Une élection sans culture

Publié le 23/08/2012 à 12:30, mis à jour le 24/08/2012 à 13:24

Une élection sans culture

Publié le 23/08/2012 à 12:30, mis à jour le 24/08/2012 à 13:24

BLOGUE. C’est avec plaisir que je vous retrouve, d’autant plus que nous sommes en pleine campagne électorale et que les discussions sont effervescentes.

Vous avez certainement remarqué comme moi que la culture est presque totalement absente de cette campagne. Les deux seuls chefs à avoir prononcé le mot culture lors du débat de dimanche dernier sont Françoise David et François Legault. La chef de Québec Solidaire a d’entrée de jeu parlé des emplois dans le secteur culturel et de sa portée économique et sociale. Le chef de la Coalition Avenir Québec a quant à lui déclaré que le soutien aux artistes est nécessaire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que depuis le début de la campagne, et même avant, c’est Monsieur Legault qui parle le plus souvent de culture. Au printemps, dans une entrevue à la radio, il disait que les artistes sont de vrais entrepreneurs. On sait que Monsieur Legault veut une économie d’entrepreneurs et de propriétaires, il est significatif de voir qu’il inclut les artistes dans ce modèle.

Pour sa part, Madame Marois a fait quelques annonces en culture jeudi matin. Mais, les journalistes ne s’y intéressaient pas vraiment. L’éventuel référendum et le projet de citoyenneté québécoise occupaient toutes les discussions. Lors du débat la semaine dernière à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, pas un mot sur la culture et sur le potentiel créatif de la ville alors que nous approchons du bilan de mi-parcours du projet Montréal métropole culturelle.

Quand les candidats n’en parlent pas ou peu, quand les médias éclipsent le sujet, il faut fouiller dans les programmes des partis pour savoir ce qu’ils proposent pour la culture. Leurs propositions à ce stade ne concernent que des politiques culturelles, il n’y a rien sur la fiscalité ou le mécénat par exemple.

Pour aller plus loin, j’ai donc exploré les programmes des quatre formations politiques présentes dimanche soir au débat des chefs.

Parti libéral du Québec (PLQ)

On n’a pas entendu le PLQ sur la culture durant cette campagne et la ministre sortante Christine St-Pierre est peu présente dans les médias. Elle a personnellement battu le record de longévité à la tête de ce ministère et son parti peut se vanter d’une feuille de route très impressionnante depuis 50 ans en matière de politiques culturelles. Rappelons simplement que c’est un gouvernement libéral qui a créé le ministère des Affaires culturelles en 1961. En 1992, c’est le gouvernement de Robert Bourrassa et sa ministre de la culture Liza Frulla qui ont fait adopter la première Politique culturelle du Québec. Un bilan et une vision souvent oubliés. Et aujourd’hui? On retrouve dans leur programme certaines mesures patrimoniales pour la ville de Québec par exemple. Pour Montréal, le PLQ rappelle qu’il a mené à bien la Maison de l’OSM et le Quartier des spectacles. Et le parti promet des fonds pour les célébrations du 375e anniversaire de la métropole.

Le programme insiste ensuite sur la diffusion de la culture, au pays et au niveau international. Les libéraux souhaitent renforcer la promotion de la culture pour en faire un véritable outil de développement économique des régions. Enfin, il souhaite renforcer la présence de l’actualité régionale sur les plateformes web avec Télé-Québec.

Parti Québécois (PQ)

Le PQ a très peu exposé ses propositions culturelles durant cette campagne, sauf jeudi matin. Au gouvernement, dans le passé, ils ont fait beaucoup pour les artistes qu’ils considèrent peut-être comme un électorat tout acquis à la cause souverainiste. Les sept mesures consacrées à la culture dans le programme du PQ sont d’ailleurs intitulées : « Promouvoir notre culture et notre histoire nationale ». Voilà qui renforce l’idée que le PQ instrumentalise la culture.

