'économie s'en allait au début de 2009; cela devient encore plus difficile pour 2010 ", juge-t-il.

Selon lui, les deux surprises de 2009, soit la croissance vigoureuse de l'économie chinoise et la remise à flot rapide du secteur financier, pourraient s'avérer moins solides que prévu. Cela pourrait faire baisser l'indice torontois S&P/TSX légèrement sous son niveau actuel d'ici la fin de 2010.

VIDÉO : Entrevue avec Vincent Delisle:


PLACEMENT > Le Canada ou les États-Unis ?

Où investir ? Vincent Delisle, de Scotia Capitaux, adopte une position boursière franchement pro-canadienne, tandis que Stéfane Marion, de la Banque Nationale, croit plutôt que le moment est venu de réduire sa part d'actifs canadiens et de recommencer à investir sur le marché américain.

M. Delisle fonde son argumentation sur la nouvelle dynamique de l'économie mondiale, qui est maintenant stimulée par une Asie gourmande en matières premières, dont le Canada est un fournisseur de choix.

Les ressources, fait-il remarquer, sont restées à des prix élevés même au creux de la vague. " Le prix du baril de pétrole s'est maintenu à 30 $ US pendant quelques semaines seulement l'hiver dernier ", souligne-t-il. Le baril de pétrole s'échange aujourd'hui à plus de 70 $ US. En outre, le secteur financier canadien, l'autre pilier de l'indice S&P/TSX, s'est démarqué par sa stabilité pendant la crise.

" La perception des investisseurs internationaux à l'égard du Canada a changé ", souligne M. Delisle. Sa clientèle est composée quasiment à parts égales d'investisseurs canadiens et étrangers, alors que ces derniers ne comptaient que pour 5 % de sa clientèle il y a quelques années. M. Delisle dit qu'il parle à de riches Mexicains désireux de profiter d'un indice qui s'apparente à celui de la Bourse brésilienne. " Cela doit être pris en compte quand on investit ", mentionne-t-il.

Les États-Unis surprendront

M. Marion, à l'inverse, recommande de retourner sur le marché américain en raison de ses bons indicateurs fondamentaux à moyen et long terme. Il ne croit pas au scénario d'une décennie de stagnation chez nos voisins du Sud. Il admet que la croissance sera plus lente aux États-Unis au cours des prochaines années, mais ce n'est pas forcément un signe de déclin.

Les Américains vont s'adapter à la nouvelle donne en travaillant plus longtemps, ce qui dopera l'activité économique. Qui plus est, les États-Unis ont une des démographies les plus dynamiques parmi les pays membres de l'OCDE et les marges bénéficiaires des entreprises y sont à un sommet de 40 ans. Ces éléments serviront de base à une amélioration de l'économie et à des gains boursiers, dit M. Marion.

Par ailleurs, l'idée qu'on peut réduire le risque en diversifiant ses placements sur différents marchés géographiques en a pris pour son rhume au cours de la dernière crise, puisque les économies ont évolué dans la même direction, souligne M. Delisle.

" Il vaut mieux utiliser la diversification géographique pour investir dans des secteurs peu représentés à la Bourse canadienne, comme la grande consommation et la technologie ", dit M. Delisle.

VIDÉO : Entrevue avec Stéfane Marion:


DEVISES > Le retour à la parité n'est pas acquis

Les avis sont également partagés quant à l'évolution du dollar canadien et de la devise américaine.

François Dupuis, du Mouvement Desjardins, croit que le huard atteindra la parité et vaudra peut-être même plus que le dollar américain d'ici la fin de 2010, tandis que Stéfane Marion, plus optimiste à l'égard de l'économie américaine, pense que le billet vert pourrait surprendre. M. Marion fait valoir qu'aux États-Unis, les liquidités disponibles représentent 31 % du PIB, et que dès que les investisseurs reprendront confiance dans l'économie, le billet vert retrouvera de la vigueur.

" Il est dangereux de penser que le dollar canadien va toujours s'apprécier ", prévient-il. Selon ses prévisions, le dollar canadien se négociera à 0,92 $ US à la fin de 2010.

François Dupuis est plutôt d'avis que le huard atteindra la parité d'ici le milieu de 2010, parce que l'économie canadienne est stimulée par la demande de ressources naturelles et que l'économie américaine sera aux prises avec l'important endettement de son gouvernement et des ménages, lesquels devront réduire leurs dépenses. " À moyen terme, nous assisterons à une dépréciation ordonnée du dollar américain par rapport aux autres devises ", prédit M. Dupuis.

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