Évaluer une entreprise: la marge de sécurité

Publié le 21/05/2021 à 08:59

Évaluer une entreprise: la marge de sécurité

Publié le 21/05/2021 à 08:59

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Évaluer une entreprise relève autant de l’art que de la science. On aura beau utiliser les modèles mathématiques les plus complexes, l’évaluation d’une entreprise dépend en grande partie de la projection que l’on fera de ses flux de trésorerie libres futurs. Or, comme l’aurait dit Yogi Berra, «il est difficile de faire des prévisions, surtout celles qui concernent le futur».

C’est pourquoi l’exercice d’évaluer une entreprise requiert une grande part d’humilité et de se ménager une confortable marge de sécurité.

Je préconise deux habitudes qui pourraient vous aider à accroître votre marge de sécurité et à réduire les erreurs que vous commettrez dans l’évaluation d’investissements potentiels.

En premier lieu, lorsque vous évaluez une entreprise, prenez l’habitude d’établir une large fourchette d’évaluation. L’établissement d’une évaluation précise, par exemple 48,76$ pour un titre quelconque, est à mon avis un exercice dangereux qui favorise un faux sentiment de confiance et de sécurité.

De notre côté, nous établissons trois valeurs pour une société selon trois scénarios possibles: un pessimiste, un réaliste et un optimiste. Nous tentons ensuite de pondérer chacune de ces évaluations en fonction de la probabilité que nous entrevoyons pour chaque scénario. Ainsi, par exemple, nous pourrions arriver à l’évaluation d’un titre de 40$ dans un scénario pessimiste (disons avec une probabilité de 25%), de 60$ dans un scénario réaliste (50% de probabilité) et de 80$ dans un scénario optimiste (25% de probabilité). Dans cet exemple, nous arriverions à une évaluation pondérée de 60$ ((25% * 40$) + (50% * 60$) + (25% * 80$)). Mais plus important, nous aurions une fourchette d’évaluation entre 40$ et 80$.

J’ajouterais qu’une bonne dose de prudence est recommandée dans l’exercice de l’évaluation d’un titre boursier, même dans le scénario optimiste.

Une fois que vous aurez établi cette fourchette d’évaluation, ménagez-vous une bonne marge de sécurité en achetant à un prix sensiblement inférieur à votre évaluation. Dans l’exemple ci-haut où la fourchette d’évaluation se situait entre 40$ et 80$ et l’évaluation pondérée de 60$, quel prix seriez-vous prêt à payer pour le titre?

J’aimerais pour ma part payer un prix qui s’approchera le plus possible de 40$. Idéalement, dans le cadre de notre gestion, nous tenterons d’obtenir un escompte d’au moins 20% par rapport à notre évaluation pondérée. Dans le cas hypothétique présenté, nous serions intéressés à acheter à 50$ ou moins. À un tel prix, nous envisagerions un rendement potentiel de 20% par rapport à notre évaluation pondérée de la société. À 45$, le titre nous semblerait encore plus attrayant, car nous envisagerions alors un rendement potentiel de quelque 33% alors que notre risque à la baisse (en fonction de notre scénario pessimiste) ne serait que d’un peu plus de 10%.

La deuxième habitude qui contribuera sensiblement à réduire le risque d’erreur est de miser exclusivement sur des titres de société de grande qualité (j’écrirai sur ce sujet dans un prochain blogue). En investissant dans une entreprise de qualité dont le modèle d’affaires est protégé par des barrières à l’entrée élevées et qui offre des probabilités élevées de poursuivre sa croissance à long terme, l’importance de votre évaluation initiale diminuera appréciablement avec le temps. En effet, l’entreprise qui réussira à accroître ses bénéfices par action à un rythme attrayant pendant plusieurs années verra sa valeur intrinsèque augmenter sensiblement pendant cette période.

Revenons à notre exemple de société hypothétique. Supposons par exemple que vous ayez fait une erreur d’évaluation au départ en l’évaluant à 60$ alors que sa véritable valeur était de 40$. Si cette société réussit à augmenter ses bénéfices par action de 10% en moyenne par année pendant les années subséquentes, on peut présumer que son évaluation intrinsèque augmentera parallèlement avec ses bénéfices. Après deux ans, cette valeur aura probablement augmenté à 48,50$. Après cinq ans, elle sera d’environ 64,50$.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100

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