Le problème avec le RRQ

Publié le 18/11/2017 à 15:33

Le problème avec le RRQ

Publié le 18/11/2017 à 15:33

Tout récemment, des changements ont été annoncés pour le Régime des Rentes du Québec: les prestations à la retraite seront augmentées! Pour les futurs retraités, il y a de quoi se réjouir, mais cela vient avec une hausse non négligeable des cotisations pour les travailleurs. Plusieurs se sont plaints, avec raison. 

Lorsque l’on effectue un calcul du rendement que procurent les prestations, on obtient des résultats bien médiocres. Un travailleur autonome de notre entourage exprima son désaccord en ces termes: «Je dois payer les deux cotisations, soit celle de l’employé, ainsi que celle de l’employeur, alors que j’estime ne pas avoir besoin de ce régime. Malgré que je sois dans la quarantaine, je serais prêt à renoncer à mes prestations en échange de ne plus jamais cotiser au régime!»

Ce commentaire s’avère un peu extrême, mais il exprime une certaine frustration, alors que ce travailleur à l’habitude d’obtenir de biens meilleurs rendements dans ses autres véhicules d’investissement. Cette frustration, nous devons le souligner, ne provient pas que des faibles rendements du régime. Nous devons plutôt regarder du côté légal: l'obligation absolue d'y participer!

Nous ne discutons pas ici d’un service public disponible pour ceux qui en ont besoin, mais bien d’un service pour lequel on paie, et pour lequel on ne choisit aucunement ce que l’on récolte en retour. C’est un peu comme si le gouvernement obligeait tout le monde à acheter exactement la même maison, tout en déterminant lui-même le prix à payer. Vous trouvez que cette maison est trop chère pas rapport au prix exigé? Vous n’avez pas le choix, c’est bien celle-là que vous devez acheter, et ce, peu importe que vous en ayez besoin ou non!

Qu’arriverait-il si le régime n’était pas imposé à tout le monde et qu’il était constitué en régime volontaire? À n’en point douter, beaucoup de contribuables s’en désisteraient, et préfèreraient dépenser cet argent plutôt que de l’investir à long terme. Les personnes les moins disciplinées ou conscientisées aux besoins financiers de la retraite se retrouveraient uniquement avec les prestations du gouvernement fédéral. Ironiquement, on irait chercher davantage d’argent dans les coffres du fédéral, mais restons sur le sujet.

Nous pensons qu’il existe peut-être une façon simple de rendre le régime volontaire, mais obligatoire pour ceux qui en ont absolument de besoin. Il suffirait de créer une table de montants à épargner, un peu comme celle proposée dans ce billet. La grande différence résiderait dans le montant à atteindre selon l’âge, qui ne serait pas fixé en fonction du salaire, mais plutôt par rapport à un minimum nécessaire (atteignable par la majorité des gens, incluant ceux gagnant le salaire minimum) pour faire en sorte que le RRQ ne soit plus essentiel.

Par exemple, si on estime qu’à 55 ans, il faut avoir accumulé au moins 100 000$, il suffirait pour un contribuable de prouver au gouvernement qu’il rencontre cette exigence afin d’éviter la cotisation du RRQ. Si l’année suivante, le montant exigé est de 108 000$, mais que fautes d’épargne et de rendements, notre individu en question se retrouve avec seulement 104 000$, il aurait à contribuer pour cette année-là.

Quel sera le résultat après plusieurs années d’une telle mesure? Nous y verrions un puissant incitatif à épargner et à s’intéresser aux investissements, pour l’ensemble de la population. Sachant que pour éviter de contribuer, un épargnant doit rencontrer un minimum progressif à travers les années, il consacrera les efforts nécessaires pour y arriver. Sinon, en payant la contribution, il saura (et sera conscientisé) au fait qu’il n’a pas assez accumulé.

Certains pourraient se révolter en disant que ceux qui en ont les moyens pourront se soustraire au régime, et ainsi profiter de meilleurs rendements ailleurs. Si tel est le cas, ce serait avouer d’emblée que le régime n’est pas efficace. S’il n’est pas avantageux pour les mieux nantis, il ne l'est pas non plus pour les gens plus défavorisés, qui eux, ont besoin plus que quiconque de bénéficier de meilleurs rendements!

Si au contraire, une personne estime que le régime constitue une option très intéressante, elle pourrait y cotiser même si elle rencontre les minimums exigés, puisqu’il demeurerait «volontaire». Donc, l’idée consisterait à permettre aux investisseurs qui le désirent de gérer eux-mêmes leurs placements, tout en conservant les avantages du régime pour les autres.

Oublions pendant un instant le fait qu'une telle mesure pourrait rendre le régime déficitaire. Le fait de prendre conscience de l'importance d'épargner aurait des répercussions positives pour contrer le manque de littératie financière au Québec. Nous rencontrons trop de gens qui, atteignant l’âge de 40 ans, voire même 50 ans, se sentent parfaitement à l’aise de n’avoir encore presque rien épargné pour la retraite même s’ils gagnent des salaires respectables. Pendant ce temps, ils n’ont acquis aucune expérience en Bourse ou sur le monde de l’investissement en général, ce qui ne fait que contribuer aux inégalités de richesse à long terme, alors qu'ils laissent aux riches tous les actifs générant des revenus. Une simple question au moment de faire leurs impôts les aiderait à les sensibiliser: «Devez-vous cotiser au RRQ cette année?».

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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