Comme le PLQ, le Parti Québécois propose de mieux soutenir le rayonnement régional et international de la culture. Comme le PLQ, il aiderait l’information régionale au moyen de Télé-Québec. Il souhaite renforcer la présence des arts en milieu scolaire en amenant les élèves à fréquenter des activités culturelles et à faciliter des résidences d’artistes dans les écoles. Ce jeudi, Mme Marois a affirmé qu’avec son gouvernement, les budgets de la Société de développement des entreprises culturelles et du Conseil des arts et des lettres du Québec serait bonifiés.

Enfin, tout comme le Parti conservateur du Canada en avril 2011, le PQ annonce aujourd’hui un crédit d’impôt pour les familles qui inscrivent leurs enfants à des cours en art. Ce type de mesure ne profite qu’aux familles déjà sensibles aux arts et n’encourage malheureusement pas la démocratisation de la culture.

La Coalition Avenir Québec (CAQ)

Dans un programme qui compte 94 propositions, la culture arrive en 91e position. En quatre propositions, la CAQ expose une véritable vision qui fait part égale à la créativité et au dynamisme économique du secteur culturel. D’où vient cette véritable réflexion sur la culture à la CAQ? Faut-il chercher du côté du chef et de ses intérêts, du côté des conseillers ou de Claire Samson, candidate dans Iberville qui a une connaissance précise des arts et des industries culturelles? La CAQ entend soutenir l’exportation des produits culturels québécois et le rayonnement international des créateurs, en fournissant plus de moyens à la Société de développement des entreprises culturelles et au Conseil des arts et des lettres du Québec. Remarquant que les ménages québécois dépensent moins pour la culture que la moyenne des Canadiens, la CAQ stimulerait la demande pour les produits culturels québécois au Québec. Comment? On ne le sait pas précisément. La CAQ favoriserait les activités artistiques en milieu scolaire. Dans son programme, le parti est le seul à se préoccuper de la valorisation de la culture des premières nations. Enfin, la CAQ soutiendrait les grands événements culturels car elle reconnait qu’ils sont un outil de développement touristique et économique.

Dans son plan de relance de la métropole, la CAQ souhaite renforcer la position de Montréal comme ville de savoir et de culture et faire de la ville la capitale de l’art de vivre en Amérique du Nord.

Québec Solidaire (QS)

Le parti de Françoise David et Amir Khadir entend augmenter le financement de la culture et mieux assurer sa présence dans les régions. Comme la CAQ et le PQ, il favoriserait l’accessibilité aux activités culturelles des jeunes en milieu scolaire. Ce qui démarque le parti se trouve du côté du financement accordé aux pratiques artistiques amateur, surtout en région. Trois mesures. Gageons cependant que les électeurs de Monsieur Khadir, élu du quartier qui compte le plus de travailleurs du milieu de la culture au Québec, aurait pu lui suggérer d’autres propositions.

 

Les débats et la couverture médiatique nous montrent bien que la culture n’est pas un enjeu central dans cette élection, enjeu pourtant crucial pour Montréal. Savoir où se situent les partis sur cette question peut cependant nous aider à faire un choix éclairé. Le 4 septembre : aux urnes !

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Sébastien Barangé, Directeur des communications et affaires publiques de CGI. (Twitter @SBarange)

 

Sébastien Barangé est activement engagé auprès de plusieurs organismes à but non lucratif:

président du comité exécutif d'artsScène Montréal (Business for the arts)

président du conseil d'administration d'Art Souterrain

membre du conseil d'administration de la Fondation Michaëlle Jean

membre du conseil d'administration de la Fondation Tolérance

 

Ancien journaliste à Radio-Canada et collaborateur du Devoir, diplômé en communication de l’Institut d’Études Politiques (Aix-en-Provence, France) et en gestion des arts de HEC Montréal, Ce blogue est un espace de dialogue autour des liens entre les arts et le monde des affaires.

 

 

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