Radio-Canada : menaces sur un écosystème

Publié le 16/05/2014 à 15:21

Radio-Canada : menaces sur un écosystème

Publié le 16/05/2014 à 15:21

Les annonces de départs de journalistes bien connus comme Marie-Claude Lavallée ou Linden MacIntyre qui quittent Radio-Canada / CBC pour sauver les emplois de jeunes journalistes menacés par les coupes budgétaires sont le signe que la situation de la radio et de la télévision publiques canadiennes est réellement préoccupante. Depuis 4 ans, plus de 2 000 postes ont été supprimés, c’est environ 20 % du personnel. Ce blogue n’est pas politique et ne remet pas en question les orientations actuelles de Radio-Canada. Mon intention est plutôt d'exprimer une inquiétude sur l'effritement d'une institution qui joue un rôle de premier plan dans notre démocratie, notre économie et notre culture.

D’entrée de jeu, je tiens à dire que la défense de l’existence d’un réseau public tel que Radio-Canada ne se fait pas en opposition aux réseaux privés qui doivent avoir et qui ont leur place. Mais, pour une économie forte et une démocratie en santé, il nous faut un écosystème médiatique où le privé et le public cohabitent de façon équitable et complémentaire.

Dans ce blogue, je parle arts et affaires, Radio-Canada joue dans ces deux domaines un rôle primordial.

Au niveau des affaires.

Radio-Canada est souvent la seule à pouvoir relayer l’actualité des régions grâce à son réseau de stations et de journalistes qui travaillent en français et en anglais d’un bout à l’autre du Canada. Les entrepreneurs, les agriculteurs, les travailleurs de toutes les régions du Québec, de l’Acadie, les Franco-Manitobains, les Franco-Ontariens peuvent compter sur le réseau français de Radio-Canada, c’est une vitrine extraordinaire pour sentir le pouls économique de tous les coins du pays. Pensez à la tragédie de Lac-Mégantic : Radio-Canada était le premier média à montrer ces images d’horreur car ils ont des correspondants en région. Quelques semaines plus tard, c’est encore Radio-Canada qui a dressé le portrait de la situation économique de cette communauté durement frappée. Radio-Canada affaiblie ne sera tout simplement plus capable d’assurer cette couverture économique rigoureuse, variée et essentielle au développement de nos métropoles et de nos régions.

Au niveau de la culture.

Depuis sa création dans les années 1930, le réseau français de Radio-Canada défend notre langue, notre patrimoine et notre expression artistique. Il n’y a pas si longtemps, il y avait encore des médias électroniques en français aux États-Unis. Ils ont disparu en même temps que ceux qui continuaient de parler cette langue dans cette mer d’anglophones. Comme l’a souligné récemment Hubert Lacroix, président de Radio-Canada, devant le Cercle Canadien à Montréal, le danger de cette réflexion autour de l’avenir de l’institution, c’est qu’elle porte plus sur ce que Radio-Canada a été plutôt que sur ce qu’elle devrait être. Il n’est pas question de plonger dans la nostalgie et de regretter « Les beaux dimanches » mais plutôt d’imaginer un diffuseur public de son temps, capable d’embrasser l’ensemble des technologies et de servir tous les publics dans leur langue en reflétant leur diversité. Mais cela aussi est impossible à réaliser lorsqu’à la fois les fonds publics et les revenus publicitaires baissent.

L’ensemble des médias (presse, télé, radio) sont contraints de s’adapter à cette révolution des supports (internet, tablettes, téléphones, etc.) et à la baisse des revenus publicitaires à mesure que les auditoires se déplacent des médias traditionnels vers les nouvelles plateformes. Le diffuseur public doit aussi faire face à la baisse des fonds gouvernementaux. Les crédits versés par Ottawa étaient de 1,14 milliard $ en 2009-2010, soit 34$ par Canadien annuellement. Aujourd’hui, après de multiples compressions, ils sont de 975 millions $, soit 29$ par Canadien. Notons d’ailleurs que la télévision privée reçoit annuellement environ 900 millions $ d’argent public, en crédits d’impôt notamment. Le financement des diffuseurs publics dans le monde se situe en moyenne autour de 80$ par habitant. Nous sommes très loin derrière la Norvège (164 $ / habitant), l’Allemagne (147 $ / habitant), le Royaume-Uni ( 114 $ / habitant), la France (78 $ / habitant).

Il faut se demander quel modèle de service public nous souhaitons. La radio et la télé vivent des transformations importantes, les contenus migrent vers plusieurs nouvelles plateformes. Les façons de faire du journalisme ou de créer pour ces médias changent. Cependant, la rigueur, la déontologie et le devoir d’information demeurent.

Alors peut-on se désoler du manque d’entrepreneurs dans le Québec d’aujourd’hui, de la faiblesse relative de l’économie de notre province et ne pas réagir alors qu’un maillon important de l’économie québécoise est affaibli ? Peut-on craindre l’anglicisation de notre société, s’inquiéter de l’avenir de notre langue et de notre culture et ne pas réagir lorsqu’un chaînon central est menacé ?

Radio-Canada affaiblie, c’est tout un écosystème qui est menacé.

 

 

 

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