Montréal perd une cité, mais en accueille une autre


Édition du 12 Mai 2018

Montréal perd une cité, mais en accueille une autre


Édition du 12 Mai 2018

Les grands ports ont une vocation supra régionale. Au ­Québec, c’est notamment le cas à ­Montréal. [Photo : 123RF]

Un ambitieux projet de développement du Port de Montréal, dans l'est de la ville, vient d'être abandonné. Nom de code : Cité de la logistique.

Il s'agissait au départ d'établir un lieu d'accueil pour des entreprises liées à l'activité du port qui cherche désespérément à s'étendre. Ce parc industriel aurait misé sur une meilleure interconnexion entre les différents modes de transport, maritime et terrestre, nommément les trains et les camions. Ce qui allait forcément se traduire par une intensification du trafic lourd environnant, et les résidents du voisinage s'en sont inquiétés. On vient d'apprendre que la nouvelle administration Plante, à Montréal, a décidé de larguer le projet. Exit, la Cité de la logistique.

On peut comprendre les craintes des citoyens, mais c'est quand même dommage.

Les grands ports ont une vocation supra régionale. Au Québec, c'est notamment le cas à Montréal, à Québec et à Sept-Îles. Le transit du vrac et des marchandises profite bien au-delà de la région immédiate. Ces ports participent étroitement à la vitalité du milieu en servant à la fois d'intrant et d'extrant.

Le port de Montréal est déjà coincé, lui qui fait en même temps face à une contestation de son expansion vers Contrecoeur, sur la Rive-Sud de Montréal, mais il s'en remettra. Du moins, on l'espère.

L'avenir serait-il donc bloqué au Québec ? Pas vraiment. Cet autre projet dit de la « Cité de l'intelligence artificielle », dans le quartier dit du Mile-Ex, à Montréal, en est une des preuves.

Le Mile-Ex se situe juste au nord du Mile End, un endroit en vogue à Montréal au nord du Plateau Mont-Royal. Son voisin Mile-Ex, qui englobe la Petite Italie, est tout aussi sympathique et chaleureux, avec une économie en pleine transformation.

À l'époque, c'était là un des hauts lieux du textile à Montréal. Il est aujourd'hui en train de devenir un des pôles de l'intelligence artificielle (IA) au Canada.

Les organismes phares qui font de Montréal un haut lieu de l'IA emménageront bientôt dans l'ancienne manufacture de Main Knitting, un immense complexe qui a cessé ses activités en 2007. « À l'époque, on y comptait 3 200 personnes, avant que l'industrie du textile ne décline à Montréal ; cette renaissance en ramènera au moins autant, avec de très bons salaires », dit François-William Croteau, intéressé à plus d'un égard par cette remarquable mutation. Il est maire de l'arrondissement Rosemont-Petite Patrie, qui englobe le secteur où se trouve le bâtiment. Au comité exécutif de Montréal, il est responsable des dossiers qui touchent autant la ville intelligente que l'innovation et les technologies de l'information. Et il est de ceux qui cherchent à conserver une vocation industrielle à Montréal, même si elle est différente de jadis. « Il était important de préserver le caractère industriel et commercial de cet environnement, dit-il. Pour que les gens demeurent en ville, il faut leur offrir des emplois en ville. »

Or, ce bâtiment désaffecté - on parle de « friche industrielle » - était convoité par des promoteurs qui le voyaient déjà transformé en copropriétés dans ce quartier de plus en plus couru. Des organismes locaux comme le CDEC Rosemont et PME Mtl sont intervenus, et TGTA, une firme de développement et d'investissement en immobilier, a tout racheté en ayant en tête un redéploiement basé sur la nouvelle économie, ainsi que le rappelait mon collègue Denis Lalonde sur lesaffaires.com en février dernier.

Et c'est exactement ce qui est en train de se passer.

La société Behaviour, spécialisée dans le développement de jeux vidéo, y est déjà installée. Mais attendez, ce n'est qu'un début ! S'en viennent : MILA, l'Institut des algorithmes d'apprentissage de Montréal, dirigé par le professeur Yoshua Bengio, de l'Université de Montréal ; IVADO, pour le traitement des données massives, issu de Campus Montréal ; Element AI, qui aide des entreprises à apprivoiser l'IA dans leurs activités ; la division multimédia du Cirque du Soleil ; et bien d'autres... Avec, en prime, le nouveau campus des sciences de l'UdM juste à côté. Vous voyez le portrait ?

Cette concentration d'organisations de haut niveau permettra de nouvelles avancées en intelligence artificielle, « qui devraient aussi profiter aux citoyens », dit François-William Croteau, puisque la ville y trouvera son compte avec un meilleur traitement des données : une offre plus conviviale, ne serait-ce, par exemple, que par la régulation du trafic en temps réel ou une accélération de l'émission des permis en tous genres.

Ah oui : dans cette « cité », la recherche se voudra ouverte. C'est la nouvelle philosophie. Les percées sont partagées. On peut ainsi accélérer le travail en R-D.

Magnifique. Mais que va-t-il arriver des résidents, souvent vieillissants, ou des familles, alors que l'effervescence risque fort de se transformer en « gentrification », avec des logements convertis en copropriétés, sinon affligés des inévitables hausses de loyer ? « Nous allons protéger le parc locatif pour le garder accessible, garantit François-William Croteau, on ne veut surtout pas briser la communauté. »

Un quartier revigoré, avec de nouveaux emplois, de nouveaux commerces de proximité, sans renier ses origines, on l'appelait dans le temps « Welita », pour Petite Italie de l'Ouest... pourquoi pas miser sur le passé pour bâtir l'avenir ?

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