L'écosystème culturel de Montréal affaibli

Publié le 04/04/2012 à 17:13, mis à jour le 09/04/2012 à 14:23

L'écosystème culturel de Montréal affaibli

Publié le 04/04/2012 à 17:13, mis à jour le 09/04/2012 à 14:23

BLOGUE. Un commentaire à mon précédent blogue soulignait combien à Montréal, « la culture est un pôle de développement économique ». Je suis bien d’accord, et ceux qui s’intéressent au sujet ont été relativement satisfaits des dispositions du budget provincial mais retenaient surtout leur souffle pour le budget fédéral. Après les annonces d’Ottawa, on a entendu des « ouf » de soulagement et même des félicitations pour le soutien aux créateurs. Certes, le Conseil des arts du Canada est épargné, le gouvernement conservateur lui renouvelle sont soutien. Le financement du Conseil des arts représente 0,08 % des dépenses totales du gouvernement fédéral.

Pour le reste, soyons francs : rien de très réjouissant ! L’écosystème culturel de la métropole québécoise est mis à mal. Les réductions budgétaires drastiques imposées à l’Office national du film, à Téléfilm Canada et à Radio-Canada sont une très mauvaise nouvelle pour Montréal. Ces trois grandes institutions soutiennent activement la créativité francophone. La production audiovisuelle montréalaise, c’est un savoir-faire reconnu internationalement, c’est du contenu, des emplois directs et indirects. Notons d'ailleurs que l’ONF et Téléfilm ont leur siège social à Montréal et que Radio-Canada y compte près de 3 000 employés à temps plein.

On a d’ailleurs appris que ces organisations supprimeront plusieurs centaines d’emplois dans la métropole et devront mettre un terme à certaines activités (ex : fin de la Cinérobothèque de l’ONF, fin de certains programmes de Radio-Canada...)

Couper de façon nette 10% des budgets, c’est rompre un équilibre entre la création, l'argent public et l'argent privé. Ces fonds publics servent bien souvent à des productions, à de la recherche et développement qui ne peuvent pas compter sur l’argent privé. Ce rôle d’incubateur, de nombreux organismes le jouent à Montréal et leurs productions alimentent ensuite les spectacles, les films, les concerts que nous voyons et qui font notre fierté lorsqu’ils partent en tournée. Dans une récente étude, Deloitte démontrait comment des organismes comme Radio-Canada permettent la création de « grappes », c'est-à-dire la concentration d’entreprises, de fournisseurs, de services œuvrant dans le domaine de l’audiovisuel et de la production. Deloitte souligne d’ailleurs que sans Radio-Canada : « la grappe de création de Montréal n’existerait sans doute pas à la même échelle. »

Comme le remarque très justement la Coalition canadienne des arts, se basant sur une étude du Monde des affaires pour les arts : « Le financement public est l’incitatif qui stimule le secteur privé. Durant les cinq dernières années, le soutien essentiel du secteur public a stimulé la croissance du financement privé, qui est maintenant le double du financement public. »

En terme de financement privé, il n’y a d’ailleurs aucun nouvel incitatif dans ce budget fédéral, aucune nouvelle mesure fiscale concernant les dons aux organismes de bienfaisance, sinon cette idée lancée par le gouvernement : « mettre sur pied des collectes de fonds dont le thème serait axé sur l’élimination de la pièce de 1 cent. » Il en faudra plusieurs kilos de pièce de 1 cent pour compenser ces coupes budgétaires draconiennes! Du côté de Patrimoine Canada, là aussi de nombreuses réductions budgétaires et « le ministère se concentrera sur les activités de financement donnant lieu à des contributions de la part de partenaires ». En d’autres mots, de l’argent public oui, mais pour les organismes qui attireront encore plus de financement privé.

Au chapitre des bonnes nouvelles, le gouvernement canadien annonce que le budget des musées nationaux sera épargné. Oui, c’est une bonne nouvelle, mais elle ne concerne nullement Montréal qui ne compte aucun de ces musées sur son territoire.

Dans ce contexte, aggravé par une économie incertaine, le monde des arts va devoir faire preuve, encore une fois, de créativité pour développer ses sources de financement et se rapprocher du secteur privé. C'est donc le moment de renforcer le dialogue entre le monde des arts et le monde des affaires.

----------------------------------------

Sébastien Barangé, Directeur des communications et affaires publiques de CGI. (Twitter @SBarange)

Sébastien Barangé est activement engagé auprès de plusieurs organismes à but non lucratif:

membre du comité exécutif d'artsScène Montréal (Business for the arts)

président du conseil d'administration d'Art Souterrain

membre du conseil d'administration de la Fondation Michaëlle Jean

membre du conseil d'administration de la Fondation Tolérance

Ancien journaliste à Radio-Canada collaborateur du Devoir, diplômé en communication de l’Institut d’Études Politiques (Aix-en-Provence, France) et en gestion des arts de HEC Montréal, Sébastien Barangé est curieux de tout ce qui est créatif et invite à penser différemment. Ce blogue est un espace de dialogue autour des liens entre les arts et le monde des affaires.

Blogues similaires

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...

La fin de ce blogue, une occasion de rebondir

Mis à jour le 06/03/2017 | Julien Brault

BLOGUE INVITÉ. Je pourrai découvrir de nouvelles occasions d'affaires. C'est ainsi que prospèrent les start-ups.