Les titres qui semblent peu risqués en apparence

Publié le 17/09/2016 à 12:24

Les titres qui semblent peu risqués en apparence

Publié le 17/09/2016 à 12:24

Vous jetez un coup d’œil à un titre en Bourse. Vous constatez son incroyable stabilité, tant sur le plan de la volatilité que sur le plan des résultats de la société sous-jacente. Les profits demeurent stables d’une année à l’autre, et comme l’entreprise verse un dividende, vous estimez pouvoir le comparer plus ou moins à un titre à revenu fixe. Nous en sommes à notre deuxième blogue sur le sujet, où nous cherchons à démontrer qu’un portefeuille engendrant peu de rendements peut cacher des risques insoupçonnés.

Utilisons l’exemple de deux titres : Wayne Savings Bancshares et Nordson.

Wayne Savings Bancshares (NASDAQ, WAYN): entreprise à faible rendement

Il s’agit du genre de titre souvent prisé par les investisseurs recherchant du revenu. Il paie un dividende de 2,7%, et fluctue peu dans le temps. Wayne Savings constitue une petite banque desservant des clients en Ohio. Peu d’investisseurs devaient être préparés à ce qui survint durant la crise financière. Le titre se transigea entre 13$ et 16$ pendant environ quatre ans, pour ensuite connaître une dégringolade spectaculaire de plus de 60% en 2009.

Le retour sur les capitaux propres de cette petite banque ont toujours été anémiques, ce qui n’empêchait pas les investisseurs d’apprécier sa stabilité. On se retrouvait alors avec une évaluation offrant peu de rendements potentiels, ressemblant davantage à un certificat de placement garanti. Cependant, lorsque l’action toucha les 5$, nous étions en présence d’une tout autre situation. Achèteriez-vous un certificat de «pauvreté garantie» offert à la banque, à 40% d’escompte? En ce qui nous concerne, ce serait avec joie!

Wayne Savings constitue le genre de titre qui ne nous intéresse point à long terme. À court et moyen terme, tout repose sur l’escompte, qui apparaît normalement en temps de crises. Pourtant, la société a à peine été affectée par la dernière récession. Jouissant d’une stabilité déconcertante dans ses résultats, ses provisions pour pertes demeuraient dans les normes de l’industrie d’avant la récession.

Donc, résumons la situation ainsi : ce genre de titre fluctue peu, et offre un dividende intéressant. Se fiant au passé, les investisseurs craintifs achètent, pensant que le faible rendement provient davantage du faible risque en Bourse que d’une évaluation trop élevée. Lorsque la crise frappe, ces investisseurs paniquent et vendent, créant un beau point d’entrée pour nous, alors que le titre devient enfin intéressant (faible risque, gros rendements).

En ce qui concerne l’entreprise (et non le titre), est-elle vraiment si peu risquée? Nous devons garder à l’esprit que toute banque utilise un important effet levier. Le ratio des prêts sur l’équité net tangible est de 8 fois. Il suffit que la valeur moyenne des prêts s’effondre de 12,5% pour enrayer tout l’avoir des actionnaires, un scénario que l’on ne peut pas totalement écarter en cas de crise grave. Donc, malgré la stabilité des résultats d’une banque, on doit éviter de surpayer pour ses actions.

Nordson (NASDAQ, NDSN) : une perception qui amène à parfois payer trop cher

Cette société fabrique une série de produits, dont des adhésifs et des mastics. Nous savons tous à quel point les investisseurs comptent sur les dividendes comme gage de stabilité et de sécurité. Nordson a crû son dividende lors des 53 dernières années! Nous ne pouvons dire quand elle a commencé cette pratique, mais la direction ne manque pas de souligner chaque année l’augmentation de son dividende dans le rapport annuel. Imaginez: vous annoncez à vos actionnaires que vous êtes rendus à 45 ans de hausse de votre dividende. Si les affaires roulent moins bien à la 46e année, allez-vous briser ce record en maintenant ou en coupant cette distribution? Vous risqueriez d’apeurer tout le monde!

Nordson s’avère une entreprise très rentable, et nous admirons ses performances! Cependant, probablement par souci de maintenir son image, elle haussa son dividende en 2009, malgré une baisse des ventes de 27%. Dans la lettre aux actionnaires, on peut y lire : «Nous avons augmenté notre dividende pour la 46e année consécutive, un record nous plaçant parmi 16 autres sociétés publiques américaines.» Pourtant, au début de la lettre, on précise qu’on cherche à aller plus loin dans son programme de coupe de dépenses, afin de préserver ses liquidités.

La société a-t-elle réussi à maintenir l’action à son sommet de 80$ atteint en 2008? Pas du tout! Le titre chuta jusqu’à 21$ en mars 2009. Ironiquement, un tel record ne procure aucune valeur ajoutée à ceux qui achèteraient le titre aujourd’hui. Il les amène simplement à payer plus cher, étant donné l’illusion que la société pourra éternellement hausser son dividende.

Heureusement, Nordson dégage réellement de bons profits et son dividende représente encore un faible pourcentage des bénéfices, mais il suffit de penser aux maintes entreprises «moins rentables» qui s’efforcent de sauver la face lorsque les difficultés commencent. Vous comprendrez alors que l’investisseur se retrouve parfois avec des bombes à retardement entre les mains. Le danger réside donc dans le réflexe commun de payer parfois trop cher pour «acheter» l’historique des dividendes, alors que celui-ci augmente le risque financier pour l’entreprise plutôt que de le réduire.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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