Alimentation: à qui profite l'achat local?

Publié le 22/03/2021 à 07:00

Alimentation: à qui profite l'achat local?

Publié le 22/03/2021 à 07:00

Une personne masquée dans une épicerie

L’application du défi 12$ permettrait notamment de stimuler les investissements en innovation, en recherche et développement, et dans la mise à niveau de notre secteur manufacturier alimentaire au Québec. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Vous le savez, l’achat local et l’autonomie alimentaire sont tendances. La dernière année a certainement mis en lumière ces concepts, ce qui accentue l’intérêt et l’engouement collectifs pour l’origine, entre autres, des produits alimentaires que nous achetons et consommons.

Bien que notre dépendance aux importations demeure, en raison de notre climat nordique qui restreint la production agricole et la disponibilité de plusieurs produits ou ingrédients de base, incluant les fruits exotiques ou les légumes frais que nous avons pris l’habitude de consommer à longueur d’année, on estime à plus de 50% la proportion de l’offre de produits alimentaires québécois sur nos tablettes d’épicerie.

Par exemple, l’offre des produits laitiers, de volaille et de boulangerie en épicerie est très majoritairement québécoise. Aliments du Québec, la marque qui identifie l’origine des aliments d’ici a plus de 23 000 produits alimentaires certifiés du Québec dans son répertoire et on peut supposer qu’il y en a quelques milliers de plus. Et bien entendu, la proportion des produits alimentaires québécois en épicerie augmente significativement pendant notre saison estivale et la saison des récoltes, avec l’abondance de nos fruits et légumes frais locaux.

L’achat local et l’autonomie alimentaire ne sont pas seulement des concepts nationalistes et politiques. Ce sont d'abord et avant tout des arguments économiques, en appui à un écosystème social très résilient «de la terre à la table», et qui met en valeur l’importance de notre sécurité alimentaire. J’ajouterais qu’il est opportun d’acheter et de consommer «local» lorsque possible, quel que soit le type de produit. Les retombées profitent à nous tous.

D’ailleurs, en novembre dernier, le ministre André Lamontagne lançait le défi 12$, qui encourageait les consommateurs à remplacer chaque semaine l’équivalent de 12$ de produits étrangers par des aliments locaux dans leur panier d’épicerie. Le ministre proposait une action concrète dans le cadre de la relance économique: les retombées de ce simple transfert d’achat vers des produits québécois augmenteraient la demande annuelle auprès des agriculteurs, des pêcheurs et des transformateurs alimentaires québécois de plus de 1 milliard de dollars par année.

Ce geste, assez simple, pousserait notre autonomie alimentaire de 51% à 56%!

 

De petits gestes qui stimulent les investissements

L’application du défi 12$ permettrait notamment de stimuler les investissements en innovation, en recherche et développement, et dans la mise à niveau de notre secteur manufacturier alimentaire au Québec. Gardons en tête que notre industrie alimentaire est souvent confrontée à des géants mondiaux qui investissent massivement en innovation à l’étranger et qui produisent ailleurs qu’au Québec et au Canada. La valeur ajoutée des produits fabriqués à l’étranger ne reste donc pas dans notre économie.

L’innovation est primordiale si l’on veut que nos produits soient attrayants et conservent leur espace sur les tablettes! Chaque année, il y a des milliers de nouveaux produits alimentaires introduits sur le marché à l’échelle mondiale et les tablettes des épiceries ne sont pas extensibles… la concurrence est donc féroce. L’innovation en alimentation est complexe et pas nécessairement évidente, mais elle est tout aussi importante que pour d’autres secteurs d'activités. Des emballages intelligents qui prolongeront la durée de vie d’un aliment, ou encore une modification de recette pour réduire la liste des ingrédients afin d’améliorer la valeur nutritionnelle d’un produit ou le lancement d’un produit novateur sont des exemples d’investissements importants en R-D et en mise en marché que l'industrie doit réaliser année après année. Si le Québec veut une industrie alimentaire pérenne et concurrentielle, il faut des investissements majeurs et soutenus.

L’encouragement à la consommation de produits du Québec a réellement porté ses fruits en 2020, mais il est encore difficile d’évaluer l’impact réel et à long terme de cette situation inédite sur le comportement du consommateur.

Il faut comprendre que la consommation locale ne se résume pas seulement à acheter n’importe quel produit chez son épicier du coin. Il faut lire les étiquettes et s’assurer de l’origine du produit recherché. Acheter un produit québécois est avant tout un geste envers nos emplois, notre expertise et nos entreprises qui supportent des communautés entières.

Alors, pourquoi ne pas encourager les produits locaux?

 

À propos de ce blogue

La face cachée de votre assiette est le blogue de Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) depuis 2010. Nommée Leader d’influence par le Réseau des Femmes d’affaires du Québec, Sylvie a récemment obtenu la certification GCB.D (ESG Global Competent Boards Designation). Sylvie Cloutier est une incontournable du secteur bioalimentaire au Québec. Elle participe activement à l’élaboration de plusieurs décisions gouvernementales et réglementaires qui touchent le secteur alimentaire québécois. Reconnue pour son dynamisme et son leadership, Sylvie assure la représentation, la promotion et la défense des intérêts de l’industrie de la transformation alimentaire du Québec. Sylvie est co-présidente du Conseil consultatif de la politique alimentaire du Canada, co-fondatrice de Aliments et boissons Canada, et siège sur plusieurs conseils d’administration dont ceux Moisson Montréal, de Banques alimentaires Canada, de Financement agricole Canada et de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Elle s’implique également auprès du comité de financement de La Tablée des Chefs.

Sylvie Cloutier

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