Comment j'ai perdu mes 5 000 premiers dollars à la Bourse

Offert par Les Affaires


Édition du 17 Octobre 2015

Comment j'ai perdu mes 5 000 premiers dollars à la Bourse

Offert par Les Affaires


Édition du 17 Octobre 2015

(Photo: Shutterstock)

Il n'y a pas meilleure leçon que d'essuyer une lourde perte pour apprendre à investir de façon intelligente. C'est ce que je me suis douloureusement rappelé en lisant le courriel d'un étudiant qui m'a récemment demandé conseil afin de réussir ses premiers pas en Bourse.

Ce jeune homme de 17 ans, passionné par le placement et l'économie depuis plusieurs années, m'a confié qu'il songeait à investir dans des penny stocks (titres qui se négocient à moins de 1 $ et qui sont souvent inscrits sur des marchés secondaires, comme la Bourse de croissance du TSX ou l'OTC Bulletin Board, aux États-Unis) pour entreprendre sa carrière en Bourse, car à ses yeux, «c'est l'option idéale pour un jeune étudiant avec un petit budget comme le mien».

La soif de ce jeune investisseur d'en apprendre plus sur ces titres de nature très spéculative m'a rappelé mes propres débuts en Bourse.

Investir à l'aveuglette

Au même âge que ce lecteur, je tenais à tout prix à commencer à investir. Ne sachant trop où me lancer, j'ai demandé à un proche qui travaillait dans une institution financière de me diriger vers un courtier afin de m'aider à investir mes 5 000 premiers dollars durement gagnés comme camelot pour La Presse.

À l'époque, j'en connaissais très peu sur le placement, mais deux entreprises avaient retenu mon attention : Québecor (Tor., QBR.B), parce que j'étudiais en journalisme, et Bombardier (Tor., BBD.B), parce que c'était «le fleuron du Québec inc.».

Le courtier avec qui j'avais pris contact m'a découragé d'investir dans ces deux entreprises, me recommandant plutôt le conglomérat Semi-Tech Group, qui fabriquait notamment les machines à coudre Singer et détenait la marque de produits électroniques Sansui. Outre le fait que ma mère utilisait une machine de cette marque, je ne connaissais absolument rien des activités de cette multinationale étrangère. Encore moins de sa performance financière.

C'est là ou le bât a blessé. J'ai accepté aveuglément d'investir toutes mes économies dans le titre recommandé par ce courtier. Je n'ai jamais su s'il avait eu la mission d'écouler des titres de Semi-Tech parce que son institution en avait acheté dans le cadre d'une émission d'actions, mais chose certaine, il m'avait chaudement recommandé ce placement.

Malheureusement, Semi-Tech a connu une descente rapide aux enfers peu après mon achat, entre autres à cause de la crise asiatique de 1997-1998. Voyant la dégringolade du titre, j'ai appelé le courtier à plusieurs reprises. Chaque fois, il me conseillait d'être patient, affirmant que le vent allait tourner. Singer a déclaré faillite en 1999, et le conglomérat est aujourd'hui considéré comme l'un des pires fiascos de l'histoire de la Bourse de Hong Kong. Ainsi ai-je perdu mes premiers milliers de dollars investis en Bourse.

Je ne vous raconterai pas en détail la période qui a suivi, au cours de laquelle j'ai vécu le boom des technos et... l'éclatement de la bulle. Seulement que, me croyant très brillant après avoir doublé mon argent dans quelques titres obscurs en un court laps de temps, j'ai ensuite commis un tas d'erreurs bêtes.

Ces leçons, quoique coûteuses, m'ont toutefois bien servi. Je remercie d'ailleurs ce fameux courtier, car grâce à lui, je suis un investisseur plus sage aujourd'hui.

Une longue parenthèse pour illustrer à ce jeune lecteur que de se lancer en Bourse en investissant dans les penny stocks serait une grave bévue. Ceci, même si tu as accumulé beaucoup d'informations sur le fonctionnement de ce marché, jeune homme.

Une des pires imprudences que commettent les nouveaux venus en Bourse est de sous-estimer les risques associés à un investissement, ainsi que leur tolérance à ces risques. Commencer dans le monde du placement avec les penny stocks serait l'équivalent de jouer tes économies au casino. Rappelle-toi que la première règle d'or de Warren Buffett pour s'enrichir en Bourse est «d'éviter de perdre de l'argent». La seconde règle est «de ne pas oublier la première».

Cibler des entreprises exceptionnelles

Mon meilleur conseil, donc : évite le genre d'erreurs que j'ai commises et concentre tous tes efforts à déceler des entreprises exceptionnelles. Comme ces sociétés sont rares, il te faudra consacrer beaucoup de temps à cette quête du Saint Graal de l'investisseur intelligent, ainsi qu'à l'approfondissement de tes connaissances de ces entreprises.

Si tu souhaites tout de même aller de l'avant en investissant dans des titres spéculatifs, retiens bien cette phrase, reprise de François Rochon, président de Giverny Capital et adepte de l'investissement à long terme : «Il vaut mieux perdre 50 % de son portefeuille au début de sa carrière d'investisseur que vers la fin. On peut voir cette perte comme les frais de scolarité d'un cours en investissement boursier».

Cours d'un titre et petit portefeuille

Salim, un autre jeune lecteur, m'a également soumis une question qui porte sur le prix des actions. «Selon vous, devrais-je me limiter à un coût maximal de 20 $ l'achat d'une action, compte tenu de la valeur de mon portefeuille, qui se situe entre 15 000 et 20 000 $ ? Je n'ai pas acheté en début d'année un titre que je savais solide, Dollarama (Tor., DOL), car je trouvais mon montant trop faible pour le cours de l'action (60 $ à cette période).» Ce jeune lecteur précisait détenir 7 titres, dans lesquels il a investi 2 000 $ chacun.

Réglons une chose tout de suite : le cours de l'action n'a aucune importance, même si ton portefeuille est encore petit. Il peut sembler bien plus facile de doubler ton argent avec une action qui se négocie à 2 $ ou 3 $, mais il peut être tout aussi rapide de perdre la totalité de ton investissement. Le fait que l'action du spécialiste du voyage en ligne Priceline (Nasdaq, PCLN) se négocie à plus de 1 000 $ US ne devrait pas être ton premier critère de sélection. Concentre-toi sur ses perspectives et sur ses ratios d'évaluation.

À ton âge (fin de la vingtaine), tu peux te permettre une forte concentration dans une poignée de titres solides (de 10 à 15) afin de maximiser la croissance de ton portefeuille. Mais encore une fois, il faut être très à l'aise avec une telle stratégie, car les fluctuations au quotidien de ton portefeuille seront nettement plus grandes que si tu détenais 40 titres.

Suivez Yanick Clérouin sur Twitter @Clerouin_Inc

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin