Est-il possible de mesurer la qualité d'une équipe de direction?

Publié le 24/01/2020 à 11:21

Est-il possible de mesurer la qualité d'une équipe de direction?

Publié le 24/01/2020 à 11:21

Un PDG en or et plusieurs employés qui forment une flèche en sa direction.

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. J’ai reçu récemment une question fort pertinente concernant la difficulté d’évaluer la qualité d’une équipe de direction: «Je veux détecter les Jeff Bezos, Mary Dillon, Bill Gates et Steve Job. Mais on fait comment avant que le succès soit déjà derrière et que les ratios C/B ne soient nécessairement sujets à dégonfler à la moindre déception?»

Il est certain qu’il serait extraordinaire d’être en mesure de dénicher les futures étoiles avant qu’elles ne soient connues!

Je dirais toutefois que l’évaluation d’une équipe de direction est très subjective et qu’elle repose en grande partie sur le jugement et l’interprétation. De plus, chaque investisseur aura ses propres critères de sélection en fonction de ses valeurs personnelles. Par exemple, plusieurs ne jurent que par Elon Musk, le fondateur de Tesla, alors que, pour ma part, je suis en désaccord avec plusieurs de ses façons de faire.

Pour alléger l’exercice, j’ai pensé me servir de l’exemple d’une société américaine que j’ai analysée en détail récemment et qui, à mes yeux, comporte plusieurs des éléments que je recherche au niveau de la qualité de l’équipe de direction. Voici donc quelques-uns des critères dont je me servirais pour attribuer une note à l’équipe de direction de cette société (que je ne nommerai pas). Afin de simplifier la lecture, je compte répartir ce blogue sur quelques semaines:

 

1- L’historique de création de valeur de la société à long terme avec l’équipe de direction en place.

Si un président est à la tête d’une entreprise depuis de nombreuses années, on devrait pouvoir se faire une bonne idée de son travail en examinant l’évolution du cours du titre depuis sa nomination. Si la personne a été récemment nommée, on peut alors se fier à sa feuille de route passée – a-t-elle créé de la valeur pour ses actionnaires par le passé?

Dans le cas de la société que j’ai analysée, le président actuel a été nommé en 2014, ce qui est une période relativement courte pour évaluer son travail. Toutefois, il travaille pour la société depuis 1983 et a gravi les échelons au fil des ans. Il avait été précédemment nommé vice-président information en 2009. On peut dire qu’il connaît très bien la culture de la société et qu’il a certainement eu un impact sur la performance de celle-ci au cours des dernières années.

Depuis 2014, le titre de la société en question a enregistré un rendement annuel composé de 12,6% (sans tenir compte du dividende); en 10 ans, le rendement annuel composé a été de 10,3% (toujours sans les dividendes) et de 13,7% sur 20 ans (sans les dividendes). En somme, au niveau de la création de valeur, je crois qu’on peut dire que l’équipe de direction passe le test haut-la-main. Note: A+.

 

2- La philosophie de rémunération de la haute direction.

Personnellement, je crois que les hauts dirigeants qui font un travail exceptionnel et qui créent de la valeur à long terme pour leurs actionnaires devraient être généreusement payés. En revanche, le contraire est peut-être encore plus important: ceux qui ne livrent pas la marchandise ne devraient pas s’enrichir sur le dos de leurs actionnaires. Idéalement, on recherche des entreprises où les salaires de base des hauts dirigeants sont raisonnables. Bien sûr, le terme «raisonnable» est très subjectif et il dépendra entre autres de la taille d’une entreprise et de son secteur d’activités. Il est bien de les comparer à ceux de sociétés similaires du même secteur.

Dans le cas qui m’intéresse, les salaires des membres de la haute direction me semblent particulièrement raisonnables: tous les membres reçoivent un salaire annuel de base de 100 000$ ou de 120 000$. Je vous avouerai que j’ai rarement vu ça au fil des ans; le seul exemple qui me vienne à l’esprit pour une grande entreprise est Berkshire Hathaway, où le salaire annuel de Warren Buffett est de 100 000$.

Si l’on veut que les hauts dirigeants travaillent pour nous, actionnaires, ils doivent à mon avis être incités à le faire par le biais d’une rémunération axée sur la performance financière et l’appréciation à long terme du titre de la société.

Bien entendu, la majeure partie de la rémunération de la société en question est axée sur la performance de la société, à court terme et à plus long terme.

Pour la partie «court terme», les primes des dirigeants sont calculées en fonction de la performance financière de la société, notamment la croissance des revenus, des bénéfices d’exploitation et des bénéfices par action, d’une année à l’autre.

Quant à la partie «long terme», la rémunération provient de l’attribution d’options d’achat d’actions aux dirigeants. De plus, chaque dirigeant est tenu de détenir entre dix fois son salaire annuel de base en actions de la société (pour les vice-présidents) et 60 fois pour le président.

Je donnerais une note «A+» à la société au niveau de la rémunération.

 

3- L’actionnariat de la société.

Il serait difficile de trouver un meilleur moyen d’inciter les dirigeants et administrateurs à travailler pour leurs actionnaires que d’être eux-mêmes d’importants actionnaires. Encore une fois, la question est subjective: on ne peut s’attendre à ce qu’un dirigeant qui n’a pas été le fondateur d’une entreprise détienne un pourcentage élevé des actions. Il faut aussi tenir compte de la taille de l’entreprise: détenir 1% d’une méga-entreprise est probablement plus significatif que détenir 20% d’une société de moyenne capitalisation. L’important, selon moi, est la valeur en espèces trébuchantes des actions que les dirigeants possèdent.

La société citée en exemple a une valeur boursière de plusieurs milliards de dollars et ses dirigeants (un total de 18 personnes) sont de deuxième génération (ils n’ont pas fondé l’entreprise). Or, collectivement, les dirigeants et administrateurs possèdent 1,2% des actions de la société, ce qui équivaut à une valeur approximative de 150 M$, dont environ 29 M$ pour son président.

J’estime que c’est amplement d’argent pour que les dirigeants maintiennent un intérêt marqué pour le succès de la société et l’appréciation de son titre à long terme.

La suite la semaine prochaine alors que je présenterai d’autres éléments entrant dans l’évaluation de la qualité d’une équipe de direction.

 

Philippe Le Banc, CFA, MBA 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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