Bonnes stratégies, mais difficiles à prévoir


Édition du 24 Mars 2018

Bonnes stratégies, mais difficiles à prévoir


Édition du 24 Mars 2018

[Photo: Pixabay]

CHRONIQUE. Les stratégies valeur, momentum ou à faible bêta sont depuis longtemps reconnues.

Quelle a été leur performance passée ? Y a-t-il parfois des moments plus propices pour les utiliser ? Et que penser de leur utilisation pour 2018 ?

Le Journal of Portfolio Management vient de publier une récente étude des professeurs Clifford Asness, Swati Chandra, Antti Ilmanen et Ronen Israel qui répond à ces questions.

Débutons avec quelques définitions.

Dans cette étude, le style valeur est défini comme une stratégie d'investissement dans des actions dont le ratio « valeur comptable/prix en Bourse » est élevé, c'est-à-dire que la valeur comptable se rapproche de la valeur en Bourse.

Le style momentum investit dans les actions dont le prix a le plus augmenté au cours des 12 derniers mois (en excluant le mois le plus récent).

Quant au style à faible bêta, il place dans les actions dont le bêta (la volatilité, ou si on préfère, le risque) est parmi les plus bas du marché boursier.

Abordons la première question. Quelle a été la performance passée ?

Un portefeuille investi en tout temps dans les styles valeur, momentum et à faible bêta a dégagé un rendement de 3,2 % supérieur à l'univers des grandes capitalisations américaines. Un rendement très intéressant qui place cette stratégie de portefeuille parmi les meilleures, et ce, sur près de 40 ans.

C'est excellent de surpasser le rendement du marché de 3,2 %. Pourrait-on cependant atteindre des rendements encore plus élevés en modifiant les pondérations ? En augmentant, par exemple, le poids du style valeur lorsqu'il envoie un signal de sous-évaluation, et en diminuant les poids des autres styles ?

A priori, on pourrait penser que cette démarche tactique bonifiera le rendement.

La difficulté qui se présente est cependant de repérer la situation de sous-évaluation.

À titre d'exemple, prenons une action dont la valeur comptable est à 5 $ et la valeur en Bourse, à 6 $. Le ratio valeur à plus de 0,80 (valeur comptable/prix) envoie un bon signal. Il est élevé, ce qui peut signifier que le titre est en territoire de sous-évaluation.

Le ratio évoluera cependant en fonction des prochains résultats financiers et/ou de l'humeur du marché.

Si les résultats ou l'humeur du marché sont bons, le titre grimpera. Si l'humeur ou les prochains résultats sont mauvais, il retraitera.

L'étude conclut que les tactiques de transactions de styles fonctionnent peu. Elle montre que de suivre des tactiques de transactions d'achat et de vente dégage généralement des rendements faibles et incertains. Ce n'est pas si surprenant. La plupart des gestionnaires de portefeuilles ont en effet de la difficulté à battre leurs indices avec des stratégies de négociation « achat-vente » ou, si on préfère, de trading.

Il n'y a, en fait, dans l'histoire récente, qu'un seul moment où on aurait pu utiliser une démarche de modification des pondérations et gagner véritablement plus.

Au tournant des années 2000, les signaux étaient très favorables à la stratégie momentum, lorsque les titres technologiques se sont emballés. De forts rendements ont été enregistrés. Puis, au sommet de la bulle technologique, ce sont les styles valeur et de faible bêta qui affichaient une forte sous-évaluation. Y investir a été payant.

Depuis le début de 2003, toutefois, les signaux de surévaluation ou de sous-évaluation n'ont jamais été très forts.

Conclusion

Quelle est la leçon à tirer pour votre portefeuille en 2018 ?

Évidemment, la stratégie d'investir son portefeuille selon les différents styles (valeur, momentum et à faible bêta) est toujours intéressante. Elle a augmenté le rendement annuel de 3,2 % à long terme et tout porte à croire que ça peut continuer. Il est donc judicieux d'acheter dès maintenant des FNB qui investissent dans ces différents styles. C'est une bonne méthode. Vous aurez un portefeuille diversifié de styles et performant à long terme.

Il faut seulement savoir coller à ses choix. Il ne vaut pas la peine de modifier vos pondérations en fonction de l'évolution des signaux qu'envoient différents ratios à différents moments. Ça demande plus de travail, et ce n'est pas plus payant.

À propos de ce blogue

Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Richard Guay