Bourse: les années nous enseignent ce que les jours ignorent

Publié le 21/06/2019 à 16:38

Bourse: les années nous enseignent ce que les jours ignorent

Publié le 21/06/2019 à 16:38

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Depuis combien de temps investissez-vous en Bourse? Voilà une question anodine qui pourrait en dire long sur votre manière de percevoir les marchés boursiers et l’investissement. Ce qu’on a vécu influe sensiblement sur nos attentes face aux marchés boursiers.

Voyons ensemble ce que des investisseurs cumulant respectivement 10, 20 ou 30 ans d’expérience en Bourse ont connu et, surtout, comment leur expérience pourrait influencer leur perception des marchés actuels.

  • L’investisseur qui possède 10 ans d’expérience. Cet investisseur a de la veine. Il a commencé à investir en 2009, en plein dans la crise financière de 2008-2009. Même s’il ne le savait probablement pas à l’époque, le moment pouvait difficilement être mieux choisi pour investir. En présumant qu’il ait investi ses premières économies il y a précisément 10 ans, soit en juin 2009, il a par la suite connu dix années de hausse boursière presque ininterrompue. Depuis le 15 juin 2009, le S&P 500 (à mon avis, l’indice le plus représentatif du marché boursier nord-américain) a enregistré un rendement annuel composé de 14,6 %. Voilà un rendement sensiblement plus élevé que la moyenne historique des marchés boursiers qui se situe aux alentours de 10% pour les quelque 100 dernières années. Un investissement de 10 000$ dans l’indice S&P 500 valait plus de 39 000$ en juin 2019.

Le comble est que cette performance boursière exceptionnelle a été réalisée sans que les marchés aient subi de nombreux soubresauts. Il y a bien eu quelques corrections boursières. (Rappelons qu’une correction correspond à une baisse de plus de 10% d’un indice par rapport à son sommet récent.) J’en compte quatre au cours des dix dernières années, ce qui est nettement moins que la moyenne historique d’une correction à tous les 1,7 an. De fait, cet investisseur a profité d’un marché boursier haussier ininterrompu au cours des dix dernières années, le plus long de l’histoire des États-Unis. Il n’a donc probablement jamais vécu l’expérience de perdre beaucoup d’argent en Bourse.

  • L’investisseur qui possède 20 ans d’expérience. L’expérience de cet investisseur est tout autre. Bien sûr, il a profité, lui aussi, des dix dernières années de hausse, mais la décennie précédente avait été une tout autre affaire… et pas pour le meilleur. Cet investisseur a commencé à investir en juin 1999, en plein dans l’euphorie de la bulle techno. À l’époque, les investisseurs n’en avaient que pour les titres technologiques, en particulier ceux qui touchaient de près ou de loin à Internet et au commerce électronique. Avec le recul, il est facile de dire que les évaluations de ces titres étaient exorbitantes, mais à l’époque, tout un chacun croyait non seulement vivre une nouvelle révolution industrielle, mais que les perspectives de croissance des entreprises technologiques étaient infinies. Or, entre juin 1999 et juin 2009, le rendement total (incluant le dividende) annuel composé du S&P 500 a été de - 1,7%. Ainsi, 10 000$ investis en juin 1999 dans l’indice américain valaient 8 425$ dix ans plus tard.

L’investisseur a donc connu deux marchés baissiers majeurs, le premier correspondant à l’éclatement de la bulle techno. De son sommet atteint en juillet 2000, le S&P 500 (Total) avait perdu près de 45% de sa valeur deux ans plus tard. Puis, il y a eu la crise financière de 2008-2009. Entre octobre 2007 et février 2009, le S&P 500 (Total) a perdu un peu plus de 50% de sa valeur.

  • L’investisseur qui possède 30 ans d’expérience. La première décennie de cet investisseur a été assez spectaculaire. En investissant en juin 1989, il a fait ses premiers pas en Bourse quelques mois après le célèbre krach de 1987. Il y a bien eu des corrections boursières dans les dix années qui ont suivi (j’en compte deux), mais ces dix années ont été plutôt satisfaisantes. En effet, au cours de cette période, le S&P 500 (Total) a enregistré un rendement annuel composé exceptionnel de 18,5%. Une somme de 10 000$ investie en juin 1989 valait près de 55 600$ dix ans plus tard.

À mon avis, rien ne remplace l’expérience. Celui qui a commencé à investir il y a dix ans est probablement un peu complaisant. Il lui est sans doute difficile d’envisager un marché baissier ou une période de quelques années à faire du surplace. En revanche, l’investisseur qui a 20 ans de vécu en Bourse sait très bien que les corrections et les marchés baissiers sont des événements qui surviennent sans avertissement et qui font partie intégrante du parcours à long terme de l’investisseur. Enfin, celui qui investit depuis 30 ans en a vu de toutes les couleurs : de l’euphorie de la bulle techno à la déprime de la crise financière. Il a appris à ne pas s’emballer lorsque tout va bien (trop bien diront certains), ni à prendre fuite lorsque tout semble noir. Il a acquis cette certitude que, malgré ses hauts et ses bas, la Bourse est très payante à long terme. Incidemment, le rendement annuel composé de l’investisseur qui aurait investi dans le S&P 500 Total il y a 30 ans a été de 9,9%, près du rendement historique de la Bourse. Et 10 000$ investis en juin 1989 vaudraient aujourd’hui la jolie somme de plus de 171 000$.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Président exécutif du conseil et chef des placements, COTE 100

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
Sujets liés

Bourse

Blogues similaires

Bourse: la Banque Royale fait trembler le marché des actions privilégiées

19/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. La Banque Royale envoie un signal clair qu'elle pourrait racheter toutes ses actions privilégiées.

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Productivité: les entreprises doivent investir davantage

22/04/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2019, le Canada a enregistré le plus faible rythme de croissance de productivité parmi le G7.