Sears Holdings: peut-on miser sur ses actifs?

Publié le 14/10/2017 à 10:58

Sears Holdings: peut-on miser sur ses actifs?

Publié le 14/10/2017 à 10:58

(Photo: 123rf.com)

Il y a un peu plus d’une semaine, Sears Holdings (NASDAQ, SHLD) annonçait à nouveau le recours à l’emprunt auprès du fonds de couverture de son dirigeant, Eddy Lampert. Les 100M$ empruntés ont été fixés à un taux d’intérêt de 11%, ce qui s’ajoute au fardeau financier de l’entreprise.

Les opérations de vente au détail demeurent déficitaires, et pendant longtemps, le principal argument pour justifier un investissement dans un tel titre reposait sur la valeur de l’immobilier de la société. En 2015, Bruce Berkowitz de la firme de gestion Fairhome Capital avait établi une valeur de 147$ par action, dont 123$ pour l’immobilier. Avec un titre qui se transigeait dans les 20$, nous avions affaire à tout un escompte! Le titre céda du terrain depuis, et a clôturé la séance de vendredi à moins de 7$. La société a subi plusieurs transformations depuis, avec ses ventes d’actifs, la création de Seritage Growth Properties (N.Y., SRG) ainsi que l’accumulation d’importants déficits.

Que vaut le titre aujourd'hui? L’auteur de cet article s’intéressa à la dette de SHLD, et a tenté d’estimer la valeur des actifs qui restent actuellement . Toutefois, nous suivons cette société depuis quelques années, et avons toujours émis des réserves quant à la valeur de l’immobilier, et surtout, l’impressionnante confiance de M. Lampert à relancer ce détaillant et renouer avec la rentabilité. Ce dernier point s’avère tout particulièrement important. Pour poursuivre ses activités, Sears doit se départir de ses précieux actifs, un à un, afin d’éponger les déficits qui perdurent. Autrement dit, si des doutes subsistent dans votre esprit quant à la viabilité de l’entreprise à long terme, rien ne sert de vous attarder sur la réalisation de la valeur des actifs à court ou moyen terme. 

Nous aurions assisté à un scénario totalement différent si M. Lampert visait plutôt à tout liquider, de façon ordonnée, afin de récupérer une bonne partie de la valeur perdue en Bourse. Soulignons qu’à son sommet, le titre de Sears Holdings se transigeait à plus de 150$. Baser la marge de sécurité sur les actifs d’une entreprise constitue une bonne stratégie. Cependant, un problème survient lorsque qu’il y a apparence de corrélation entre la valeur des actifs et la profitabilité des opérations.

En effet, comme nous l’exprimions à l’époque dans ce billet, Sears se retrouvait coïncée entre les détaillants vendant de la marchandise de qualité à fort prix, et les vendeurs à bas prix comme Walmart (N.Y., WMT). Ajoutons à cela le bouleversement qui frappe le secteur tout entier. La fulgurante domination de Amazon (NASDAQ, AMZN) fait mal, et nous éprouvons maintenant des craintes même par rapport aux meilleurs détaillants de l’industrie.

Dans cette optique, comment Sears pourra-t-elle survivre? Que vaudra son immobilier dans un contexte où bien des joueurs cherchent la porte de sortie? Si la société détenait toute sa valeur d’actifs en encaisse (argent  liquide), nous pourrions affirmer que nous bénéficions bel et bien d’une marge de sécurité pour un certain temps. Bien au contraire, cette valeur repose sur la demande future pour ses emplacements physiques, dont la demande risque d’être affectée par la grande migration des ventes au détail vers le digital, alors que ce dernier correspondait à seulement 12% des ventes pour l'année 2016, selon le «US Department of Commerce».

Cette réalité comporte des similarités avec l’industrie du pétrole. Si vous raflez le titre d’une entreprise à 10$, sous prétexte que ses réserves pétrolières s’élèvent à 15$ par action, vous bénéficierez d’une réelle marge de sécurité uniquement si les réserves demeurent à 15$ par action en cas de pépin. Or, si le prix du baril de pétrole s’effondre de moitié, l’entreprise devient déficitaire. Pendant ce temps, la marge de sécurité fond comme neige au soleil, puisque la valeur des réserves dépend du même facteur, soit le prix du baril.

Un investisseur avisé doit donc éviter les situations où la marge de sécurité provenant d’un actif est directement corrélée avec la bonne tenue des opérations de l’entreprise.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

 

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