Qu'entend-on par «société de qualité»? Voici un exemple

Publié le 01/03/2019 à 14:42

Qu'entend-on par «société de qualité»? Voici un exemple

Publié le 01/03/2019 à 14:42

Photo:123rf

BLOGUE INVITÉ. On me demande souvent ce qu’on entend par «société de qualité». En effet, je répète régulièrement qu’un investisseur devrait avoir comme objectif d’investir uniquement dans des entreprises de grande qualité, quitte à payer un peu plus cher. Mais comment définir ce qu’est une société de qualité? 

En révisant récemment les résultats financiers de plusieurs de nos sociétés en portefeuille, un exemple concret d’une société de qualité m’est venu à l’esprit, celui de la société américaine Copart («CPRT»).

Attention toutefois, ceci n’est pas une recommandation d’acheter le titre. Comme la majorité des sociétés de qualité, le titre de Copart s’échange à des ratios d’évaluation élevés qui n’en font pas nécessairement un achat. Par contre, la société recèle à mon avis la plupart des caractéristiques qui font d’une société une «entreprise de qualité». Voyons ces caractéristiques.

Des activités faciles à comprendre et peu cycliques. Fondée en 1982, Copart possédait au départ une cour de récupération pour véhicules endommagés. Aujourd’hui, la société est le plus grand revendeur de véhicules (la majorité de ceux-ci sont endommagés, ce qu’on appelle des pertes totales) par encan en ligne. Sa plateforme électronique relie des milliers d’acheteurs et de vendeurs à travers le monde. La société exploite plus de 200 emplacements (surtout des cours de récupération) dans 11 pays et offre plus de 125 000 véhicules à la vente chaque jour.

Un modèle d’affaires robuste. Bien que le marché des véhicules endommagés puisse connaître des cycles liés à l’économie, il est néanmoins en croissance à long terme du fait que le parc automobile mondial est en progression. De plus, les nouveaux véhicules étant de plus en plus avancés technologiquement, il devient de plus en plus difficile et coûteux de réparer économiquement les véhicules accidentés, ce qui augmente la taille du marché pour Copart.

Des barrières à l’entrée élevées. Le concept de barrières à l’entrée est critique pour qu’un modèle d’affaires soit soutenable à long terme, surtout lorsqu’une entreprise est aussi rentable que Copart. En effet, ces barrières empêchent ou rendent très difficile l’accès à de nouveaux joueurs dans un marché quelconque. Pour Copart, nous croyons que les barrières à l’entrée sont élevées et multiples. Parmi celles-ci, mentionnons la force d’un réseau national et une présence dans la plupart des régions des États-Unis. En effet, deux des principaux coûts d’exploitation d’un revendeur de voitures endommagées sont le transport et le stockage des véhicules dans des cours en attendant de pouvoir les revendre. Le fait d’être présent dans la plupart des régions réduit sensiblement ces coûts. D’autre part, le fait d’être le plus gros joueur d’un marché augmente l’attrait pour les acheteurs et les vendeurs de ces véhicules. C’est ce qu’on appelle l’«effet réseau» qui rend le joueur dominant d’un marché encore plus dominant avec le temps.

Une équipe de direction qui pense à long terme. M. Willis Johnson, président du conseil de la société, est également son fondateur. Il possède près de 20,5 millions d’actions, une valeur de plus de 1,2 G$. Quant au PDG et au président, Jay Adair et Vincent Mitz, ils ont choisi de recevoir un salaire annuel symbolique de 1 $ afin d’être rémunérés en actions et en options d’achat d’actions de la société. M. Adair possède ainsi plus de 11,6 M d’actions et options d’achat d’actions; M. Mitz en possède près de 3,3 millions. Les dirigeants agissent comme des propriétaires parce qu’ils sont eux-mêmes d’importants actionnaires. En date de novembre 2018, ils détenaient collectivement plus de 41,6 millions d’actions de la société, soit 17,1% du total.

Un excellent historique financier. Au cours des 10 dernières années, soit de 2008 à 2018 (l’exercice de la société prend fin en juillet), les revenus de Copart sont passés de 784,8 M$ à 1 760,7 M$, un taux de croissance annuel composé de 8,4%. La croissance des bénéfices par action a été encore plus impressionnante, ceux-ci étant passés de 0,45$ en 2008 à 1,76$ en 2018, un taux de croissance annuel composé de 14,6%. Pendant cette période, le rendement moyen de l’avoir des actionnaires a été de 24,1%.

Une santé financière très solide. Un tel rendement de l’avoir est encore plus exceptionnel lorsqu’on sait qu’il a été réalisé sans utiliser beaucoup de dette. De fait, à la fin de 2018, Copart avait une dette nette de seulement 124,2 M$, ce qui représente seulement 0,19 fois les bénéfices d’exploitation (BAIIA) des 12 derniers mois.

Des flux de trésorerie libres importants. Malgré les investissements importants de la société dans le développement de cours de récupération, elle dégage des flux de trésorerie libres (excédentaires) substantiels, année après année. En 2018, ils se sont élevés à 253,6 M$ comparativement à 320,6 M$ en 2017.

Un potentiel de croissance à long terme attrayant. Le fait que les dirigeants soient d’importants actionnaires aligne leurs intérêts avec ceux des autres actionnaires. Ainsi, la société investit depuis plusieurs années dans le développement de son marché à l’international, par exemple en Espagne, en Allemagne, au Brésil et au Moyen-Orient. Ces marchés ne sont pas encore très rentables, mais ils offrent un potentiel de croissance attrayant à long terme.

À mon avis, ce sont ces caractéristiques qu’un investisseur devrait tenter de retrouver dans ses sociétés. Comme c’est le cas de Copart présentement, les titres de telles sociétés sont généralement chèrement évalués par les marchés boursiers. Toutefois, la volatilité des marchés offre de temps à autre des occasions de les acheter à prix raisonnable. C’est la partie passionnante de mon travail.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements, COTE 100 Inc.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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