Attentats du 11 septembre: comment la vie des entreprises a continué

Publié le 11/09/2021 à 09:00

Attentats du 11 septembre: comment la vie des entreprises a continué

Publié le 11/09/2021 à 09:00

Un bureau rempli de poussière et de débris, dont la vue donne sur les ruines du World Trade Center, le 25 septembre 2001, à New York. (Photo : Getty Images)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. Cette journée a frappé l’imaginaire des chefs d’entreprise qui ont vécu de près ou de loin les attentats du 11 septembre 2001. Le monde des affaires devait changer; on parlait même du début d’une ère nouvelle dans la gestion des opérations. Or, 20 ans plus tard, force est de constater que la vie des organisations a continué sans grand bouleversement majeur.

Comme plusieurs journalistes, j’ai vécu cet événement tragique en direct, et j’ai écrit des reportages la journée même, mais aussi dans les semaines et les mois qui ont suivi. L’ambiance était surréaliste, sans parler d’un parfum d’inquiétude, voire de peur, qui planait dans l’air.

Comme à l’occasion de chaque crise majeure, des spécialistes faisaient des prévisions sur l’après 11 septembre 2001, et ce, des relations internationales au «choc des civilisations» en passant par l’environnement d’affaires des entreprises.

À l’époque, j’ai d’ailleurs cosigné un reportage pour lequel nous avions interviewé des représentants d’entreprises, d’investisseurs institutionnels, sans parler d’universitaires spécialisés dans les chaînes logistiques.

Trois tendances pointaient alors à l’horizon:

  • Moins de voyages, plus de télécommunications
  • Du juste-à-temps au «juste-au-cas où»
  • Protéger l’information stratégique

 

En fait, une seule de ces trois prévisions s’est matérialisée, et c’est la protection de l’information stratégique.

Mais commençons par les deux premières, qui font sourire 20 ans plus tard.

 

Moins de voyages, plus de télécommunications

Certes, dans les jours et les semaines qui ont suivi les attentats à New York et à Washington, plusieurs entreprises ont diminué les voyages d’affaires, et on peut le comprendre aisément.

Les mesures de sécurité se multipliaient dans les aéroports. Prendre l’avion était stressant, sans parler d’un certain climat malsain de suspicion qui s’était instauré à l’égard des passagers d’origine arabo-musulmane.

En novembre 2001, des entreprises —comme Samson Bélair Deloitte &Touche— conseillaient même fortement à leur personnel de ne pas prendre l’avion. On misait alors sur les moyens de télécommunications qui existaient déjà l’époque.

Pour autant, les choses sont revenues graduellement à la normale.

Les gens d’affaires se sont remis à voyager lorsqu’ils ont eu la certitude qu’ils ne risquaient plus que leur avion ne soit transformé en missile pour commettre un attentat terroriste.

Certes, les outils de télécommunications sont demeurés une option intéressante pour les entreprises, mais ils ne sont jamais devenus une panacée.

Il aura fallu une pandémie pour y arriver…

 

Du juste-à-temps au «juste-au-cas où»

Là encore, cette prévision en matière de gestion des opérations peut faire sourire aujourd’hui.

À l’époque, les chaînes logistiques de plusieurs entreprises canadiennes intégrées à des chaînes de valeur aux États-Unis (exportation, importation) ont été chambardées en raison des contrôles et des retards à la frontière.

Le fret aérien avait aussi été perturbé.

Les attentats avaient particulièrement touché les organisations qui fonctionnaient en juste-à-temps, une gestion serrée des approvisionnements qui cherche à réduire le gaspillage (temps, stocks, documentation ou non-conformité des produits) dans une chaîne de production.

Aussi, à l’époque, des spécialistes en gestion des opérations recommandaient, du moins à court terme, d’augmenter les niveaux des stocks, mais sans retourner à la production de masse des années 1970.

Là aussi, cette prévision ne s’est pas matérialisée: le juste-à-temps est demeuré roi.

Les entreprises ne se sont pas mises à stocker inutilement en prévision d’une autre attaque terroriste. La notion de «juste-au-cas-où» a fait long feu.

Comme pour les télécommunications, il aura fallu l’apparition d’un nouveau virus, la COVID-19, pour que stocker davantage en raison de la perturbation prolongée des chaînes mondiales d’approvisionnement devienne une décision avisée et payante.

 

La protection de l’information stratégique est devenue le nerf de la guerre pour la plupart des organisations depuis 20 ans. (Photo : 123RF)

 

Protéger l’information stratégique

En revanche, les entreprises n’ont pas attendu le coronavirus pour mieux protéger leur information stratégique.

Dans la foulée de l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center, l’une des dures leçons de ce drame a été qu’une entreprise et ses employés pouvaient disparaître du jour au lendemain sans que cela ne soit dû à un tremblement de terre, à une inondation ou à un incendie.

Aussi, la protection de l’information stratégique est devenue le nerf de la guerre pour la plupart des organisations depuis 20 ans —et, au fil des ans, de plus en plus en raison des risques de cyberattaques.

Sans le vouloir, la banque d’investissement Morgan Stanley est devenue en quelque sorte un modèle à suivre en matière de protection de ses données stratégiques, et aussi de son personnel.

Le 11 septembre 2001, la société était le plus important locataire du World Trade Center, en occupant plusieurs étages.

Malgré l’effondrement des deux tours, Morgan Stanley a repris à l’époque ses activités très rapidement, car elle avait un centre de sauvegarde de ses données à l’extérieur de Manhattan.

Fait méconnu, la banque d’investissement n’a perdu que 6 employés sur 3 700 qui y travaillaient, ce qui est exceptionnel étant donné les circonstances.

Pourquoi?

Parce que Morgan Stanley avait donné la consigne à son personnel de quitter rapidement les lieux même si les gestionnaires du WTC donnaient alors la consigne aux gens de rester à leur bureau en attendant les premiers secours…

La direction de la banque d’investissement avait sans doute en tête l’autre attentat terroriste commis au WTC, en 1993, qui visait aussi à provoquer l’effondrement d’au moins l’une des deux tours jumelles.

Déjà, à compter de 1993, la banque d’investissement avait conclu que les activités de l’entreprise devaient se poursuivre, coûte que coûte, peu importe la crise.

Bref, que la vie doit continuer.

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Zoom sur le Québec, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Québec, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle et les politiques de développement économique. Journaliste à Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Actuellement, il fait un MBA à temps partiel à l'Université de Sherbrooke. François connaît bien le Québec. Il a grandi en Gaspésie. Il a étudié pendant 9 ans à Québec (incluant une incursion d’un an à Trois-Rivières). Il a été journaliste à Granby durant trois mois au quotidien à La Voix de l’Est. Il a vécu 5 ans sur le Plateau Mont-Royal. Et, depuis 2002, il habite sur la Rive-Sud de Montréal.