Viser mondial, recruter local

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Mai 2021

Viser mondial, recruter local

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Mai 2021

(Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. « Think global, act local ! ». Cette phrase célèbre ne date pas d’hier…. On la doit à un activiste écossais, Patrick Geddes, qui l’a prononcée en 1915. Depuis, ce concept a été repris et adapté à toutes sortes de contextes (économique, d’affaires, environnemental, etc.) et les politiques ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) en sont une incarnation moderne. 

Cette phrase prend encore plus de sens en 2021 en matière de gestion des talents. Le télétravail forcé depuis plus d’un an et le confinement planétaire a prouvé qu’il était possible de servir son employeur de n’importe où sur la planète si tant est que l’emploi ne requière pas une présence physique inconditionnelle. Quand on sait que le secteur tertiaire occupe 77 % des emplois, cela concerne donc la majorité de la main-d’œuvre. 

Pour les autres secteurs, il va sans dire que contrer la pénurie de main-d’œuvre requiert une bonne dose de créativité et d’audace. Johanne (nom fictif), 42 ans, habite la région de Sorel-Tracy. Elle travaille depuis 20 ans au centre-ville de Montréal dans un salon d’esthétique. Elle a démissionné la semaine dernière pour travailler comme opératrice dans une usine. Elle troque la cire chaude pour l’aluminium en fusion et la blouse blanche pour les bottes et le casque de protection. Son nouvel employeur est à cinq minutes de chez elle, lui offre un salaire supérieur, un fonds de pension et des possibilités de carrière pour une femme qui souhaite se reconvertir. De l’audace, disais-je ? 

À l’heure où les entreprises réfléchissent à la façon dont ils vont faire revenir leurs troupes au bureau, les employés, eux, se questionnent sur leur réelle motivation à revenir dans l’ancien modèle. Plus question de perdre son temps dans les transports et gâcher de précieuses minutes de leur vie à se rendre au travail. La productivité a augmenté, les heures travaillées aussi. A-t-on gagné en qualité de vie ? Possible… Ce que l’on constate, et ce que j’entends, c’est que se rendre au bureau devra « faire du sens ». On ira au bureau pour socialiser, créer des synergies et des alliances. Fini la réunionite en présentiel. Donc peu importe où l’on se trouve au quotidien, l’important est de livrer la tâche en virtuel et de créer de la valeur en présentiel. 

Certains croient que ce nouveau mode de fonctionnement élargira les bassins de recrutement. Selon une étude de KPMG réalisée l’année dernière, 73 % des PDG croient que le travail à distance a élargi la disponibilité du vivier de talents en espérant que cela va les aider à atténuer le risque humain pour stimuler la croissance.

Force est de constater que la mobilité internationale et interrégionale est nettement à la baisse. Même les Américains qui étaient les champions de la mobilité et n’hésitaient pas à déménager dans un autre État pour un nouvel emploi y sont désormais réticents ! 

Quelles répercussions sur la culture d’entreprise ? Comment va-t-on s’assurer de la cohésion d’une équipe éparpillée aux quatre coins du monde (ou tout au moins du pays) ? Quels risques en matière de cybersécurité, de conformité ou de réglementation d’avoir des employés géographiquement dispersés ? Là encore, l’étude de KMPG montre que la cybersécurité et la réglementation sont les cauchemars des PDG… 

Une des pistes de solutions est de miser sur la main-d’œuvre qui a immigré. Au Canada, nous jouissons d’une grande diversité de population et on constate que plusieurs entreprises recrutent des employés d’origine ethnique et culturelle différente sur le marché local. Cette stratégie aidera assurément à combler l’écart entre le respect de la philosophie d’entreprise mondiale et la pratique locale tout en assurant un meilleur contrôle localement. 

Récemment, un de mes clients me demandait de recruter ici un candidat d’origine ethnique différente pour remplacer leur employé qui avait quitté le pays. L’entreprise vise un triple objectif : bénéficier d’un employé qui sait naviguer dans les deux cultures, s’assurer d’un recrutement local durable et renforcer la politique de diversité et d’inclusion.

Dans le même ordre d’idée, on n’a jamais autant rapatrié de Québécois qui avaient déménagé à l’extérieur de la province ou à l’étranger. Quand le monde est en crise, on tend à vouloir revenir à la maison. La dernière fois que j’ai constaté ce phénomène, c’était après le 11 septembre. Revenir au pays rassurait et comblait le besoin de se sentir en sécurité. La pandémie a le même effet.

Misons sur les diasporas ! Rapatrier les Québécois, Canadiens ou bien même les Gaspésiens ou les Soreloises qui sont partis s’installer ailleurs et leur offrir un retour à leurs racines ou un emploi à leur lieu de résidence (quel qu’il soit) pour une entreprise d’ici, c’est ça, viser mondial et recruter local.

 

Lire notre spécial grandes entreprises et son éventail de solutions à la pénurie de main-d'oeuvre.

À propos de ce blogue

Nathalie Francisci est présidente exécutive pour le Québec chez Gallagher. Elle oeuvre en recrutement de cadres depuis 25 ans. Entrepreneure, experte en gestion des talents, elle est reconnue comme l’une des références au Québec. Femme d’affaires engagée, elle siège sur plusieurs CA. Conférencière et chroniqueuse, ses interventions font la différence par l’énergie et style direct qui s’en dégagent. Passionnée par nature, elle n’oublie jamais qu’elle travaille avec des gens, pour des gens. Elle partagera avec vous ses réflexions et expériences sur l’univers du recrutement et de la gestion des talents pour faire réfléchir autant les individus que les organisations. Nathalie Francisci a été Finaliste au Concours des Mercuriades en 2001, elle a reçu le Prix «Nouvelle Entrepreneure du Québec» en 2001 et «Entrepreneure – petite entreprise» en 2007 décerné par le RFAQ et elle a remporté le Prix Arista en 2008. Elle porte les titres de CRHA et de IAS.A.

Nathalie Francisci
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