Valeant : «je me pince le nez»

Publié le 05/11/2015 à 13:49

Valeant : «je me pince le nez»

Publié le 05/11/2015 à 13:49

BLOGUE. Dans son livre «The Education Of A Value Investor», Guy Spier, gestionnaire de portefeuille, écrit qu’une des leçons qu’il a apprise «à la dure» est qu’il «veut investir uniquement dans des entreprises qui ont des modèles d’affaires gagnant-gagnant pour l’ensemble de leur écosystème».

C’est cette phrase qui m’est venue à l’esprit ces dernières semaines alors que le scandale Valeant faisait rage. Comment une entreprise peut-elle augmenter du jour au lendemain le prix d’un de ses médicaments de 500%? Comment une telle entreprise peut-elle être considérée éthique? Comment dans une telle situation peut-on parler de modèle gagnant-gagnant? La société n’exploite-t-elle pas le fait que des patients n’ont tout simplement pas d’autre choix que de payer le prix affiché pour un médicament qui leur est essentiel?

Dans une entrevue récente publiée par Bloomberg, Charlie Munger, partenaire de Warren Buffett, dit que les méthodes de Valeant visant à acheter les droits de médicaments pour ensuite augmenter leurs prix sont «légales mais profondément immorales… Je me pince le nez».

Un autre cas me vient à l’esprit. Nous avons pendant quelques mois détenu des actions de la société Franklin Resources, mieux connue sous le nom de ses fonds mutuels Franklin Templeton, par l’intermédiaire desquels elle gère des milliards de dollars en actifs. Son modèle d’affaires repose en partie sur des ventes de fonds communs effectuées par des courtiers ou représentants «indépendants» qui sont rémunérés par commission. Un tel incitatif peut à mon avis mener à des ventes inappropriées de fonds à des investisseurs qui ne se doutent pas que leur vendeur est biaisé par sa rémunération. Je ne suis pas à l’aise avec les modèles d’affaires qui tentent de tirer profit de l’ignorance ou des faiblesses des clients de l’entreprise.

C’est après avoir vendu notre investissement dans Franklin Resources que nous avons ajouté cette question à notre checklist : le modèle d’affaires de cette entreprise est-il un gagnant-gagnant pour tous?

Une telle question est tout à fait logique pour un investisseur à long terme. Une entreprise peut très bien maximiser ses profits en adoptant des pratiques légales mais peu éthiques. Mais est-ce la bonne manière de créer de la valeur pour ses actionnaires à long terme?

Non seulement de telles pratiques me laissent-elles mal à l’aise, je suis également persuadé qu’elles sèment les graines d’une éventuelle chute pour ces entreprises. À long terme, les clients se rebelleront ou d’autres entreprises avec des modèles d’affaires plus éthiques les remplaceront. Plus que jamais, la réputation est un actif d’une grande valeur que les dirigeants d’entreprise ont le devoir moral de préserver.

J’aime bien citer Costco comme exemple de modèle d’affaires gagnant-gagnant : ses clients «gagnent» car ils obtiennent des prix attrayants pour une marchandise de qualité; ses employés «gagnent» car ils sont mieux payés que chez d’autres détaillants; ses fournisseurs «gagnent» (dans une certaine mesure) car les volumes de production élevés compensent les marges moindres; et les actionnaires «gagnent» (il suffit pour le comprendre, de regarder l’évolution du titre sur 25 ans).

Le scandale Valeant m’a persuadé d’une chose : mieux vaut investir dans des entreprises dont le modèle d’affaires est éthique et bénéfique pour tous. Non seulement de tels investissements nous font-ils mieux dormir, ils sont aussi susceptibles de nous procurer de bien meilleurs rendements à long terme.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

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